Rechercher
Rechercher

À La Une - En dents de scie

À nœud coulant

Quinzième semaine de 2013.
L’attente. Elle est lancinante comme une douleur à l’estomac ; elle est traîtresse : à peine pensent-ils l’avoir oubliée, chassée, juste un peu pour qu’ils puissent continuer à vivre, que la voilà revenue au galop, en faisant des claquettes, en les bouffant de dedans ; elle est insupportable, cette attente des familles et des amis d’un(e) otage. Elle est inhumaine, quelle que soit la nature du rapt. Quels que soient les enjeux et les responsabilités. Cette attente, millénaire, a pris tout au long de l’histoire et aux quatre coins de la planète cent et une formes ; ses conséquences, ses répercussions, aussi. Elle peut rendre fou, littéralement, pathologiquement fou, l’attente ; elle peut servir de prétexte, malheureux et vain certes, pour justifier tous les débordements. Tellement de dérives. Et tellement de protofascismes. Pour autoriser aussi, surtout, de sinistres, de criminelles complicités.
Comme le hasard, l’attente peut engendrer des monstres. Celle, sincèrement poignante, des proches des neuf pèlerins libanais toujours retenus en otage en Syrie, probablement dans la province d’Alep, a accouché d’une violence morale et psychologique inouïe. Férocement hors la loi. Voilà ces familles, sans doute (aucun) confortées par le comportement ultra-arrogant et totalement assumé de ce Hezbollah qui a trusté 100 % de la représentation politique de la communauté chiite à laquelle elles appartiennent, voilà donc ces familles spontanément transformées à leur tour en milice pure et dure, xénophobe à en crever, irraisonnée et fanatique, sourde et aveugle. Des familles qui ont passé des jours à pourchasser le Syrien partout dans cette banlieue sud mini-État hezbollahi archétypal, à l’empêcher de se rendre à son travail, à lui sceller son commerce, jusqu’au retour des otages, ont-elles eu la grande bonté de préciser. Voilà ces familles percluses de douleur volontairement transformées en terroristes. En voyoutes. En autojusticières d’un autre monde, d’un autre temps.
Là, l’immonde œil pour œil dent pour dent a été furieusement perverti. Il aurait bizarrement été plus clément de la part de ces néo-chemises noires, même si cela s’était avéré clairement stérile, de kidnapper neuf Syriens et de les garder prisonniers jusqu’à un éventuel échange. Mais non. La méthode choisie est infiniment plus viciée. Et vicieuse. Ces Syriens, expatriés au Liban ou malheureux réfugiés, vivent dans des conditions économiques tellement difficiles que leur voler (carrément) un salaire journalier revêt du sadisme. Moins trivialement, la méthode choisie pousse ces familles au fond de l’abîme : qu’est-ce qui, ou qui, les empêche, finalement, de parquer ces Syriens dans un périmètre clos de la banlieue sud, de leur interdire tout déplacement et de leur flanquer une espèce d’étoile verte, rouge ou jaune ?
Pas le Hezbollah. Du tout. Et pour cause : le parti s’en moque impérialement, trop occupé, sur objurgations iraniennes, à aller combattre et mourir pour les beaux yeux de la famille Assad et ceux d’un Baas-Moloch qui vit ses derniers jours. Encore moins l’ambassadeur de Syrie, cet inénarrable Ali Abdel-karim Ali, qui, s’il en avait le pouvoir, laisserait crever de faim les centaines de milliers de ses compatriotes terrés dans leurs tentes un peu partout au Liban. Et sûrement pas l’État libanais, spectateur crétin de tout ce qui se fait et se défait dans les îlots (les archipels, bientôt...) de non-droit contrôlés par le Hezbollah. Même quand il officiait au sein d’un gouvernement en bonne et due forme, ce gentil Marwan Charbel n’a jamais réussi à réaliser quoi que ce soit, ce n’est définitivement pas en ministre de l’Intérieur sortant qu’il y parviendrait...
Finalement, ces ressortissants étrangers n’ont qu’à assumer leur choix ou accepter leur fatalité. Arabes, Occidentaux, Africains, Asiatiques, ils savaient/savent tous que l’État libanais tel qu’il est, c’est-à-dire vampirisé et sclérosé par un 8 Mars hypocrite, incompétent et milicien, est quasiment incapable d’assurer la sécurité et les droits fondamentaux des Libanais eux-mêmes. Alors les autres... Est-ce que cela veut dire que le 14 Mars est mieux, concrètement, dans la praxis quotidienne du pouvoir ? Est-ce que cela veut dire, en l’occurrence, que ce 14 Mars aurait mis un terme à ce qui se passe aujourd’hui dans la banlieue sud ? Eh bien, personne n’en sait rien. Mais rien : depuis 2005, cette Alliance n’a jamais gouverné seule, sans les caprices, les armes et les menaces du Hezb et de ses alliés, pour qu’on puisse la juger, lui demander des comptes, la vouer, peut-être, aux gémonies.
Et ce n’est (toujours) pas avec ce brave Tammam Salam que cela risque d’arriver.
Quinzième semaine de 2013.L’attente. Elle est lancinante comme une douleur à l’estomac ; elle est traîtresse : à peine pensent-ils l’avoir oubliée, chassée, juste un peu pour qu’ils puissent continuer à vivre, que la voilà revenue au galop, en faisant des claquettes, en les bouffant de dedans ; elle est insupportable, cette attente des familles et des amis d’un(e) otage. Elle...
commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut