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Le choix des armes

Il a du plomb dans l’aile, c’est évident, mais ne le tenez surtout pas pour mort, ni même pour moribond. En fait, c’est quand il perd du terrain qu’il est le plus dangereux, que se manifeste avec plus de hargne que jamais sa capacité bien connue de nuisance.

Du terrain, le régime de Damas ne cesse d’en perdre, dans son ancien fief libanais tout autant qu’en Syrie même ; entre ces deux phénomènes on peut aisément voir, d’ailleurs, un lien de cause à effet. Avec le tout récent sabordage du gouvernement Mikati, que contrôlait le Hezbollah, Bachar el-Assad a perdu un pouvoir ami (et même passablement complice, en dépit de sa neutralité affichée), l’un des derniers en tout cas qu’il lui restait dans le monde arabe. Conscients du vent qui tournait, ses amis locaux n’ont pu que se rallier, bon gré mal gré, à la désignation de Tammam Salam pour la succession.

C’est sur plus d’un axe cependant qu’est menée, en ce moment, la contre-offensive. Au plan politique, et bien qu’en nette baisse d’influence, Damas n’est pas encore à court de bonnes volontés libanaises, toujours disposées à faire œuvre de complication et, au besoin, d’obstruction. Les voilà déjà qui multiplient les exigences, qui réclament à cor et à cri un gouvernement politique d’unité : autrement dit de polémiques et de désunion comme l’a amplement démontré l’expérience du passé. Face à ce bruyant concert, le président du Conseil désigné a été fort bien inspiré, jeudi, de débrancher les moulins à paroles pour s’attaquer en silence à sa mission. Laquelle, rappellent à bon escient ses proches, consiste essentiellement à permettre au pays d’honorer l’échéance des élections législatives, en s’entourant – gage d’impartialité – de ministres non candidats à la députation. Tous les citoyens épris de stabilité et de normalité ne peuvent qu’applaudir à la démarche.

Plus préoccupante, dès lors, est la pression militaire croissante exercée sur le pays, avec l’intensification des tirs d’artillerie syriens par-dessus la frontière. C’est une situation irréelle que l’on a là, l’armée libanaise s’abstenant prudemment de toute riposte et se bornant à déplacer des soldats d’un village attaqué à l’autre, tandis que le ministère des Affaires étrangères se fait tirer l’oreille pour consentir, sur injonction du président de la République, à adresser une timide et respectueuse note de protestation à l’ambassade de Syrie.

Au bras de la menace militaire, s’avance inévitablement la subversion : l’outil de prédilection du régime baassiste qui fait merveille dans un Liban miné par la gangrène sectaire, la profusion des armes, et maintenant la vogue des enlèvements où l’on voit, comme c’est le cas en ce moment même à Ersal, l’autorité étatique faire office d’intermédiaire entre kidnappeurs et kidnappés. Au chapitre de la subversion, et pour changer des attentats aux explosifs et autres actes terroristes, on placera naturellement la divulgation, sur un site Internet des plus suspects, d’une liste, assortie de leurs photos et jusques de leurs adresses, de personnes appelées à témoigner devant le Tribunal spécial pour le Liban. Incontestable est, dans ce contexte, la volonté d’intimider, voire de terroriser ces témoins dont l’identité est censée demeurer secrète jusqu’à leur comparution. Encore plus flagrant toutefois est le laxisme observé dans cette affaire par les autorités judiciaires libanaises. Pressées d’intervenir par la cour internationale, elles attendent néanmoins d’être officiellement sollicitées. Plus fort encore – on croit rêver – elles signalent que les témoins visés ont toujours la possibilité de porter plainte !

Sans doute les responsables pensent-ils qu’à l’image du gouvernement démissionnaire, le rôle de la justice se limite à expédier les affaires courantes. Or voilà, d’ajournement en ajournement, le procès de La Haye, lui, ne court visiblement pas.

Issa GORAIEB

igor@lorient-lejour.com.lb

Il a du plomb dans l’aile, c’est évident, mais ne le tenez surtout pas pour mort, ni même pour moribond. En fait, c’est quand il perd du terrain qu’il est le plus dangereux, que se manifeste avec plus de hargne que jamais sa capacité bien connue de nuisance.Du terrain, le régime de Damas ne cesse d’en perdre, dans son ancien fief libanais tout autant qu’en Syrie même ; entre ces...