Rechercher
Rechercher

À La Une - La situation

Des « idées » électorales... et des scénarios ministériels contradictoires

L’offre berryste rejetée par le Front de lutte nationale.

Reçu par le président Sleiman, Alistair Burt, secrétaire adjoint au Foreign Office pour le M-O, a appelé à respecter l’échéance électorale et déclaré que son gouvernement participera à hauteur de 400 000 dollars à l’organisation des législatives. Photo Dalati et Nohra

L’initiative du président de la Chambre Nabih Berry, qui avait présenté au Front de lutte nationale une formule nouvelle de loi électorale basée sur le scrutin mixte (augmentation de la part donnée à la majoritaire par rapport à la proportionnelle et insertion du mode « one man, one vote » – un seul élu par circonscription), n’a pas abouti hier. Le Front de lutte nationale lui a opposé un non diplomatique, transmis à Aïn el-Tiné par le ministre démissionnaire Waël Bou Faour et le député Akram Chehayeb. Le bloc joumblattiste a néanmoins veillé à ne pas exprimer un refus officiel, dans un souci déclaré de maintenir ouvertes les concertations pour une nouvelle loi, sous l’égide du président de la Chambre. « La relation entre le président Berry et le député Walid Joumblatt ne s’articule pas sur des “non”, mais sur des efforts communs et soutenus visant à élaborer des formules médianes », a affirmé le ministre Bou Faour. Il reste que le Front de lutte nationale aurait émis des réserves sur le mode « one man, one vote » : cette idée, avancée déjà par des personnalités chrétiennes indépendantes, notamment le Amid du bloc national Carlos Eddé, n’avait toutefois pas réussi à percer le débat au sein de la sous-commission chargée d’élaborer une nouvelle loi électorale. Le mode « one man, one vote » ne serait en outre pas conciliable avec le scrutin mixte.


Interrogé par L’Orient-Le Jour sur les détails de l’offre berryste, le ministre démissionnaire Ali Hassan Khalil, présent à la réunion avec la délégation socialiste, a refusé la dénomination de « proposition du président de la Chambre ». « Nous n’avons pas de proposition propre, mais une idée que le Front de lutte nationale a commentée », a-t-il affirmé, rejetant les informations véhiculées dans les médias sur les points de la formule berryste, qui aurait inclus un régime spécial pour les cazas de Aley et du Chouf. « Il existe des spécificités à prendre en compte au niveau de chaque région, mais aucune condition n’a été posée au niveau de ces deux cazas. » Pour l’instant, les concertations s’intensifient (le député du Futur Ahmad Fatfat se rendra aujourd’hui à son tour à Aïn el-Tiné) sur la base « d’idées échangées, qui incluent le scrutin mixte, mais également d’autres formules... », a conclu le ministre Khalil. Les milieux de Baabda précisent à L’Orient-Le Jour que le chef de l’État (favorable à la proportionnelle) appelle aujourd’hui à trouver « une formule d’application du scrutin mixte ».


C’est un même échange d’idées qui continue donc à deux semaines à peine de la fin du délai accordé pour l’élaboration d’une nouvelle loi. Rappelons en effet que les délais électoraux ont été suspendus jusqu’au 19 mai.
Notons sur ce point que le Conseil constitutionnel, saisi vendredi dernier par le Front de lutte nationale d’un recours en invalidation de la loi sur la suspension des délais, devra se prononcer dans un délai d’un mois de la date du dépôt de la saisine, c’est-à-dire après l’expiration du délai de suspension des délais, ce qui ôterait à cette décision son effet pratique.


Il reste que l’annulation éventuelle de la suspension sera un argument fort pour le respect de la loi 1960 toujours en vigueur, en dépit des voix (notamment des Forces libanaises et du Courant patriotique libre) qui s’élèvent contre le maintien de cette loi. Mais avant cela, une échéance déterminante : la séance parlementaire que le président Berry convoquera le 15 mai, « comme promis », a affirmé le ministre Khalil, sans toutefois préciser le cours que prendra cette séance. Deux scénarios sont possibles : soit la séance aboutira au vote d’une nouvelle loi consensuelle ou bien le vote à la majorité de la loi « orthodoxe » (la seule susceptible jusque-là de recueillir la majorité à la Chambre – et c’est sur quoi le CPL semble parier), auquel cas une prorogation technique de trois mois sera nécessaire pour la mise en œuvre de la nouvelle loi ; soit la séance débouchera sur une autoproclamation, par les députés, de la prorogation de leur mandat, jusqu’à plusieurs mois, voire un an et plus, auquel cas le chef de l’État saisira le Conseil constitutionnel, comme le précisent les milieux de Baabda.


Parallèlement à ce schéma, les concertations pour la formation du prochain cabinet semblent se diriger aujourd’hui vers un statu quo. La réunion hier en fin d’après-midi des parties du 8 Mars a abouti en effet à la mise au point des conditions qu’elles exigent. La formule préconisée par le 8 Mars, qui doit être présentée aujourd’hui au Premier ministre désigné Tammam Salam, se résumerait comme suit : neuf portefeuilles pour le 8 Mars, huit pour les centristes et sept pour le 14 Mars ; nomination de ministres politiques, sans alternance au niveau des ministères, et sur la base de la même répartition des portefeuilles que celle du cabinet démissionnaire.


Cette formule vient ainsi confirmer l’attachement du 8 Mars au tiers de blocage (les députés chrétiens indépendants, notamment Boutros Harb, en visite hier à Mousseitbé, ont mis en garde contre cet « élément de blocage » ). Le 8 Mars invoque la fait que les centristes, à savoir le chef de l’État, le Premier ministre désigné, et même le Front de lutte nationale seraient plus proches du 14 Mars, ce qui devrait justifier l’augmentation de la part du 8 Mars au sein du cabinet.


Mais Tammam Salam, qui insiste sur son impartialité depuis sa désignation à la quasi-unanimité, refuse catégoriquement d’accorder le tiers de blocage à qui que ce soit. Il continue de défendre ainsi la formule de sept portefeuilles pour chacun de ces deux camps, et dix pour les centristes.
Aujourd’hui donc, un statu quo doit s’établir entre les demandes du 8 Mars et les constantes du Premier ministre désigné, sachant que le 14 Mars aurait choisi de « donner carte blanche au président Salam », selon les termes du député Ahmad Fatfat.


Ce statu quo risquerait-il de se prolonger, parallèlement aux constantes fuites en avant devenues caractéristiques du débat sur la loi électorale ?


Notons d’abord que le 8 Mars semble insister sur la corrélation entre les deux dossiers, tandis que le 14 Mars tend à les dissocier. Certains milieux optimistes du 14 Mars vont même jusqu’à prévoir la nomination d’un nouveau cabinet « à caractère politique indirect (non provocateur) » avant même la séance du 15 mai, le Hezbollah n’étant plus, selon eux, en position d’imposer ses conditions, épuisé par son engagement en Syrie.


Le chef de l’État Michel Sleiman a d’ailleurs reçu hier le chef du bloc du Hezbollah, le député Mohammad Raad, afin de le notifier de la nécessité pour le Hezbollah de se retirer des combats en Syrie, selon notre source qui cite les milieux de Baabda. Cet appel fait suite – rappelons-le – à la visite du ministre russe adjoint des Affaires étrangères Mikhaïl Bogdanov, qui aurait conseillé au parti chiite de se retirer de Syrie. Alors que le ministre démissionnaire Mohammad Fneich a démenti hier toute demande russe de cette nature, des sources de Baabda ont précisé, sans démentir l’information, que les autorités libanaises n’ont pas reçu de notification officielle dans ce sens.


L’enjeu pour le Hezbollah d’assurer un équilibre entre un rôle régional dont il ne peut se désister (quand bien même il aurait décidé d’un retrait temporaire de Syrie), d’une part, et son intégration au jeu politique local, d’autre part, pourrait donc l’amener au final à élargir la manœuvre du Premier ministre désigné... Pour l’instant, ce scénario n’est « qu’une spéculation », comme l’indique à L’OLJ une source proche de Tammam Salam.

 

 

Lire aussi

Marwan Charbel : Pas d’élections sans entente sur une loi

 

Le vide institutionnel, ce violon d’Ingres du 8 Mars, le commentaire d'Emile Khoury


Gouvernement : le Hezbollah hausse les enchères... pour soulager le grand frère syrien, l'éclairage de Philippe Abi Akl

 

 

L’initiative du président de la Chambre Nabih Berry, qui avait présenté au Front de lutte nationale une formule nouvelle de loi électorale basée sur le scrutin mixte (augmentation de la part donnée à la majoritaire par rapport à la proportionnelle et insertion du mode « one man, one vote » – un seul élu par circonscription), n’a pas abouti hier. Le Front de lutte...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut