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À La Une - Le point

L’espion (double) qui venait du bush

L’Australie puis Dubaï : c’est là où il s’y attendait le moins qu’Israël a été, par deux fois, surpris les doigts dans le pot de confiture. Après avoir maladroitement mobilisé les membres de son gouvernement, les médias et l’opinion publique pour réclamer la plus extrême discrétion, Benjamin Netanyahu a dû se résigner à voir une sous-commission de la Knesset se pencher sur le cas du « Prisonnier X », une affaire qu’auraient adorée Alexandre Dumas (Le Vicomte de Bragelonne) et John Le Carré (The Secret Pilgrim).


Il s’appelait Ben Zygier, ou Ben Alon, ou encore Ben Allen, quand ce n’était pas Benjamin Burrows. Juif pratiquant, 34 ans, époux modèle, père de deux enfants, fils d’un dirigeant du B’nai B’rith et adorant aller à la découverte du Moyen-Orient – lieux de prédilection : le Liban, la Syrie, l’Iran (cherchez le point commun) – avec deux passeports. C’est cette identité gémellaire qui l’a perdu. Il faisait partie d’un commando qui venait de trucider, à l’hôtel al-Bustan Rotana de Dubaï, Mahmoud el-Mabhouh, de son État pourvoyeur d’armes au Hamas. Ses traits apparaissaient nettement sur les images prises par les caméras de surveillance et aimablement distribuées par les excellents service secrets de la principauté aux quatre coins du monde. Nous sommes en janvier 2010; quelques jours plus tard, le James Bond israélien est envoyé à la trappe par ses maîtres. C’est dans sa cellule de la prison d’Ayalon qu’il va se donner la mort, ce que Tel-Aviv est forcé de reconnaître après les fuites dans la presse internationale et des documents accablants diffusés par WikiLeaks.


Mais s’agit-il réellement d’un suicide ? Avigdor Feldman, son avocat, révèle aujourd’hui que des pressions insoutenables avaient été exercées sur Zygier-Alon-Allen-Burrows. Bonnes âmes comme on sait l’être chez les barbouzes, les psychiatres du Mossad se relayaient pour lui expliquer la gravité de son cas, la très lourde peine – « probablement la prison à vie » – à laquelle il allait être condamné, l’ostracisme dont sa femme, ses enfants et toute sa famille ne manqueraient pas de le frapper. Tout cela parce qu’il avait menacé de « vendre la mèche » à l’Australia Security Intelligence Organisation (ASIO). Déjà fragilisé par sa détention, il avait craqué. Fin tragique pour un homme qui s’était imaginé en héros et apprenait tout d’un coup qu’il n’avait été qu’une marionnette dont des montreurs tiraient les ficelles.


Pour le gouvernement israélien, les retombées de ce sombre épisode de la guerre de l’ombre sont terribles. Tout d’abord, il découvre que certains services de renseignements arabes, en particulier ceux des Émirats arabes unis, peuvent être d’une impressionnante efficacité. Contrairement au Mossad, seconde révélation, qui enregistre du coup un nouveau flop après nombre d’autres, celui de la piteuse tentative d’empoisonnement, sous le premier gouvernement Netanyahu, de Khaled Mechaal, le 25 septembre 1997 à Amman, n’étant pas des moindres. C’est à croire qu’il existe pour Benjamin Netanyahu, au pouvoir à l’époque, une malédiction du Hamas – Mechaal dirigeait à l’époque le bureau du Mouvement de la résistance islamique en Jordanie – qui continue de le poursuivre alors que c’est l’officine israélienne qui fournit à ses détracteurs, une fois de plus, la preuve qu’elle a perdu son punch.

Ensuite, en disposant à sa guise de l’arme de la double nationalité, l’État hébreu risque de perdre de précieuses amitiés, celle de l’Australie en l’occurrence, même si Canberra manipulait Zygier, agent double comme le sont la plupart de ses honorables collègues. Enfin, à suivre les commentaires indignés de la presse et de certains politiciens israéliens, il ne fait aucun doute que l’opinion publique n’a pas apprécié la désinvolture dont « Bibi » a fait montre à son égard ainsi que la sévérité du black-out imposé pour l’occasion. On apprend avec stupeur que toute trace de l’affaire avait été effacée des sites informatiques, que la chape de la censure paralysait les journaux, que le gouvernement prenait les citoyens « pour des imbéciles », ainsi que l’avait souligné le rédacteur en chef d’un quotidien de gauche. Ressurgissait brusquement le ressentiment accumulé au fil des années de censure et d’interdits.Tout cela au lendemain de législatives qui avaient révélé la fragilité du Premier ministre et de la boiteuse coalition sur laquelle il s’était appuyé très longtemps.


Confidence d’un ancien des SR : « À l’ère des téléphones cellulaires, des caméras de surveillance, des satellites, une simple information sur un agent peut provoquer une myriade de scandales difficilement contrôlables. » Le battement d’ailes du papillon, en somme. Aux dernières nouvelles, il y aura des inculpations « pour négligence ». Dans l’exécution de la mission « Kill Zygier » ?

 

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