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À La Une - En dents de scie

Régime Dukan

Vingtième semaine de 2013.
Elles sont belles, cette indépendance, cette liberté de décision, cette autonomie, cette émancipation du Liban après des siècles de tutelles et d’occupations en tout genre. Parce que, n’est-ce pas, il n’y a plus de Romains, de Mamelouks, d’Ottomans, de Français, de Syriens qui décident à notre place, qui tranchent, qui alternent entre carottes et bâtons, qui (télé)commandent, qui rabaissent et qui lancent, par le truchement de quelque gauleiter plus ou moins veau (Ghazi Kanaan, Rustom Ghazalé...) et avec toute l’arrogance du monde que même le Hezbollah n’arrive pas à imiter, ce fameux mot d’ordre que presque tous les politiques libanais ont attendu, le corps impatient, la langue pendante, la queue entre les jambes. Bien sûr, les ambassadeurs de Syrie, d’Iran, d’Arabie saoudite, du Qatar et des Cinq ont toujours leurs mots/maux à transmettre, mais désormais, les Libanais, anciens nègres volontaires, sont aujourd’hui affranchis.
Et pourtant... Des dizaines de décennies de servitude et de masochisme laissent des traces. Indélébiles. Partout. Dans la façon de voir et de concevoir le métier (la politique) ; dans cette incapacité chronique et pathologique à se mettre d’accord dès qu’il s’agit de gérer le pays ; des traces dans l’ADN donc... On dirait même que, huit ans plus tard, ces hommes politiques continuent de crever de peur à l’idée, la simple idée, de devoir décider seuls. La victime a besoin de son bourreau, du regard de son bourreau, de l’assentiment de son bourreau, de l’humiliation et de l’ordre crachés virilement par ce bourreau aux glandes sudoripares hypertrophiées. Pire encore : pendant d’interminables mois une fois le dernier soldat d’Assad parti, cette peur pouvait être comprise. Elle était compréhensible : l’arsenal hallucinant de la milice hezbollahie terrorisait presque tout le monde.
Aujourd’hui, plus du tout. Vraiment plus du tout : Hassan Nasrallah et ses hommes iraient-ils jusqu’à brûler le pays, il y aura désormais les autres, pratiquement tous les autres, face à eux, au cœur d’une guérilla inversée qui vampirisera à coup sûr le parti de Dieu. Mais malgré cela, malgré cette nouvelle certitude, ces élus restent otages, rongés par un syndrome de Stockholm géant auquel viennent se greffer, naturellement, les intérêts politiques personnels des uns et des autres. Résultat : le Liban stagne lamentablement. Mortellement. Et plonge. À tous les niveaux. Pour la première fois dans l’histoire de ce pays maudit, cohabiteront probablement un Parlement autoprorogé et un gouvernement sortant. En attendant, le débat autour de la loi électorale est une mascarade. Un zoo ambulant. Les tergiversations sur la formation du nouveau gouvernement, une bouffonnerie. D’autant que les Libanais finiront bien, plus tôt que tard, par payer dans leur chair les retombées de la guerre civile syrienne. Ils ont le choix de le payer cher ou alors extrêmement cher. S’ils veulent privilégier la première option (que le Hezb et ses affidés brident leurs pulsions suicidaires ou pas...), il est impératif de briser le cercle. De stopper la spirale. Il est impératif d’agir.
Un seul homme a aujourd’hui cette chance. Un homme venu de nulle part, par une douce nuit de printemps ; un homme que personne n’attendait et auquel plus grand monde ne pense ; un homme qui, s’il le décidait, et il le peut, provoquerait un choc, salvateur ou pas peu importe, mais libérateur. Définitivement. Cet homme s’appelle Tammam Salam et il est urgent, il est nécessaire et probablement suffisant qu’il annonce, aujourd’hui et pas demain et avec l’accord préalable de Michel Sleiman, le gouvernement de son choix. Et uniquement de son choix. Nécessaire qu’il soit celui qui dissociera entre loi électorale et équipe ministérielle. Celui qui incarnera l’esprit démocratique (ou son reliquat) qui l’a propulsé à quelques encablures de ce Sérail qu’il risque de ne jamais investir. Il en fera grincer des dents ou hurler des duchesses offensées, il en fera retentir des menaces, mais au moins il aura fait ce pour quoi 124 députés l’ont nommé, bon gré mal gré. Et puis il entrerait dans l’histoire : cette gueuse s’obstine toujours à ne vouloir retenir que son père.
L’erreur fondamentale, fondatrice même, en 2005 a été, pour le 14 Mars, de ne pas déloger Émile Lahoud de Baabda. Il est temps aussi, largement, d’arrêter d’être l’opposition la plus sotte du monde.
Vingtième semaine de 2013.Elles sont belles, cette indépendance, cette liberté de décision, cette autonomie, cette émancipation du Liban après des siècles de tutelles et d’occupations en tout genre. Parce que, n’est-ce pas, il n’y a plus de Romains, de Mamelouks, d’Ottomans, de Français, de Syriens qui décident à notre place, qui tranchent, qui alternent entre carottes et...
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