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À La Une - Témoignage

Ala’, jeune Syrienne : « J’ai vu des choses horribles »

Le mensonge, clé de la liberté pour Ala’, une étudiante syrienne détenue pendant 65 jours.

Ala’ Morelli, 23 ans, pense avoir échappé au pire dans les geôles syriennes : pour s’en sortir, elle a accepté de faire de fausses « confessions » à la télévision officielle pour accréditer la thèse d’une rébellion montée de toutes pièces.

 

La jeune femme, qui a depuis épousé un chef rebelle ayant participé à sa libération, a été arrêtée le 12 juin 2012 en sortant de l’Université de Lattaquié, sur la côte méditerranéenne. Un étudiant l’a accusée d’avoir rédigé et distribué des tracts appelant à manifester contre le régime. « À la sortie de mon examen, les forces de sécurité m’attendaient avec mon délateur. Il m’a désignée du doigt et elles m’ont arrêtée », raconte-t-elle. Ala’ a passé 65 jours en détention, d’abord au quartier général des services de la sécurité d’État à Damas puis dans une prison près de la capitale, avant d’être transférée à Homs, dans le centre du pays, et enfin à Lattaquié. « J’ai vu des choses horribles. Les gardes me harcelaient psychologiquement. Mais les autres filles ont vécu des choses bien pires, confie-t-elle. À Damas, j’ai vu une cellule où étaient entassées une quarantaine de femmes, toutes nues, les yeux bandés et menottées. Elles ne pouvaient pas s’asseoir. »


Les organisations de défense des droits de l’homme estiment que plus de 30 000 personnes croupissent dans les prisons, où elles sont torturées systématiquement.


Ala’ a finalement accepté d’avouer ses « crimes » sur la chaîne officielle syrienne, qui diffuse des « confessions » de détenus accusés de collaborer militairement ou civilement avec l’opposition. Une décision qui, selon elle, lui a permis d’échapper au pire. Sur sa vidéo, passée en boucle à la télévision, Ala’ affirmait, la tête couverte d’un voile blanc, avoir accepté de rapporter à la chaîne qatarie al-Jazira, sous un pseudonyme, de « fausses manifestations antirégime et d’inventer des actes de répression ». « Ce que je disais (sur al-Jazira) était faux », prétendait-elle dans sa « confession » de 15 minutes. Les militants « ont donné l’image d’un bain de sang pour retourner l’opinion publique internationale contre la Syrie, alors qu’il ne s’y passait rien », ânonnait la jeune femme en pleurant.


Pendant la captivité de Ala’, des opposants ont lancé une campagne pour sa libération. « Finalement, c’est grâce à un échange de soldats détenus par une brigade (rebelle) de l’Armée syrienne libre (ASL) qu’une autre fille et moi sommes sorties ». Ala’ a épousé le chef de cette brigade, Saïd Tarbouch, commandant du bataillon Ahrar Jablé, qui a négocié l’accord, et s’est installée avec lui en Turquie voisine. « Il m’a sauvé la vie et m’a appris ce qu’est le véritable amour », dit la jeune femme. En sécurité à Istanbul, elle a échangé le voile blanc de sa confession forcée contre un foulard en camaïeu de roses, brodé de fleurs. Son mari, qui porte une barbe épaisse, utilise souvent des expressions religieuses. Les mois passés à se battre contre l’armée dans la campagne autour de Lattaquié l’ont endurci. Mais bien qu’elle soit manifestement moins conservatrice que lui, il se dit extrêmement fier de Ala’. « Vous avez vu à quel point elle est forte ? » sourit-il.


Ala’ rêve de soutenir une thèse en histoire et de retourner un jour à Lattaquié comme professeure. Pour l’instant, elle continue le combat en collectant des fonds en Turquie avec un groupe d’amis. Ils apportent de la nourriture et des produits de première nécessité aux familles déplacées, en traversant la frontière via des passages tenus par les rebelles. Ce n’est « pas suffisant, mais c’est mieux que rien », dit-elle.

 

 

 

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