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À La Une - La situation

Loi électorale : l’indépendantisme communautaire gagne du terrain...

Le président Sleiman a reçu hier les députés Ahmad Fatfat, Kassem Abdel Aziz et Kazem Kheir, qu’il a exhortés à faire « des sacrifices et des concessions, afin qu’une loi électorale moderne soit adoptée le plus vite possible, aucun report des élections ne pouvant être envisagé ». Photo Dalati et Nohra

La commission restreinte issue des commissions conjointes chargée de réfléchir sur les deux aspects fondamentaux d’une nouvelle loi électorale, découpage des circonscription et mode de scrutin, est arrivée hier en fin de course. Elle doit établir aujourd’hui un bilan définitif de ses travaux, qui se sont étalés sur cinq semaines. Elle le soumettra au président de la Chambre, qui en saisira à son tour les commissions conjointes.


Le bilan des travaux de la commission sont maigres. Une solution de désespoir, le projet de loi orthodoxe, auquel les Forces libanaises et le parti Kataëb ont commis l’erreur de donner leur accord, avant de se reprendre et de chercher mieux, dans la direction d’un projet de loi combinant les deux modes de scrutin majoritaire et proportionnel.
C’est à ce niveau que le véritable progrès a été réalisé, mais ce progrès est resté en suspens. Le pas en avant est venu du courant du Futur qui, après avoir refusé d’envisager un mode de scrutin proportionnel, a opéré un « virement stratégique » et a fini par accepter un mode de scrutin mixte.


Toutefois, au lieu de bâtir sur cette donnée avec leur allié, aussi bien les Forces libanaises que le parti Kataëb, par les voix de Georges Adwan et Samy Gemayel, ont présenté chacun leur propre projet. Avec pour résultat qu’aucun des trois projets n’a pu être suffisamment étudié de telle sorte qu’il puisse inspirer confiance.
Le projet défendu hier par M. Adwan garantit, selon lui, l’élection par des électeurs chrétiens de 56 députés sur les 64 sièges prévus pour ces communautés. Il combine également les deux modes de scrutin, mais se distingue par le fait que des critères différents sont appliqués dans le choix des députés qui seront élus à la proportionnelle, selon la communauté prédominante, numériquement, dans une circonscription donnée. En somme, un projet de loi doublement hétérogène et confectionné sur mesure.

Au pire des cas
Toutefois, M. Adwan a annoncé hier qu’au pire des cas, si aucun autre projet ne fait consensus, les FL voteront au Parlement en faveur du projet de loi orthodoxe. Ce projet prévoit que chaque communauté élise ses propres députés, à la proportionnelle, ce qui garantit, selon ses auteurs, dont le prosyrien notoire Élie Ferzli, ancien vice-président de la Chambre, que « les chrétiens éliront leurs propres députés ».


Sur ce plan, les FL rejoignent le courant aouniste. « Nous voulons des élections qui instituent une union nationale véritable, a affirmé hier le député du CPL Ibrahim Kanaan, et il n’y a que le projet orthodoxe qui réponde à cette exigence. Nous avons vécu, de 1990 à 2009, avec 15 députés élus par les chrétiens. La situation s’est améliorée à Doha et nous sommes parvenus à 34. Pourquoi ? Pourquoi cet outrage ? En quoi le projet orthodoxe influe-t-il sur les voix chiites et sunnites ? (...) Le projet orthodoxe fera juste perdre (aux autres courants politiques communautaires) les sièges chrétiens qu’ils ont usurpés après Taëf à travers des lois confectionnées au temps de la tutelle (...). »
L’indépendantisme communautaire gagne en force au sein des communautés chrétiennes elles-mêmes. C’est ainsi que les communautés minoritaires au Liban (chaldéens, syriaques orthodoxes, assyriens, coptes orthodoxes et latins) demandent à être mieux représentées à la Chambre par trois députés qui seraient élus à Achrafieh, dans le Metn et à Zahlé.
Ce que ni les FL ni le CPL ne mesurent, c’est combien le projet de loi orthodoxe est rétrograde et ramène le Liban à l’ère des grandes familles féodales et des tribus, en favorisant l’élection des courants les plus monolithiques et les plus extrémistes dans chaque communauté, et en broyant les députés indépendants.


Mais là n’est pas son principal défaut. Celui-ci réside dans le fait qu’il ne s’agit pas d’un simple projet de loi, mais qu’il induit un changement du système politique lui-même, en fractionnant le corps électoral.


Le chef de l’État comme aussi de nombreux députés classés indépendants ont à plusieurs reprises exprimé leur hostilité au projet de loi orthodoxe. Le président Sleiman a de nouveau mis en garde hier, devant ses visiteurs, contre son adoption, encourageant la commission restreinte « à s’éloigner des propositions contraires à la Constitution et conduisent à des alignements communautaires qui ne concrétisent pas l’intégration nationale et la convivialité ».
Selon le président, le projet de loi orthodoxe est contraire au « pacte de coexistence » figurant dans le préambule de la Constitution, qui fait des Libanais un seule peuple et non plusieurs.


Que va-t-il se passer maintenant ? Au terme de cinq semaines de tractations, les représentants de la nation n’ont toujours pu s’entendre sur une loi électorale, justifiant ainsi ceux qui estiment qu’ils ne sont pas encore assez mûrs pour se gouverner. De fait, au lieu de sortir de la crise par le haut, en direction de l’abolition des clivages confessionnels et en fonction des alliances politiques et des programmes, les partis « chrétiens » ont préféré s’enfoncer davantage encore dans les méandres du communautarisme.


Les commissions conjointes pourront-elles réparer cette erreur ? Le ministre Nicolas Nahas, proche du président Sleiman, l’espère bien. Il l’a dit hier. La semaine qui vient, nous commencerons à sortir du tunnel de la loi électorale, a-t-il promis. Il faudra faire vite. Déjà l’indifférentisme à l’égard des élections règne en maître dans les communautés libanaises à l’étranger, une attitude qui risque d’être contagieuse. Si l’on en croit un rapport du ministère des Affaires étrangères, seuls 246 Libanais, sur les 3 156 qui possèdent des dossiers en Belgique et au Luxembourg, ont demandé à voter lors des prochaines élections... Un chiffre révélateur.

 

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