Rechercher
Rechercher

À La Une - En toute liberté

François va déranger le désordre établi

Quelques jours avant de renoncer à sa charge, Benoît XVI s’était exprimé sur Vatican II en affirmant qu’il y avait eu deux conciles, celui des médias et celui de la foi. Le monde a perçu Vatican II « à travers les médias », a-t-il fait observer. Et alors que « le concile des pères se réalisait à l’intérieur de la foi », celui des journalistes « se réalisait à l’intérieur des catégories des médias d’aujourd’hui », c’est-à-dire dans une herméneutique « politique » qui voyait une « lutte de pouvoir entre les divers courants dans l’Église ».


Ce « concile des médias » s’est imposé dans la société en créant de nombreux problèmes pour la mise en pratique du « vrai concile » : « Le concile virtuel était plus fort que le concile réel », a-t-il déploré.
Mais Benoît XVI a souligné avec optimisme que « la force réelle du concile “devient peu à peu la vraie force capable de renouveler l’Église”. Cinquante ans après, “le concile virtuel s’efface” et “apparaît le vrai concile avec toute sa force spirituelle” ».


Les observations de Benoît XVI se vérifient dans la vie de l’Église en général. Nous percevons les événements à travers des grilles de lecture différentes. Le pontificat de François n’échappera pas à ce phénomène : il y aura le pape des médias et le pape de la foi.
L’une des grilles de lecture à laquelle se réfèrent constamment les médias est celle de « l’ouverture au monde ». Cette grille de lecture peut fausser le rapport qui s’établit entre le nouveau pape et l’opinion publique. Que signifie, en effet, l’expression « ouverture au monde » ? Le respect pour les différences, la compassion pour les plus pauvres, les plus faibles, les marginalisés ? Sur ce plan, le nouveau pape est irréprochable.
Mais est-ce que l’ouverture au monde signifie le compromis sur la vérité ? Est-ce que cette ouverture s’étend aux conduites morales ? Sur bien des questions morales et éthiques, et notamment le contrôle des naissances, le mariage, la famille, la morale sexuelle, la procréation assistée, l’euthanasie, la manipulation génétique, l’eugénisme, l’Église et le monde ont des visions bien différentes, voire antinomiques, conflictuelles, si ce n’est sur la fin, du moins sur les moyens. L’ouverture au monde ne peut signifier l’ouverture de la vie sur la mort. Sur ce plan, ce que Benoît XVI dit de la manière dont les médias perçoivent les choses comme « une lutte de pouvoir entre les divers courants dans l’Église », ou bien une lutte de pouvoir entre l’Église et « le monde », entre deux systèmes de valeurs différents, risque de se vérifier, une fois de plus.


La question se posera aussi sur des sujets proprement ecclésiaux sur lesquels les médias insistent : ordination des femmes, célibat des prêtres, déviations sexuelles, conduites immorales, manque de transparence. Ainsi de la rationalisation de l’Institut des œuvres religieuses (IOR), la Banque du Vatican, qui, justement, n’en est pas une, et dont Benoît XVI a commencé la réforme.
Il est aussi des questions économiques, écologiques et démographiques sur lesquelles l’Église et « le monde » ont des approches radicalement différentes, voire opposées : ainsi de la planification de naissances aux échelles continentale et mondiale, de la théorie du genre, du libéralisme économique, de la justice sociale et des échanges inégaux entre les nations. Sur ce dernier point particulier, il est fort probable qu’avec le pape actuel, l’Église catholique et les économies ultralibérales entreront en conflit.


Enfin, il y a le dialogue interreligieux et l’œcuménisme, qui sont des dossiers cruciaux sur lesquels « le monde » et l’Église peuvent avoir des avis différents. Avec ses médias, ses réseaux sociaux, ses spectacles, ses « temps réels », ses bourses et ses dysfonctionnements, ses nébuleuses et ses agendas secrets, « le monde », en effet, ressemble aujourd’hui bien plus à une horde qu’à une race humaine.
Le pape François a été élu pour d’humbles et fondamentales considérations : son modèle de vie, son humilité, sa proximité des pauvres. Mais il n’est pas pour autant un homme faible. Au contraire, ce doux berger cache un géant dont la voix retentira comme un « cri de rassemblement » et contre lequel de nombreux loups se rueront, quand il voudra défendre son troupeau. Et les loups, comme le démontre amplement le scandale Vatileaks, se trouvent aujourd’hui aussi bien à l’extérieur qu’à l’intérieur de la bergerie.

 Pour le Liban
Que signifie, pour le Liban, l’élection du pape François ? Sur le plan diplomatique régional, ce sera la continuité. Le Saint-Siège sait bien que l’avenir de la paix dans le monde se joue en ce moment chez nous et que l’Église fait face au danger d’une « désertification » chrétienne de l’Orient.


Sur le plan ecclésial, son amour de la pauvreté et sa modestie constitueront certainement une pierre d’achoppement, pour ce qu’ils impliquent comme réforme de vie et respect des vertus d’obéissance, de pauvreté et de chasteté par certains de ceux qui sont supposés être les modèles du troupeau. Un livre vient d’être retiré de la circulation, qui parlait en termes très mesurés des défis que l’Église du Liban affronte, de la réforme indispensable du clergé, de couvents, où la discipline est si lâche que l’on n’ose plus demander au moine qui rentre à des heures anormales où il se trouvait, ou pourquoi il n’a pas assisté à la prière du matin. Je suppose que de pareilles situations se retrouvent partout. J’y repense en apprenant d’un de ces « petits », dont le Seigneur prend la défense, qu’il a dû se déplacer à trois reprises pour obtenir d’être reçu par le responsable financier d’une école duquel il sollicitait un étalement de ses arriérés et une attestation scolaire pour sa fille. « Je ne sais pas pourquoi, mais le moine qui m’a reçu ne cessait de bâiller », a-t-il rapporté. Humiliation des « petits ». Dans « le monde » comme dans l’Église, l’humble François sera à l’exacte image de son maître, un homme à la fois de paix et de dissension. Il va déranger le désordre établi.

 

Portrait

Un jésuite austère et modéré

 

Voir aussi nos repères sur l'élection papale
Quelques jours avant de renoncer à sa charge, Benoît XVI s’était exprimé sur Vatican II en affirmant qu’il y avait eu deux conciles, celui des médias et celui de la foi. Le monde a perçu Vatican II « à travers les médias », a-t-il fait observer. Et alors que « le concile des pères se réalisait à l’intérieur de la foi », celui des journalistes « se réalisait à...
commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut