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À La Une - Coups d’épingle

Les Galériens

Tout ce que la mouvance prosyrienne compte comme gratin politique au Liban s’est retrouvé dimanche représenté autour du président syrien Bachar el-Assad, au palais des Mouhajirine, à Damas.
Une délégation d’une vingtaine de personnalités, représentant des formations regroupées sous le label du « Rassemblement des partis nationaux », un club qui tenait le haut du pavé à l’époque de la tutelle syrienne et qui a survécu, vaille que vaille, à l’essor de son clone, le 8 Mars, a ainsi été « longuement » reçue par M. Assad, à en croire le journal as-Safir.


En soi, une telle information n’aurait pas mérité, pour ainsi dire, le prix de l’encre utilisée pour en rendre compte tant il est banal d’apprendre que le maître a reçu ses valets. Il n’empêche que le moment choisi pour cette nouvelle démonstration de vassalité – ou du moins du désir de vassalité – lui donne une signification, une portée qui doivent être relevées.


Injuste, cette identification à de la vassalité ? Il suffit de jeter un coup d’œil sur la photo officielle de la rencontre distribuée par l’agence SANA pour se rendre compte du contraire. Les personnalités libanaises sont assises sur des sièges disposés face à face, des deux côtés du président Assad, en rangées très serrées de façon à ce que même ceux qui occupent les sièges les plus éloignés ne perdent rien de ses péroraisons. Lui trône au centre, l’aigle emblématique de son régime centré sur le mur juste au-dessus de sa tête. Il n’a pas besoin de faire d’efforts pour les toiser tous, alors qu’eux doivent tordre le cou pour le regarder : il est normal de porter son regard vers quelqu’un qui parle.
Et, justement, pour pérorer, il pérore ! D’après le compte rendu d’as-Safir, il n’a fait que ça. Quant aux autres, de deux choses l’une, soit ils n’ont rien dit, se contentant de boire les paroles doctes du maître ; soit ils ont dit quelque chose, mais qui n’a pas été jugé suffisamment important pour être rapporté.


Pourtant, il n’a pas été question que de la Syrie et de sa crise lors de cette audience. Si cela avait été le cas, on aurait compris que des auditeurs aussi complaisants se soient contentés d’entendre. Le Liban, la politique de son gouvernement, la façon dont il devrait être dirigé, l’orientation que devrait prendre sa diplomatie, la dérive « milicienne » de sa communauté sunnite, les personnalités chrétiennes dont il convient de saluer le rôle (Michel Aoun, Sleimane Frangié et le patriarche Béchara Raï, qui « éclaire le chemin »), tout cela a été largement évoqué par le président syrien devant ses « invités » libanais, sans que ces derniers n’y trouvent apparemment à redire.
Jusqu’à la politique de « distanciation » à l’égard de la guerre syrienne, que le Premier ministre sortant, Nagib Mikati, continue de défendre bec et ongles et dont s’est gaussé M. Assad. « C’est quoi cette politique, je ne la comprends pas. Cela veut-il dire que le Liban va se transférer en Afrique jusqu’à la fin de la crise syrienne avant de retourner à sa place normale ? »


Bien sûr qu’il ne peut pas la comprendre, cette politique. Son régime a-t-il jamais compris que le Liban puisse se permettre de s’émanciper de sa tutelle ? Même la neutralité lui est interdite !
Certes, dans son long laïus, le président syrien n’a pas voulu s’en prendre au Premier ministre désigné, Tammam Salam, s’efforçant même de lui trouver quelque qualité, comme par exemple son appartenance à « une vieille famille politiquement chevronnée », mais il a osé se muer en donneur de leçons à l’adresse des puissances qui entendent exercer leur influence au Liban en pensant clairement à l’Arabie saoudite. « Le Liban n’est pas une société anonyme dont les employés sont nommés ou licenciés de l’extérieur », a-t-il lancé, sans rire !


S’il y en a un qui aurait dû rire (ou pleurer, c’est pareil) en entendant ces mots, c’est le représentant aouniste au sein de la délégation, l’ancien député Sélim Aoun. L’histoire ne dira rien de sa prestation lors de cette audience, mais le député CPL Nabil Nicolas dira, lui, quelque chose : « Notre participation dans le cadre du Rassemblement des partis libanais à la rencontre avec le président Bachar el-Assad est un message de solidarité avec le peuple syrien... en tant que tout, et non pas avec un camp contre l’autre. » Ainsi, pour M. Nicolas, M. Assad continue d’incarner le peuple syrien « en tant que tout » !


Mais il y a mieux : « Il n’a pas été question de politique ni de sujets polémiques au cours de la rencontre », assure M. Nicolas. Il ne croit pas si bien dire : les 60 000 morts, en effet, ça n’est plus de la politique !
Soyons sérieux : qu’est-ce donc que cette audience, sinon une énième tentative de suggérer que le régime syrien continue de faire la pluie et le beau temps au Liban ? Ou plutôt qu’il voudrait continuer à le faire au moment où la désignation collective d’un Premier ministre, il est vrai modéré mais néanmoins comptabilisé au sein du 14 Mars, indique le contraire ? Et puis, est-ce un hasard que cette rencontre « au sommet » ait coïncidé avec l’escalade dans l’implication militaire du Hezbollah en Syrie ?
On voudrait renflouer à tout prix un navire en perdition qu’on ne se comporterait pas autrement. Encore faudrait-il savoir s’il suffirait de le renflouer rien qu’en montant à bord.

 

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