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À La Une - Reportage-Syrie

Le difficile retour à la vie dans la ville fantôme de Qousseir

La ville, conquise par le régime avec l’aide du Hezbollah, commence timidement à revivre.

Dans le quartier à majorité chrétienne de Qousseir, l’église grecque-catholique a subi des outrages. Le dôme doré de Mar Élias est perforé et la cloche inutilisable. Joseph Eid/AFP

Sur le terre-plein de la principale avenue de Qousseir, trois hommes débroussaillent la mauvaise herbe, plantent de jeunes palmiers et élaguent les lauriers roses. Derrière eux, un panneau métallique bleu, signalant à la peinture blanche « Caisse d’épargne, branche de Qousseir », est criblé de balles, et devant, il ne reste que l’ossature en fer d’une statue en ciment de Bassel el-Assad, le frère de l’actuel président tué il y a plusieurs années dans un accident de voiture.


Désertée par la quasi-totalité de ses 50 000 habitants, ce fief rebelle, conquis à l’issue de féroces combats, il y a deux mois, par l’armée syrienne avec l’aide du Hezbollah, commence timidement à revivre. L’air bonhomme, assis sur un canapé devant une tasse de thé, la cigarette aux lèvres, deux policiers en chemise blanche sont armés d’une tapette antimouches. Ils regardent distraitement les quelques voitures errant dans cette ville fantôme, qui pourrait passer pour paisible sans les échoppes défoncées, et les immeubles détruits et désertés.
« Je plante ces arbres car ils symbolisent la vie et l’amour. Les terroristes ont détruit notre ville et nous la reconstruisons car je veux voir reverdir mon pays et les habitants revenir », affirme Fadi, un tailleur de 50 ans dont l’échoppe est totalement détruite. Le mot « terroriste » désigne, pour le régime et ses partisans, les rebelles. Ceux qui sont rentrés à Qousseir, après la défaite des insurgés, ne portent pas ces derniers dans leur cœur.


La compagnie d’électricité a tiré un câble de haute tension; les employés installent des lignes électriques et des lampadaires neufs sur « l’allée de l’Évacuation » des troupes françaises en 1946. Des entrailles du bâtiment des télécoms sortent des tuyaux de haut débit alors que tous les centraux ont été brûlés. « Les terroristes ont tout détruit 48 heures avant la libération de la ville, et les dégâts se montent à un milliard de livres syriennes », assure Mtanios al-Chaër, le nouveau directeur du centre, l’ancien ayant fui avec les insurgés. « Nous venons, ajoute-t-il fièrement, d’installer un central de 1 200 lignes pour les habitants et les services gouvernementaux, et 80 lignes sont en fonction. Mais avant, sa capacité était bien plus grande. » 

 

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Personne ne connaît exactement le nombre d’habitants ayant regagné la ville : pas plus de 2 000 selon M. Chaër, autour de 600 selon la présidente de la municipalité, Shaza Mourad. Dans l’ouest de la ville, les quartiers musulmans, ex-fiefs des rebelles, sont totalement déserts, à l’exception de quelques personnes.

 

« Le Hezbollah a libéré cette église »
Sur son vélo, Mahmoud Ahmad, un fonctionnaire retraité de 74 ans, est parti remplir deux bidons d’eau à une fontaine. Lui et sa femme, Foutoun, n’ont quitté la ville que deux jours, au plus fort des combats. « Nous n’avons pas d’argent pour louer une maison, alors nous sommes rentrés, même si nous n’avons ni eau ni électricité », dit-elle dans sa cuisine obscure. Leur voisin, Abdallah Massara, resté aussi, espère que sa famille le rejoindra après la fête musulmane marquant la fin du ramadan.


En revanche dans le quartier à majorité chrétienne, dans l’est, la vie est plus animée. Entre les deux, près de la place de l’Horloge, l’église grecque-catholique et la grande mosquée ont subi des outrages. Le dôme doré de Mar Élias est perforé et la cloche inutilisable. À l’intérieur, l’autel en marbre a été brisé, et un tableau représentant saint Élie a été partiellement brûlé. Sur les murs, des graffitis affirment : « La religion de Mohammad vaincra les tyrans et les renégats », ou « Le Hezbollah a libéré cette église ». « Nous avons nettoyé notre église et ensemble nous essayons de la remettre en état avec nos maigres moyens. Rien n’est arrivé de l’archevêché, mais chaque dimanche, un prêtre officie dans la cour », explique Jafar Nassour, un technicien de 40 ans. Les chrétiens représentent 10 % des habitants.


De l’autre côté de l’avenue, la mosquée est en piteux état. Le minaret est à moitié détruit, et dans la salle de prière, des pierres se sont détachées à cause des bombardements tandis que le sol est jonché de débris de verre. « Nous remettons en marche ce que nous pouvons, mais pour la reconstruction, il faudra attendre car nous sommes un pays en guerre », dit le lieutenant-colonel Raëd Abboud, en charge de la sécurité.

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