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Liban - Le commentaire

Le vide institutionnel, ce violon d’Ingres du 8 Mars

Le système électoral est un instrument de pouvoir redoutable, c’est là l’évidence même. D’où le fait que, pour les observateurs, le conflit qui précède tous les quatre ans l’échéance législative soit dans l’ordre des choses, surtout dans un pays en crise qui n’en finit pas de vivre, au plan institutionnel, dans l’éphémère. Ce conflit préfigure en effet la lutte pour le pouvoir que les partis et les blocs politiques vont ultimement se livrer durant la consultation électorale... voire ultérieurement autour de la présidence de la République.


En 1947, la loi électorale adoptée avait ainsi été élaborée dans l’objectif d’assurer après coup le renouvellement du mandat du président Béchara el-Khoury. La loi n’ayant pas été suffisante pour endiguer l’opposition, les élections avaient par la suite été truquées de manière flagrante. Le Bloc national avait à l’époque dénoncé le « crime du 25 mai », ce qui avait pavé la voie à la révolution blanche contre le régime, aussitôt emporté... De même, lorsque le président Camille Chamoun avait eu l’intention de rempiler pour un second mandat, la loi électorale forgée dans cet esprit avait abattu un certain nombre de leaders opposé au renouvellement, notamment Saëb Salam et Kamal Joumblatt. La crise de 1958 avait suivi.


Sous la tutelle syrienne, la question de la loi électorale ne soulevait pas les passions qu’elle suscite actuellement. Et pour cause : la loi était l’apanage du pouvoir de tutelle, taillée très méticuleusement à la mesure de ses intérêts et dans l’optique d’assurer le succès des candidats agréés par Damas et en faveur du maintien indéfini de la tutelle sur le pays, en violation de l’accord de Taëf. Les paris syriens ne réussissaient pas cependant toujours, l’humeur populaire n’étant pas aussi facilement manipulable. Preuve en est : le ressentiment grandissant à l’encontre de cette tutelle avait fini par la balayer en 2005, avec la révolution du Cèdre et les premières législatives libres depuis 1972 octroyèrent une majorité parlementaire aux forces du 14 Mars. La réaction du 8 Mars, durant quatre ans, s’est exprimée à coups de menaces, de blocages divers et de politique du vide... jusqu’au fameux coup de force du 7 mai 2008.


En huit ans, le 8 Mars n’a pas changé ses habitudes. Il continue jusqu’à ce jour d’exiger une loi électorale sur mesure pour garantir la victoire de ses candidats en 2013. Objectif : parachever le contrôle sur l’ensemble des centres vitaux du pouvoir et en finir avec la démocratie consensuelle pour saluer l’avènement de la démocratie numérique.
De son côté, le général Michel Aoun estime qu’il s’agit là de sa dernière chance d’atteindre sa chimère : accéder à la présidence de la République, d’autant qu’avec son âge vénérable, il n’est plus en mesure d’attendre. Le chef du Courant patriotique libre a donc enfourché Rossinante, rebaptisé cette fois « projet orthodoxe »... accompagné du reste par son allié, le Hezbollah. Bien que non convaincu par ce projet, le parti chiite souhaite continuer à légitimer la couverture que lui assure cet allié maronite inespéré, qui lui justifie tout. Lorsqu’il s’est rendu compte que le sort s’acharnait sur le projet « orthodoxe » avec le rejet catégorique exprimé par les représentants politiques de deux communautés principales du pays, les sunnites et les druzes, Michel Aoun s’est rabattu sur le projet préféré... du Hezbollah : la circonscription unique sur base de la proportionnelle, dont les résultats garantissent l’effet totalement opposé au principe « d’assainissement de la représentation chrétienne » sur base duquel il avait fait la promotion du projet « orthodoxe ». Une preuve que le chef du CPL ne recherche pas, ultimement, le projet qui garantira une parité effective islamo-chrétienne sur le plan de la représentation, mais le moyen d’assurer le triomphe du 8 Mars aux prochaines élections. Avec l’espoir, au final, de pouvoir enfin s’installer au palais de Baabda. N’avait-il pas bâti sa campagne électorale de 2008, au lendemain de l’accord de Doha et de l’entérinement de la loi de 1960, sur le fait qu’il avait « ramené leurs droits aux chrétiens » grâce à cette loi électorale... avant de déchanter et de changer d’avis quelques semaines plus tard, après la victoire du 14 Mars. Depuis, la loi de 1960 est pour lui une malédiction qui s’est abattue sur les chrétiens.


Voilà maintenant que le 8 Mars place le 14 Mars face à deux options : accepter le projet dit « orthodoxe » ou se résigner au vide progressif et total. En d’autres termes, avaliser la loi qui assurera une majorité au Hezbollah et à ses alliés pour lui laisser les coudées franches dans son projet de parachever son hégémonie sur les institutions libanaises... ou bien le vide, l’incertitude, et, peut-être, le chaos.


Par défaut, le 8 Mars propose que le président de la République finisse son mandat avec un gouvernement chargé de l’expédition des affaires courantes, lequel hériterait également du pouvoir législatif s’il n’y a pas d’accord sur la prorogation du mandat de la Chambre. Ce gouvernement assumerait ensuite également les prérogatives du président de la République avec la fin du mandat Sleiman... et le pays entrerait d’un pas certain dans le règne du vide institutionnel à tous les niveaux.


Le vide. Tel est là le but recherché par le Hezbollah et ses alliés s’il n’obtient pas gain de cause et si la crise syrienne ne tourne pas en sa faveur. Le vide institutionnel est l’option alternative à la discorde confessionnelle, que tout le monde rejette au Liban et aux plans arabe et international. Le 14 Mars, lui, estime que les paris du 8 Mars n’ont jamais trop tenu la route, et, qu’encore une fois, que ce soit au niveau de la crise syrienne ou de la bataille pour la présidence de la République, les dés sont loin d’être jetés.

 

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Le Hezbollah peut gesticuler autant qu'il veut, pour autant de temps qu'il le veut, le résultat sera toujours le même: Il n'aura jamais main mise sur le Liban tout comme le général mourra et ne verra pas la présidence, et tôt ou tard, délibérément ou pas, il rendra ses armes et finira comme Assir, un petit trublion sans importance dans la vie des Libanais. Bientôt plus personne, même ses partisans qui fondent a vue d’œil, ne voudrons plus en entendre parler. Attendre et voir venir.... et ça vient!

Pierre Hadjigeorgiou

09 h 47, le 30 avril 2013

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Commentaires (1)

  • Le Hezbollah peut gesticuler autant qu'il veut, pour autant de temps qu'il le veut, le résultat sera toujours le même: Il n'aura jamais main mise sur le Liban tout comme le général mourra et ne verra pas la présidence, et tôt ou tard, délibérément ou pas, il rendra ses armes et finira comme Assir, un petit trublion sans importance dans la vie des Libanais. Bientôt plus personne, même ses partisans qui fondent a vue d’œil, ne voudrons plus en entendre parler. Attendre et voir venir.... et ça vient!

    Pierre Hadjigeorgiou

    09 h 47, le 30 avril 2013

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