Les rumeurs autour de Maaloula alimentent une véritable psychose chrétienne

Malgré les démentis d’autorités ecclésiastiques responsables et de milieux proches de l’abbesse du couvent grec-orthodoxe de Mar Takla à Maaloula, mère Pélagie Sayyaf, qui infirmaient jusqu’à hier soir les rumeurs colportées sur d’éventuels « massacres » qui auraient eu lieu ces derniers jours dans ce village chrétien de Syrie (les lieux de culte auraient en revanche subi des dégâts matériels en raison des combats entre les deux belligérants, selon ces sources), la psychose – entretenue par le régime syrien et ses alliés ? – sur les atteintes présumées contre les lieux de culte et contre les chrétiens de Syrie continue d’alimenter le discours politique libanais et les échanges frénétiques sur les réseaux sociaux. Ce qui devrait inciter les plus hautes autorités de l’Église à établir les faits et clarifier une fois pour toutes ce qui se produit réellement dans ce village chrétien syrien, disputé depuis quelques jours par les rebelles à l’armée d’Assad. Car si le patriarche grec-orthodoxe, Youhanna X Yazigi, avait démenti la semaine dernière les rumeurs alarmistes, le patriarche grec-catholique, Grégoire III Lahham, lui, les entretient. Et, au final, cette confusion qui règne autour de Maaloula place de facto la communauté chrétienne au cœur du débat actuel sur la crise syrienne, à l’heure où le monde continue d’étudier la réponse appropriée à l’usage des armes chimiques par le régime Assad.

(Lire aussi : Les combats reprennent à Maaloula)

Le président de la République, Michel Sleiman, a condamné hier « toute violation de lieux sacrés sur n’importe quelle parcelle de territoire, compte tenu de ce que ces lieux représentent symboliquement comme culture, esprit de paix, de consensus, de pardon et de fraternité ». Le chef de l’État, qui a reçu le chef de la communauté chaldéenne, Mgr Michel Kassarji, a « exprimé sa grande colère face aux informations rapportées concernant les violations flagrantes et les actes de violence, de vandalisme et les agressions contre des lieux de culte chrétiens et des citoyens bien enracinés en terre syrienne et orientale depuis des millénaires » dans le village à caractère historique de Maaloula. « Ces actes odieux et honteux vont à l’encontre de l’esprit des religions et portent atteinte à l’image de leurs auteurs devant l’opinion publique internationale et devant Dieu », a poursuivi Michel Sleiman, appelant « tous les groupes armés à respecter les principes et les lois qui régissent la guerre ». Le président a également invité toutes les parties à mettre en exergue la valeur de la personne humaine et le respect de sa dignité dans les échanges et les relations entre les hommes.

La question de Maaloula avait d’ailleurs fait l’objet d’entretiens entre le chef de l’État et le président français François Hollande lors de leur dernière rencontre à Nice. Michel Sleiman évoquera également ce dossier avec le secrétaire général de l’ONU et les chefs de délégation des différents pays lors de la réunion consacrée au Liban à New York à la fin du mois.

(Pour mémoire: "Dieu, protège la Syrie" : les chrétiens de Damas prient à l'appel du pape)

Dans la foulée des propos, dimanche, du ministre Gebran Bassil, le député de Jbeil, Simon Abiramia, a appelé la communauté internationale à condamner les atteintes commises à Maaloula, appelant à protéger les lieux de culte. Le député du Courant patriotique libre s’en est pris hier à la position du président des Forces libanaises, Samir Geagea, qui qualifie la rhétorique actuelle sur Maaloula de « propagande » du régime Assad sur la question des minorités. M. Abiramia a estimé que les propos de M. Geagea sont « coupés de la réalité et vont à l’encontre des intérêts chrétiens, comme toute sa position sur la question syrienne ».

Aux antipodes de la position aouniste, le député FL Fady Karam a condamné « les tentatives par certains médias et hommes politiques libanais d’exploiter ces événements au service d’un régime qui assassine avec des armes chimiques ». « Ils pensent donner un dernier quart d’heure de survie au régime de cette façon en lui donnant un prétexte de survie, à savoir qu’il serait le protecteur des minorités et que ses adversaires seraient des annihilateurs des minorités », a estimé M. Karam. Le député FL du Koura a dénoncé l’action de « ces médias vendus et mensongers », qui pratiquent selon lui l’adage : « Mentez, mentez, il en restera toujours quelque chose. » Sur le ton de la plaisanterie, il a appelé les parties chrétiennes concernées à cesser de faire de la surenchère fondée sur des événements et des mensonges, et... il leur a proposé « d’aller se battre au côté de leur allié, le Hezbollah, en Syrie pour défendre les lieux de culte chrétiens » qu’ils disent être menacés. Plus sérieusement, il a appelé ces parties à se ranger derrière le patriarche grec-orthodoxe, Youhanna X Yazigi, lequel avait lui-même démenti il y a quelques jours les folles rumeurs sur Maaloula.

Lire aussi

Pour mémoire

Voir aussi notre dossier

« Ce qui se passe à Maaloula est inacceptable », déplore Amine Gemayel

Souhaid dénonce la propagande distillée par certaines parties chrétiennes et appelle l’Église à réagir