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Liban - Justice

Second échec du Conseil constitutionnel, mise en garde implicite de Berry à Sleiman

Pour la seconde journée consécutive, le Conseil constitutionnel n’a pas réussi à se réunir hier pour défaut de quorum afin d’examiner les recours en invalidation de la loi sur la prorogation du mandat parlementaire.
Le scénario de la veille s’est répété hier : absence des deux juges chiites et du seul druze, sachant que le quorum requis est de huit membres sur les dix du Conseil.
Si le Conseil constitutionnel garde ouvertes ses réunions jusqu’au 19 juin (date à laquelle s’achève le délai d’examen des recours, étant donné que le mandat du Parlement expire le 20 juin), tout semble indiquer que c’est probablement le même scénario d’ajournement des réunions qui devra se répéter, dénaturant le rôle du Conseil, censé représenter la transparence dans un pays qui perd un à un ses fondements démocratiques.
De nombreuses réactions ont été exprimées hier, les unes en faveur des trois juges absents, les autres en faveur des sept autres, rappelant les divisions politiques caractéristiques du débat sur la loi électorale.
Parmi les principales déclarations favorables à la position des trois absents, celle du président de la Chambre Nabih Berry lors de la réunion hebdomadaire à Aïn el-Tiné avec les députés du 8 Mars. Le président Berry, dont les propos ont été rapportés par ses visiteurs, a appuyé la position des trois juges, motivée selon lui par « leur souci de rester engagés pour la loi et la Constitution, tout en protégeant le pays d’une possible discorde ». Exprimant sa crainte que les législatives auxquelles tendent certains soient une étape vers la discorde, il a mis en garde contre « les tentatives du pouvoir exécutif de mettre la main sur le pouvoir législatif ». Cette dernière mise en garde à peine voilée est adressée au président de la République Michel Sleiman, auteur de l’un des deux recours, le second ayant été présenté par les députés du Courant patriotique libre. Pourtant, ce qui est paradoxal, les milieux berrystes veillent à transmettre également « le souci du président de la Chambre de tenir les élections », faisant remarquer que le résultat du scrutin, s’il devait se tenir, ne devrait pas affecter la taille de son bloc parlementaire actuel. Mais ces milieux insistent aussi sur le souci de Nabih Berry de préserver la paix civile. Ils illustrent cette crainte en mettant en exergue les mises en garde américaines, européennes et arabes sur la fragilité de l’état sécuritaire.
Pourtant, l’ambassade des États-Unis a tweeté hier sur « l’obligation du Conseil constitutionnel d’examiner et de se prononcer sur les recours dont il est saisi, loin de toute ingérence politique ». « Le boycott des réunions du Conseil constitutionnel aboutiront à un émiettement supplémentaire de la démocratie et refléteront un manque de respect pour les institutions libanaises et l’État de droit », ajoute le tweet de la chancellerie. Et l’ambassade de conclure : « La démocratie du Liban est un fondement de la stabilité, et les efforts pour ébranler le processus démocratique troublent cette stabilité mais aussi la confiance internationale dans le pays. »

Joumblatt et « les pressions du Hezbollah »
Dans le même cadre, le 8 et le 14 Mars s’accusent mutuellement d’interférer dans le bon fonctionnement du Conseil constitutionnel. En effet, pour le député du Futur Ahmad Fatfat, « c’est le Hezbollah qui a exercé une pression sur les trois juges afin que le quorum ne soit pas atteint ». C’est cette pression qu’il conteste, quand bien même son bloc avait voté pour la prorogation du mandat parlementaire. « L’une des plus grandes institutions du pays est tombée par la force des armes », a-t-il déploré. S’étant rendu hier à Baabda, il a transmis l’état d’esprit du chef de l’État, « très affecté par la grave situation du pays qui se trouve au bord du précipice ». Sur l’affaire du Conseil constitutionnel, le député a rappelé que le chef du PSP Walid Joumblatt ne veut pas d’élections « parce qu’il est très sensible aux pressions exercées par le Hezbollah et évite tout heurt chiito-druze ».
Les arguments factuels du 8 Mars se basent notamment sur le fait que le président du Conseil, le juge Issam Sleiman, s’est autodésigné rapporteur des réunions. Cette démarche « illégale », selon le 8 Mars, est censée trahir « une pression exercée sur les sept juges présents aux réunions », selon les propos du député Ali Bazzi. En réponse à cela, une source au sein du Conseil constitutionnel précise qu’il « existe des précédents en matière de jumelage des fonctions de rapporteur et de président du Conseil, aussi bien au Liban qu’en France. Le choix de cette option en l’espèce était motivé par l’impératif de rapidité ». Le député Ali Khreiss relève en outre que les trois membres « n’ont pas boycotté les réunions, mais ont assisté à trois autres réunions et ont présenté une note écrite au président du Conseil constitutionnel dans laquelle ils réclament que les services concernés leur fournissent une évaluation de la situation sécuritaire et un avis sur la possibilité de la tenue des élections; mais le président du Conseil a rejeté cette demande, ce qui prouve les pressions qui faussent le débat actuel au sein de cette entité ». Le député se base sur un document publié par certains journaux hier, portant sur les remarques faites en marge des procès-verbaux des réunions du Conseil constitutionnel, ce qui justifie, selon le député, l’absence des trois juges.

Des « mandats d’arrêt » contre les absents...
L’authenticité de ce document a été mise en doute par le président du Conseil constitutionnel Issam Sleiman, qui s’est désolé de « l’infection à caractère confessionnel » qui ronge le Conseil. Il s’est dit prêt en outre à rendre public le procès-verbal d’une réunion « dont la révélation remettra les choses en place ». Il a fait état, dans un entretien à l’agence al-Markaziya, de l’existence d’un document qui prouve que le Conseil constitutionnel a bel et bien présenté la demande aux responsables sécuritaires pour vérifier si l’on est en présence de circonstances exceptionnelles susceptibles de justifier la prorogation du mandat du Parlement. « Mais les autorités concernées n’ont pas fait suite à cette demande au motif qu’elle fait partie de la seule compétence du Conseil supérieur de la défense et du gouvernement, et non du Conseil constitutionnel », a ajouté le juge Sleiman. L’éminent constitutionnaliste Hassan Rifaï,pour sa part, s’est prononcé en termes fermes sur l’affaire du boycott des réunions du Conseil. Il a appelé le procureur général près la cour d’appel et le ministre de la Justice à agir contre les trois membres du Conseil « pour entrave à la justice ». « Ils n’ont ni le droit de s’absenter des réunions ni de laisser filtrer les procès-verbaux des réunions. » L’expert est allé jusqu’à demander « l’émission de mandats d’arrêt contre eux s’ils boycottent la prochaine réunion (aujourd’hui) ». Les deux ordres des avocats (Beyrouth et Tripoli) ont tenu une réunion urgente, à l’issue de laquelle ils ont mis en garde contre la paralysie du Conseil, qui équivaut à « un déni de justice et une dérogation à l’éthique des juges ». « Le Conseil constitutionnel doit assumer ses responsabilités avant qu’il ne soit trop tard », ont déclaré en chœur les avocats.
Certains, dans les milieux politiques du 14 Mars, ont glosé sur les craintes sécuritaires invoquées par Nabih Berry. Si, disent-ils, comme l’a affirmé ce dernier, le boycott des réunions par trois juges a pour but de contenir le risque de discorde, cela signifierait-il que les sept membres restants veulent la provoquer ? Ces milieux s’insurgent aussi contre la mainmise politique sur le Conseil constitutionnel.
Des sources internes du Conseil constitutionnel rapportent enfin que si ce dernier avait tenu sa réunion hier, ou la veille, il aurait validé les recours en invalidation de la loi sur la prorogation du mandat du Parlement. Une invalidation que réclament en chœur les citoyens actifs de la société civile, venus protester hier contre l’emprise politico-confessionnelle sur le Conseil constitutionnel. Armés de tomates mûres et bien rouges devant le siège du Conseil, ils ont bombardé un à un les portraits des parlementaires ayant voté la loi sur la prorogation...
Le scénario de la veille s’est répété hier : absence des deux juges chiites et du seul druze, sachant que le quorum requis est de huit membres sur les dix du Conseil.Si le Conseil constitutionnel garde ouvertes ses réunions jusqu’au 19 juin (date à laquelle s’achève le délai d’examen des recours, étant donné que le mandat du Parlement expire le 20 juin), tout semble...
commentaires (2)

ON OSE !

SAKR LOUBNAN

16 h 15, le 13 juin 2013

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Commentaires (2)

  • ON OSE !

    SAKR LOUBNAN

    16 h 15, le 13 juin 2013

  • Une autre institution qui va a la dérive. C'est le chaos qui engendrera une nouvelle guerre avec cette fois 10 fois plus de haine et de malheurs.

    Pierre Hadjigeorgiou

    10 h 51, le 13 juin 2013

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