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Liban - Réfugiés

Des Syriens sous couvre-feu : les municipalités s’expliquent...

Depuis plus d’un an, certaines municipalités – de plus en plus nombreuses –, situées aux quatre coins du pays, imposent un couvre-feu aux Syriens présents sur leur territoire.

À Bhamdoun-Village, cette mère de famille, hémiplégique, habite avec son époux et leurs six enfants un bâtiment abandonné, délabré, au cœur d’un quartier résidentiel, qu’ils ont pu louer grâce à la médiation d’un concierge syrien ancien du village. Photo Anne Ilcinkas

Les Syriens sont notifiés de cette mesure par des banderoles, des tracts, ou simplement par la pratique, transmise de bouche à oreille. Rares sont les municipalités qui emploient explicitement le terme « couvre-feu », lui préférant la formule de « mesure sécuritaire visant à contenir une situation débordante », ou encore de « limitation du déplacement à partir d’une certaine heure – après tout, qu’est-ce qu’on peut bien sortir faire passée une certaine heure de la nuit ? ».
Certes, le nombre de Syriens monte en flèche, et l’on peut dire que toutes les localités du pays accueillent désormais des réfugiés, ou bien les proches d’ouvriers syriens déjà présents au Liban. Et bien sûr, les appréhensions mutuelles grandissent. Ce qui diffère toutefois d’une région à l’autre, est la manière dont les habitants traitent cette présence étrangère.

Illégalité
Le premier cas de figure est celui des municipalités qui refusent catégoriquement d’imposer un couvre-feu aux Syriens. Les responsables de ces municipalités font remarquer en effet que pareille mesure ne relève pas de leurs prérogatives, mais de celles du pouvoir central, et si un couvre-feu devait être décrété, il s’appliquerait à tous les citoyens et non à une catégorie de gens présente sur le territoire. Un autre argument soulevé également se base sur le fait que les criminels, « loin d’être tous des Syriens », ne seront pas facilement intimidés par le couvre-feu. Ces arguments sont repris par le mouvement Antiracisme, dont le président, Ali Fakhri, dénonce les a priori accolés aux Syriens sans distinction, et dont les raisons seraient « un mélange de racisme et de propagande politique ».

 

 


Autorité et craintes
Le second cas de figure, diamétralement opposé au premier, est celui des municipalités moyennes à grandes, capables d’imposer des mesures sécuritaires strictes. C’est le cas par exemple de la ville de Aley, forte d’un effectif de 68 policiers qui patrouillent dans la ville pendant la nuit, et de l’assistance des Forces de sécurité intérieure, le siège municipal se trouvant au Sérail du caza. « En tant que ville touristique, qui compte 40 000 résidents en hiver et 125 000 en été, nous prévoyons avant chaque saison estivale d’augmenter le nombre des policiers municipaux », explique à L’Orient-Le Jour le secrétaire de la municipalité Sami Kassis. En face de lui, le vice-président du conseil municipal de Aley Samir Khoury lance avec un sourire : « Cette année, l’été est arrivé plus tôt. » La ville compte en effet aujourd’hui 1 800 familles et 2 500 ouvriers (c’est-à-dire syriens). Si les deux responsables confirment le couvre-feu imposé aux Syriens à partir de 20 heures, ils indiquent que la mise en œuvre de cette mesure n’est ni arbitraire ni autoritaire. « Si un homme sorti avec sa famille dans l’après-midi rentre chez lui aux alentours de 21 heures, ce ne sera pas un problème », affirme Samir Khoury, qui relève en contrepartie « le caractère suspect de Syriens qui déambulent les ruelles retirées de la ville en pleine nuit ». Si les patrouilles effectuent un travail préventif, facilité par le couvre-feu, le sentiment d’exclusion des Syriens n’en est que renforcé. C’est ce que trahissent les yeux de Odey Dakrit. Jeune Syrien âgé d’une vingtaine d’années, à la tenue sport chic, il travaille depuis quelques mois dans un magasin de portables. « Chaque soir, en sortant du travail à 21 heures, le même scénario : une patrouille m’interpelle, je leur montre les papiers signés par mon employeur, et l’on me laisse poursuivre mon chemin », révèle-t-il. « Ce que cela me fait sentir ? Sans doute que je suis un étranger dans cette ville », a-t-il soupiré, sans se plaindre, se consolant du fait que la ville de Aley reste un abri favorable aux Syriens.

Salafistes
Au Liban-Nord néanmoins, comme dans la ville de Zghorta, le schéma se complique. Si la ville chrétienne a toujours accueilli des ouvriers syriens, l’inquiétude de ses habitants pèse sur la ville, de l’aveu même du président du conseil municipal Toufic Moawad, qui s’efforce à contenir la situation, avec l’aide des administrés. Parmi les mesures prises, « l’intensification des patrouilles de nuit (un groupe de dix soldats a été affecté spécialement à cette tache) ainsi qu’un conseil adressé aux ouvriers étrangers de limiter leurs déplacements pour leur sécurité ». Il explique qu’il ne s’agit pas d’un couvre-feu. Un élément intéressant à relever en outre : des comités populaires ont été récemment établis dans certains quartiers, dont les jeunes se chargent de la garde de nuit. Toufic Mouawad affirme que « si ces comités aident la municipalité, celle-ci ne peut assumer la responsabilité de leurs actes, et veille, dans la mesure du possible, à contenir de possibles dérapages ». C’est que les tensions dans la ville sont importantes, d’autant qu’elle est limitrophe de Tripoli. Le président du conseil rapporte que « certains groupes salafistes viennent de temps à autre prêcher devant des groupes de Syriens présents à Zghorta », par exemple. « Je peux confirmer que des Syriens réfugiés chez nous vont combattre à Bab el-Tebbané et rentrent le soir à Zghorta », a-t-il ajouté.

« Success story »
Le village de Bhamdoun semble avoir réussi l’équilibre entre le maintien de la quiétude de ce centre de villégiature et le respect des Syriens. Un équilibre facilité par la présence depuis des années d’ouvriers syriens, parfaitement intégrés, qui aident la municipalité à communiquer avec les nouveaux venus. Cette communication s’articule autour de certaines directives, notamment celle de « ne pas se rassembler en grand nombre, respecter les règles générales de bon sens, comme celle d’éviter la nuit de se déplacer pour sa propre sécurité », comme l’explique avec réalisme Nadim Mojaess, trésorier et membre du conseil municipal de Bhamdoun. « Notre action se fait calmement, guidée par le respect de la dignité humaine d’abord », indique-t-il, conscient des « nombreuses rumeurs qui peuvent courir, que l’on doit manier avec prudence ». À Bhamdoun-station, la peur est omniprésente (tous fuient les questions), la peur des habitants et celle des réfugiés, à cause de la faiblesse de la municipalité, qui ne compte que deux policiers.


Le principal point commun à tous ces cas de figure : les municipalités se félicitent toutes d’avoir rempli les formulaires de recensement des Syriens (familles et ouvriers) exigés par le ministère de l’Intérieur, et précisément par le comité sécuritaire d’urgence créé en janvier pour le suivi des déplacés au Liban. Si ce recensement devait servir à la distribution éventuelle d’aides, l’ironie est que les municipalités invoquent ce recensement pour justifier les mesures sécuritaires qu’elles prennent, malgré l’avis du ministère sur l’illégalité du couvre-feu au niveau local.

 

Les Syriens sont notifiés de cette mesure par des banderoles, des tracts, ou simplement par la pratique, transmise de bouche à oreille. Rares sont les municipalités qui emploient explicitement le terme « couvre-feu », lui préférant la formule de « mesure sécuritaire visant à contenir une situation débordante », ou encore de « limitation du déplacement à partir d’une certaine...

commentaires (4)

A quand la GHETTO...

Houri Ziad

19 h 05, le 01 juin 2013

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Commentaires (4)

  • A quand la GHETTO...

    Houri Ziad

    19 h 05, le 01 juin 2013

  • A quand la rouelle ou l'étoile de couleur? mais çà va pas la tête de prendre des mesures pareilles? Ils sont quoi, ces gens là? Des animaux qu'on rentre à l'étable le soir? Atterrant!

    GEDEON Christian

    11 h 37, le 01 juin 2013

  • Les Syriens sont sous couvre-feu et les libanais ignorent ce feu qui couve et ébranle la démographie libanaise . Antoine Sabbagha

    Sabbagha Antoine

    11 h 28, le 01 juin 2013

  • "Pur" et Sale Racisme libaniste à 2 Piastres Trouées.... et D é g u e u l a s s e !

    Antoine-Serge Karamaoun

    09 h 41, le 01 juin 2013

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