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Divorce pour tous

Finalement, et en prologue paradoxal, il faut bien reconnaître que tous les Libanais sont logés à la même enseigne : toutes les communautés ont connu, à tour de rôle, la même traversée du désert, ont subi la même humiliation et expérimenté, à leur corps défendant, ce fameux « ihbat », cette déprime paralysante qui a laissé plus d’un fort en gueule sur le carreau.
Épisode premier, souvenez-vous en, il y a eu cette déshérence chiite, longtemps assumée comme une fatalité avant que le « mouvement des déshérités » de l’imam Moussa Sadr n’en fasse une arme revendicatrice, une arme que le Hezbollah a transformée, au fil des ans, en épée de Damoclès suspendue au-dessus de la tête de tous les Libanais.
Deuxième épisode, le traumatisme chrétien, maronite plus précisément, résultat de paris absurdes, de guerres impossibles qui n’ont « ni libéré ni éliminé » et qui continuent, deux décennies plus tard, à perpétuer les mêmes clivages, les mêmes clichés, comme si le temps avait été suspendu, le temps des déchéances morales et des mensonges assénés comme autant de vérités.
Troisième épisode, celui de l’humiliation sunnite, vécue, depuis l’assassinat de Rafic Hariri, comme une punition collective, une sanction imposée à une communauté entière pour avoir tout simplement redécouvert sa libanité après de longues années d’errance sur les routes du panarabisme démagogique.
Hormis la communauté druze dont le leadership s’est perfectionné dans l’art du saute-mouton, virevoltant de gauche à droite et de droite à gauche au fil des imprévus et autres coups de théâtre, toutes les composantes du tissu libanais ont donc connu des heures de gloire et des heures de déclin, des hauts et des bas, plus de bas que de hauts, il faut bien le dire.
Mais depuis l’émergence d’un Hezbollah chiite, « sûr de lui-même et dominateur », pour reprendre les fameux termes du général de Gaulle accolés au peuple juif en novembre 1967 (deux arrogances antagonistes, deux sources de conflits historiques), le sentiment de frustration et d’humiliation n’a jamais été aussi fort au sein de la communauté sunnite du Liban alors même que le Moyen-Orient témoigne d’une résurgence tragique des haines entre les deux communautés musulmanes.
De Qousseir à Abra, du naufrage syrien à celui d’une Résistance dévoyée, le Hezbollah n’a pas seulement enfoncé les clous dans le cercueil des défuntes ententes, il a, aussi, quasiment rendu impossible toute résurrection d’une formule égalitaire basée sur le consensus originel.
L’imposture est étalée au quotidien, manipulée sans vergogne : c’est ainsi que Hassan Nasrallah clame son appui à l’armée mais lui fait comprendre qu’elle a intérêt à ne pas trop s’approcher de ses arsenaux, c’est ainsi que le même sayyed proclame son allégeance à l’État mais l’avertit, sans sourciller, qu’il entend bien le noyauter à travers le tiers de blocage gouvernemental.
Et d’oukases en avertissements, de menaces en aventurisme armé, les institutions se délitent, se vident de leur substance et l’Assemblée parlementaire rend l’âme sous le regard éploré de son président, allié indéfectible du Hezbollah, qui se découvre, sur le tard, des talents de constitutionnaliste... au grand dam de la présidence du Conseil.
Humiliation, frustration, déprime : le fameux « ihbat » redevient le terreau des colères à venir, des revanches à prendre... et le Hezbollah, yeux fermés, oreilles bouchées, continue de respecter l’agenda qui lui est assigné, celui qui l’enfonce encore plus dans les sables mouvants en Syrie, celui qui l’ostracise encore plus dans le Liban des 18 communautés.
L’histoire, on ne le sait que trop, est espiègle et ne s’en laisse pas conter. Les certitudes d’aujourd’hui peuvent devenir les incertitudes de demain et les arrogants d’aujourd’hui les humiliés de demain. Il suffit souvent de peu : un accord irano-américain, le départ de Bachar el-Assad, l’arrivée de l’opposition syrienne au pouvoir...
Et tôt ou tard, tous se retrouvent logés à la même enseigne... Gros-Jean comme devant.
Finalement, et en prologue paradoxal, il faut bien reconnaître que tous les Libanais sont logés à la même enseigne : toutes les communautés ont connu, à tour de rôle, la même traversée du désert, ont subi la même humiliation et expérimenté, à leur corps défendant, ce fameux « ihbat », cette déprime paralysante qui a laissé plus d’un fort en gueule sur le carreau.Épisode...
commentaires (6)

... « sûr de lui-même et dominateur », qui ? Le Hezbollah, le parti élu de Dieu...

