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La stratégie de la panne

La scène de l’arroseur arrosé a fait les beaux jours du cinéma muet. Depuis, on a fait bien mieux au Liban, où même les dépanneuses réussissent à tomber en panne. Et ce n’est certes pas de rire, cette fois, que l’on peut en mourir.

Car il ne s’agit pas là seulement de cette centrale électrique flottante amenée à grand renfort de publicité de Turquie et qui était censée venir à la rescousse de nos installations terrestres tombées en décrépitude. À peine raccordée au réseau national, voilà en effet que la barge s’accommode bien mal du carburant qui lui est servi. Elle observe donc une grève de la faim, en attendant que l’on veuille bien la sustenter convenablement. Quel que soit le réel responsable de cette malencontreuse diète, l’incident ne rehaussera en rien les états de service de l’une et l’autre des parties en présence.

En effet, le Fatmagül Sultan passe pour n’avoir pas trop brillé par la qualité de ses prestations sur d’autres théâtres d’opérations, notamment au Pakistan. C’est cette barcasse pourtant qui a retenu le choix d’un ministère libanais de l’Énergie et de l’Eau régulièrement accusé par des parlementaires d’avoir commis irrégularité sur irrégularité dans sa gestion de ce dossier. Mais nous sommes au Liban, souvenez-vous, et aucun des organismes de contrôle administratifs ou judiciaires ne s’est attardé sur ces accusations, pourtant étayées de documents publiés par la presse. Si bien que, calicots à l’appui, vantant avec une belle assurance ses fantomatiques réalisations, le ministre entend bien conserver son poste dans le prochain gouvernement.

Mais y aura-t-il seulement un nouveau gouvernement de sitôt ? Le fait est que l’obscurantisme qui frappe actuellement le Liban ne se traduit pas seulement par une endémique pénurie de mégawatts. Sur fond de bain de sang en Syrie, c’est des deux côtés de la barrière sectaire déchirant l’islam que fusent désormais des appels médiévaux à une guerre sainte totalement incompatibles avec notre pays pluricommunautaire. À l’ère de l’État Hezbollah dans l’État a succédé celle de la prolifération des groupes armés, sous l’œil impuissant de la force publique.

De même, les déboires du Fatmagül Sultan ne font après tout que s’inscrire dans la ligne de cette stratégie de la panne et de l’obstruction tenant lieu, pour d’aucuns, de culture politique. Car c’est la panne assurée, absolue, du pouvoir exécutif qu’escomptent visiblement ceux qui exigent que leur soit attribué ce tiers de blocage qui réussit si bien, dans le passé, à paralyser la République. Et c’est la déchéance du législatif que menacent d’illustrer l’impuissance des députés à s’entendre sur une nouvelle loi électorale et la perspective d’une prorogation du mandat de l’actuelle Assemblée.

En ces temps de délire, c’est de simple, de vulgaire bon sens qu’a grand besoin d’être ravitaillée, quant à elle, la galère libanaise.

Issa GORAIEB
igor@lorient-lejour.com.lb

La scène de l’arroseur arrosé a fait les beaux jours du cinéma muet. Depuis, on a fait bien mieux au Liban, où même les dépanneuses réussissent à tomber en panne. Et ce n’est certes pas de rire, cette fois, que l’on peut en mourir.Car il ne s’agit pas là seulement de cette centrale électrique flottante amenée à grand renfort de publicité de Turquie et qui était censée venir...