D’un côté, il y a une classe politique qui ne voit les développements que sous l’angle de ses propres intérêts – qui sont bien entendu aussi étroits qu’un jeans taille 34 – et de l’autre, des jeunes de toutes les régions et de toutes les confessions qui se précipitent pour tenter de faire renaître une rue détruite par un attentat meurtrier, avec les moyens de bord et sans la moindre compensation. Il y a, d’un côté, des responsables et des leaders qui confondent mensonges et tactiques et sont prêts à sacrifier l’avenir pour leurs sièges, et, de l’autre, une association qui fait boule de neige, un homme qui mobilise parce qu’il s’exprime avec le cœur et sait insuffler la foi et l’espoir, une dame qui n’est avare ni de son temps ni de ses ressources pour donner corps au projet et des jeunes qui croient encore dans la solidarité et l’entraide.
Ces deux tableaux aux antipodes l’un de l’autre sont pourtant des images du même Liban. L’un est haïssable et ne donne qu’une envie, celle de prendre la poudre d’escampette au plus vite. Et l’autre n’est pas seulement un baume, c’est aussi un message d’espoir et une ouverture vers l’avenir. Le Liban est peut-être le seul pays au monde à avoir en lui le pire et le meilleur. Et chaque fois que la classe politique – que nous continuons à suivre par ailleurs – nous entraîne vers le fond, au bord du précipice de la guerre civile – comptant sur des garanties internationales qui valent ce qu’elles valent dans le jeu des nations pour éviter le pire – Offre-Joie apparaît pour remettre du bonheur dans nos cœurs et nous redonner confiance dans ce pays.
Marcel Ghanem a eu le mérite, dans l’émission diffusée vendredi soir, de rappeler aux Libanais convaincus que les lendemains qui les attendent seront loin d’être chantants que tout peut encore changer, car dans ce pays béni des dieux, il y a encore de la bonne volonté, de la détermination et du courage. La rue qui a été le théâtre de l’un des plus odieux attentats de ces dernières années (celui qui a visé le général Wissam el-Hassan le 17 octobre 2012) est ainsi devenue le symbole de la renaissance, de la fraternité et de l’amour. Offre-Joie n’en est certes pas à sa première réalisation. On se souvient de la réhabilitation de certains quartiers déshérités de Tripoli, entre Bab el-Tebbaneh et Baal Mohsen, du réaménagement de certaines prisons, de la pose de pancartes dans les villages du Sud après la guerre de 2006, des colonies de vacances pour les jeunes délinquants, et pour les enfants sunnites et alaouites de Tripoli, et, récemment, de la chaîne de l’amitié à Khandak el-Ghamik là où deux cheikhs de Dar el-Fatwa ont été agressés par des voyous chiites et d’autres événements du même genre.
Chaque fois que l’unité du Liban est menacée, que les frères au sein de la patrie sont sur le point de se déchirer, Offre-Joie apparaît, augmentant en permanence son cortège d’adhérents – toujours des jeunes, de plus en plus de jeunes ! –, et ses appuis financiers et autres pour rappeler le véritable destin de ce petit pays pris aujourd’hui dans une mer démontée. Elle est là à chaque crise, osant avec courage chercher à dissiper les nuages et tentant de remettre les pendules à l’heure, celle de l’unité et du partage, celle de la joie et du pardon. Entre l’image qu’elle offre si gracieusement et celle que présente la classe politique, quel Liban choisirons-nous ?
Pour mémoire
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Merci de nous donner encore de l'espoir dans ce pays qui va a la derive. Merci Scarlett pour tous vos articles; c'est comme un baume pour le coeur...
20 h 06, le 02 avril 2013