( Voltaire réinventé )
Cette citation n’est pas de Voltaire mais de l’écrivaine anglaise Evelyn B. Hall qui l’a créée pour résumer l’esprit de la pensée voltairienne. Si elle est reprise en préambule de cette chronique c’est pour rappeler que hors la liberté d’expression c’est la voie ouverte à l’injustice, à l’intolérance et, au final, aux dictatures et à l’esprit fasciste.
La montée actuelle des tensions dans la région du Moyen-Orient, qu’il s’agisse d’insurrections ou d’attentats terroristes, est la conséquence désastreuse de l’arrogance de régimes pourris et de partis totalitaires réfractaires à tout changement et à la simple écoute de l’autre.
Dans le monde arabe, les révolutions n’en sont encore qu’à leur début et leur aboutissement nécessitera, forcément, beaucoup de sueur et de sang. Mais fous à lier sont ceux qui s’imaginent que le cours de l’histoire pourrait s’inverser et que l’ordre ancien réussira à éviter la déroute.
Égypte, Tunisie, Libye, Syrie : entre printemps et automne, entre espoir et désespoir, c’est le destin de peuples trop longtemps brimés, trop longtemps assujettis au bon vouloir du prince, qui se joue. Mais les chaînes sont en train d’être brisées et les mains libérées forgent déjà les destins de demain, des jours meilleurs.
Et nos menottes à nous, ces chaînes qui nous entravent depuis toujours ? Où sont donc les jeunes Libanais pour les arracher, pour dire « assez », « khalass », ça suffit » ? Pour hurler leur rejet des tutelles et des chefs qui véhiculent la pensée unique, la Vérité telle qu’ils l’entendent, qu’elle soit laïque ou divine ?
Jusqu’à quand ce confessionnalisme haineux qui est devenu un fonds de commerce lucratif dans lequel investissent fidèles et infidèles, dans lequel puisent abondamment croyants et mécréants ? Jusqu’à quand le panurgisme indigne qui annihile les consciences et neutralise toute réflexion ?
Où sont donc les universitaires chiites, les intellectuels et cadres chiites, cette nouvelle génération de penseurs et d’enseignants qui ont enrichi leur bagage culturel à l’école de Voltaire et d’autres esprits libres ? Qu’attendent-ils pour dire à ceux qui les maintiennent sous leur emprise, qui ne carburent qu’à la parole divine, que le monde est large et pluriel, que les religions sont de l’ordre personnel et qu’il est normal de penser différemment sans que l’on soit accusé de parjure ou de trahison ?
Où sont donc les lettrés sunnites, jeunes et moins jeunes, les esprits brillants, ceux qui ont fait les grandes universités, qui côtoient quotidiennement d’autres cultures et donnent la preuve de leur compétence à la tête de brillantes entreprises ? Qu’attendent-ils pour se manifester, pour mettre le holà aux nombreuses dérives, celles qui permettent à des « fous de Dieu » de se présenter comme les vrais représentants de leur communauté ?
Dernier point mais pas le moindre : où se cache donc l’intelligentsia chrétienne, celle qui se prétend tête de file du mouvement contestataire, guide d’une société civile qui n’est pas encore sortie de sa coquille ? Où sont tous ces jeunes qui se disent laïques, qui jouent aux matamores sur les réseaux sociaux et qui, dès que les choses se compliquent, se rangent illico derrière leurs références communautaires ? Quelles explications peuvent donner tous ceux qui plastronnent contre les ordres établis, qui s’insurgent contre l’immobilisme et qui, soudain, par des nuits sans lune, prennent le chemin de l’exil ou se font une raison, celle du maître de toujours ?
Les populations arabes brisent les chaînes, jouent leur avenir sur les places publiques, pavent, dans le sang, le chemin menant à la liberté... Les Libanais, eux, regardent le train du changement filer à toute allure et se contentent de lui souhaiter un bon voyage.
Terminus : sunnites, chiites, druzes, chrétiens, tous sont logés à la même enseigne, celle d’une histoire figée ; tous se retrouvent sur le carreau à l’ombre d’une même « fierté nationale », d’une même damnation : le compromis-compromission...
Des Perses aux Croisés l 'histoire avec touts les compromis ne fait qu se renouveler dans une forme de chantage sans horizon . Triste . Antoine Sabbagha
10 h 51, le 29 juillet 2013