Le monde musulman est-il abonné à un agenda millénaire qui anesthésie sa conscience tout en attisant ses haines et ses rancœurs ? Est-il condamné à pérenniser une mémoire assassine qui perpétue les clivages meurtriers, approfondit les fossés creusés au fil des siècles ?
Pauvres de nous Arabes, tous embarqués dans la même galère : chrétiens et musulmans, chiites et sunnites, croyants et athées, systématiquement trompés par des régimes de potentats et de profiteurs abjects, floués par les révolutions de l’après-mandat qui n’avaient pour ambitions que de remplacer les dictateurs par d’autres dictateurs, les privilèges par d’autres privilèges.
Pauvres de nous Arabes, malmenés de désastres en désastres, de nakba en nakba, toujours au nom de grands principes, de causes suprêmes : une Palestine trahie par ses défenseurs au premier chant du coq, une Oumma qui ne s’unissait que pour mieux se déchirer, se livrer aux caprices de visionnaires illuminés, aux folies de Néron en quête de brasiers à entretenir.
Et aujourd’hui, alors que tout redevenait enfin possible, qu’une ère nouvelle étalait ses promesses à l’horizon de nos malheurs, le même mal endémique qui frappe le monde arabe depuis des lustres fait son apparition, rattrape les insurrections populaires, les plonge dans les affres de la division, des surenchères et des règlements de comptes.
Est-ce donc une fatalité, faut-il que les espoirs longtemps caressés soient systématiquement déçus, que les murs abattus soient remplacés par des remparts et que les printemps qui éclosent soient ternis par des automnes précoces ?
Dans ce monde arabe si longtemps pris en otage, assujetti au bon plaisir du tyran, est-il concevable que les victoires arrachées au prix du sang soient toujours récupérées par les fossoyeurs de nos rêves et que certains en arrivent, aujourd’hui, à regretter les menottes de l’esclavage, l’ordre implacable que leur garantissaient leurs propres tortionnaires ?
Pauvres de nous tous, chrétiens et musulmans, croyants ou athées, bernés à chaque révolte, à chaque insurrection, volés de nos maigres acquis, ramenés à la triste réalité d’une démocratie toujours rêvée, jamais réalisée. Une réalité cruelle qui plonge la Libye dans le désordre, la Tunisie et l’Égypte dans la peur de lendemains « réquisitionnés » par les islamistes. Un
thriller sanglant qui prolonge les souffrances d’une Syrie martyrisée, une Syrie qui survit dans l’attente du départ du tyran, du triomphe d’une insurrection légitime qui s’évertue, contre vents et marées, à conquérir ses lettres de noblesse face aux fous de Dieu.
Pauvres Libanais, chrétiens et musulmans, qui se donnent bonne conscience dans les méandres de la distanciation, qui se professionnalisent dans le jeu communautaire de la roulette russe et qui assistent, impuissants, à la montée des périls venus d’outre-frontières, au galvaudage des institutions républicaines...
Damnés sont les peuples arabes, entraînés dans des haines ancestrales, englués dans leur inféodation à des chefs d’un autre âge... Le monde, lui, continue son avancée vers le progrès et la modernité et se trouve déjà à des années-lumière de tous ceux qui s’obstinent à diaboliser les démocraties, à se complaire dans de tragiques vases clos.
Et dire que le Liban de la libre coexistence, du pari sur l’avenir, aurait pu faire toute la différence... Faut-il donc pleurer sur les ruines ?
Annexe: Vu que c'est la 1ère fois que j'aborde ici ce sujet, j'ajoute donc que logiquement, les coptes, Libanais arméniens, les Kurdes en Syrie et en Irak, les berbères en Afrique du Nord, les juifs des pays arabes qu'ils soient émigrés ou pas etc.. sont des arabes. Il est évident que SI cet espace (arabe) ne donne pas Démocratiquement à ces minorités un légitime espace identitaire linguistique (écoles), culturelle et religieux.. ce derniers tendront à ne pas se voir ASSIMILES, et appartenir fièrement à cette culture. Le pays qui avait à ce jour le mieux réussi ce gage, c'est la Syrie et c'est pour cela qu'un grand arabe avait dit un jour: La Syrie c'est le "cœur battant" cet espace. Attention mes amis:Tuer la Syrie aujourd'hui, c'est tuer l'arabité de cet espace que nous pourrions perdre à jamais sous les pas des chameaux.
16 h 50, le 16 avril 2013