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Culture - Créations

Le zoo urbain domestiqué par Nadim Karam

Il joue, Nadim Karam ? Il doit sûrement s’amuser l’architecte avec ses « urban toys », les bien nommés, devenus plus petits, renommés « urban zoo » et exposés en sculpture ou peinture à la galerie Ayyam*.

La foire aux animaux urbains.

Ces créatures qui sont, dirait-on, des rêves d’enfants réalisés à l’âge adulte peuplent la galerie Ayyam, sur la marina de Beyrouth.


Vingt-neuf pièces fantaisistes et ludiques, mais aussi anarchiques et rebelles, disséminées les unes sur les murs, d’autres sur un piédestal et d’autres encore disposées à même le sol, au milieu des deux salles de la galerie. À gauche de l’entrée, contrastant avec le coin aux murs repeints en noir, une grande oie blanche touffue et callipyge. Cette forme dodue, piquée de plumes de canard, pourrait être vue également comme un cœur avec des pieds. Mais l’artiste, selon l’intitulé, vise plutôt un nuage anthropomorphe. Ce nuage qui revient assidûment dans son œuvre. Intrigant, il invite à la fois à l’évasion, au rêve. Cette légèreté peut aussi être pesante. Comme un gros nuage annonciateur de tempêtes. Mais l’on n’en est pas là. En tout cas pas encore, ni dans l’œuvre de Karam. L’immaculée blancheur des plumes nous donnerait plutôt envie d’aller faire un tour dans le ciel, comme ces millions de gouttelettes d’eau qui s’évaporent chaque seconde...


Redescendons sur terre et visons à droite, un mur où sont alignés huit tableaux de la série des «éléphants», une autre constante (qui ne... trompe pas) de l’œuvre de Karam. La forme emblématique de l’animal, ainsi que la richesse de ses multiples interrogations graphiques autant que symboliques expliquent sans doute les raisons de sa fascination pour le «guerrier culturel».


Le bestiaire de Karam a fait ses premiers pas au musée Sursock en 1994 et au Musée national en 1995. Puis la «procession archaïque » s’est lancée à l’assaut des grandes artères du centre-ville, avant de camper sur les autoroutes côtières. Les sculptures ont émigré, figuré dans des biennales, dont celles de Venise, Liverpool et Gwangju. Un trio d’éléphants a été vu dernièrement sur l’esplanade de l’Institut du monde arabe à Paris, de même que ses diverses créatures hybrides dans d’autres expositions collectives dont celles à la villa Empain à Bruxelles (2012), Chatsworth House (2011), le Royal College of Art de Londres (en 2011), Running Horse, Beyrouth (2011), Katzen Art Center, Washington (2010), American University Museum, Washington (2010)...

 

Queen of Spades, une sculpture en bois recouverte de boutons de nacre.

 


Né au Sénégal en 1957, Nadim Karam vit et travaille à Beyrouth où il a fondé en 1996 l’atelier Hapsitus, voulu comme «un groupement satellitaire de jeunes architectes et designers libanais qui cherche à créer un vocabulaire urbain original à travers des installations d’art à grande échelle et des œuvres architecturales pour plusieurs villes dans le monde».


Les œuvres de Karam sont donc regroupées ici sous l’appellation «Zoo urbain». Selon le dictionnaire des rêves, le zoo symboliserait la perte de liberté, ou le fait que les talents individuels passent inaperçus. Il illustre, également, le sentiment d’être en cage. Le zoo peut aussi représenter le chaos et la confusion.
Est-ce le caractère humain des animaux ou le côté bestiaire de l’humain que l’architecte, designer, sculpteur, peintre et auteur à l’imagination fantastique a voulu ressortir ici à travers ses sculptures en acier ou boutons de nacre, ses peintures à l’acrylique ?


Anthropomorphisme ou zoomorphisme, représentations picturales ou sculptures. Fantaisies ou rêves. La faune de Nadim Karam se trouve ici ramassée dans un espace où l’on peut mieux l’appréhender. L’apprivoiser. Et même la domestiquer si l’on en a les moyens. Mais nul doute que les sculptures monumentales de l’artiste véhiculaient un tout autre sentiment de liberté et de fantaisie dans un espace urbain chaotique. Où elles prenaient amplement leur signification de « jouets urbains », meilleures antidotes contre la morosité ambiante.
Jusqu’au 10 octobre.

 


* Beirut Tower, rez-de-chaussée, rue Zeitouné, marina de Beyrouth, Solidere. Tél. : 01/374450 - 51. De 10h à 20h, les samedis de 12h à 18h. www.ayyamgallery.com


 

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