Charles Fayad

12 h 47, le 01 juillet 2013

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Commentaires (6)

  • ... « sûr de lui-même et dominateur », qui ? Le Hezbollah, le parti élu de Dieu...

    Charles Fayad

    12 h 47, le 01 juillet 2013

  • Avec le nombre considérable de collabos et la/les forces armées des cinquièmes colonnes irano/syrienne qui gangrènent le pays ...Béchar El Assad pourrait ...quitter sont poste ....et devenir le prochain Président du Liban....! ( Vaut mieux en rire ... plutôt que de pleurer sur nos malheurs)

    M.V.

    08 h 45, le 01 juillet 2013

  • LES LIBANAIS restent capables, même si ça fait sourire, de s’interroger avec gravité non seulement sur leur nombril mais aussi sur leur suffisance ou leur devise ; eux qui furent les plus braves mahééék des peuplades de ce croissant fertîîîle, mais qui considèrent que la question de leur "libanîîîsme demeure very(h) importante. Les récréations étant fugaces, que l’on imagine les pensées éloquentes quant à l’opinion qu’ont d’eux-mêmes les sujets de cette Crevassée, et quel spectacle offrent-ils à la planète lorsque, détournant son regard du reste, l’Humanité daigne un chouïa les considérer. Voilà donc les Indigènes en communautés emmêlés tellement à semer la confusion entre eux, ce qui n’empêche pas de les débusquer en proie à leurs problèmes ConFessionnels existentiels ! Reste leur devise, à elle seule toute une histoire: Tous lille Watan yâ hassértéhh ! Tout compte fait, il faudrait faire don de cet "hymne!" à l’Humanité, car il se pourrait que ça puisse n’être que dans ce cadre-là que les choses finissent par s’arranger. On en était là ne disposant plus que de quelques sarcasmes désabusés sur l’avenir du Libanais(h) et de ses "plus ou moins meurtrières identités", lorsque la pensée est venue qu’on devrait avoir honte de se gausser de la sorte de ces Campagnardisés, faisant fi des décennies durant lesquelles on vivait Ici, "Heureux" comme si dieu était yîîîh…. éhhh libanais(h) !

    Antoine-Serge KARAMAOUN

    08 h 41, le 01 juillet 2013

  • BIEN VU, Monsieur Nagib Aoun ! Hézébbballâhlàh 000/013 = OLP 69/82....

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    08 h 30, le 01 juillet 2013

  • L'ANALYSE CLOCHE. DANS LE PASSÉ, ET À TOUR DE RÔLE, LES AUTRES COMMUNAUTÉS ONT ÉCHOUÉ À S'IMPOSER AUX AUTRES CAR POSSÉDANT DE PETITES ET DIVERSES MILICES MAL ARMÉES ET MAL ORGANISÉES. AUJOURD'HUI ON EST CONFRONTÉ À UNE ARMÉE PLUS FORTE QUE CELLE DE L'ETAT... ET UN ETAT, DANS L'ETAT, PLUS FORT QUE L'ETAT... QUI A COMPLÈTEMENT PARALYSÉ LE VRAI ETAT... ET QUI S'EST SUBSTITUÉ À LUI... EN FAISANT FI DE SES DÉCISIONS... EN LE BAFOUANT TOUS LES JOURS... EN DÉCIDANT À SA PLACE... ET EN LE FOURRANT, CONTRE LA VOLONTÉ DE LA MAJORITÉ ABSOLUE DE SES FILS, DANS DE NUISIBLES EDT DANGEREUSES AVENTURES POLITIQUES, MILITAIRES ET ÉCONOMIQUES... LE RÉVEIL DEVIENT DE RIGUEUR ET S'IMPOSE !

    SAKR LOUBNAN

    07 h 45, le 01 juillet 2013

  • Par leur idéologie politique empreinte du néfaste impérialisme perse, les hauts responsables du Hezbollah ont cristallisé la "déshérence chiite" en une arrogance et une effronterie illimitées, qui se permettent toutes les actions criminelles et font "divorcer" du reste du Liban le Hezb et, malheureusement, la communauté chiite monopolisée et baillonnée par eux

    Halim Abou Chacra

    01 h 59, le 01 juillet 2013

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