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À La Une - Humanitaire

L’ordre des médecins alarmé par la situation humanitaire dans les camps palestiniens

L’Unrwa et le personnel médical de l’hôpital Haïfa ont réservé un accueil chaleureux au président de l’ordre, le docteur Charaf Aboucharaf.

Un poupon de quelques heures dort dans une couveuse, sous l’œil attendri des Drs Charaf Aboucharaf et Hassan el-Bouchra, qui entourent Mona Osman, directrice exécutive en chef du programme sanitaire, et Roger Davies, directeur adjoint de l’Unrwa au Liban (centre). Photo Abdallah Khawli

C’est en médecin fidèle à son serment, c’est-à-dire en « homme sans frontières », que le président de l’ordre des médecins, Charaf Aboucharaf, s’est rendu hier dans le camp palestinien de Bourj Brajneh, pour s’informer des conditions sanitaires dans lesquelles vivent les Palestiniens nouvellement – et, il faut l’espérer, provisoirement – déplacés de Syrie, et dont le nombre, qui grandit de jour en jour, a dépassé les 20 000 personnes. « Je suis là à la fois pour des raisons professionnelles et humanitaires », a-t-il affirmé devant les journalistes qui couvraient l’événement. « Sans son humanité, sans le respect de la dignité humaine, le Liban disparaît », a-t-il ajouté.
La visite, la première d’un président de l’ordre des médecins dans un camp palestinien, a été accueillie avec une visible gratitude aussi bien par les responsables de l’Unrwa que par le personnel médical des lieux visités, notamment par le Dr Aouni Saad, directeur de l’hôpital Haïfa, du nom de la belle ville côtière palestinienne.
Accompagné du Dr Hassan el-Bouchra, représentant de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) au Liban, du Dr Antoine Boustany, de Roger Davies, directeur adjoint de l’Unrwa, de Mona Osman, directrice exécutive du programme sanitaire de l’organisation onusienne, le Dr Aboucharaf a visité, au camp de Bourj Brajneh, l’hôpital Haïfa, le dispensaire de l’Unrwa et un centre de loisirs pour personnes âgées. Il a également pris le temps de parcourir quelques dédales du camp, pour mieux apprécier les conditions humanitaires dans lesquelles vivent les habitants du camp, et l’hygiène générale des ruelles.


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Rien d’essentiel ne manque
De sa visite, le Dr Aboucharaf est revenu avec une double et contradictoire impression. Il s’est félicité de ce que « rien d’essentiel » ne manque à l’hôpital Haïfa, dont les prestations sont gratuites, sauf dans les cas d’hospitalisations lourdes. Mais le président de l’ordre des médecins n’a pu que déplorer « le pénible manque d’horizon » dans lequel vivent les Palestiniens du camp et le caractère proprement souterrain d’innombrables logements qui ne voient pas le soleil.
« J’imaginais le pire, mais un minimum décent est là », a confié à L’Orient-Le Jour le Dr Aboucharaf, après sa tournée hospitalière, sous la conduite du Dr Aouni Saad, directeur de l’hôpital Haïfa, un établissement exigu de trois étages et 40 lits, dont le rez-de-chaussée abrite les soins d’urgence.
Les chambres, toutes à lits doubles, sont propres ; elles disposent toutes d’une salle de bains individuelle, sont bien aérées et ont la télévision ; les lits électriques sont d’un modèle récent, a constaté le praticien. Les laboratoires, la pouponnière – où un nouveau-né de quelques heures dormait dans une couveuse – , les urgences, le service de radiologie, ont le minimum requis, a-t-il également constaté. Toutes les spécialités sont couvertes, même si ce n’est pas au quotidien, et tous les médicaments sont disponibles.
Ces améliorations ont été introduites au cours des deux dernières années par l’Unrwa, explique le Dr Mona Osman, qui indique toutefois qu’en raison de l’afflux de familles déplacées de Syrie – palestiniennes et syriennes –, l’hôpital ne parvient plus à faire face à la demande. Les naissances sont passées de 80 à 120 par mois, a indiqué à ce sujet le Dr Aouni Saad.
Pour sa part, le directeur adjoint de l’Unrwa, Roger Davies, explique que l’agence a dépensé en janvier, en charges supplémentaires, ce qu’elle a dépensé au cours des six mois précédents, à cause de l’afflux de réfugiés consécutif aux combats de décembre à Damas. Les affections les plus fréquentes, confie le directeur de l’hôpital, sont dues aux conditions de promiscuité dans lesquelles vit la population : asthme, tension artérielle, etc.

 

(Pour mémoire: À Aïn el-Héloué, la misère du double exode des réfugiés palestiniens de Syrie)

Hygiène mentale absente
Mais si le niveau d’hygiène est convenable, compte tenu du surpeuplement du camp, l’hygiène mentale fait défaut. La population des camps vit, depuis des décades, dans une précarité inhumaine, privée d’horizon. Expulsée de Palestine, elle s’est retrouvée, au Liban, dans une grande prison dont les barreaux ne sont pas faits de fer, mais de lois inflexibles qui lui barrent, au nom du danger de l’implantation, tout espoir d’accès à la société libanaise. On en a un exemple éloquent avec les épouses libanaises de Palestiniens qu’une loi empêche de transmettre leur nationalité à leurs enfants.
Certes, quand ils le peuvent, les Palestiniens ne se privent pas de contourner la loi. L’introduction de matériau de construction est en principe interdite dans les camps. Pourtant, profitant de l’anarchie ambiante, c’est-à-dire pendant que les Libanais se querellent et les laissent tranquilles, les Palestiniens construisent en ce moment à tour de bras. Pour cela, ne pouvant s’étendre en surface, ils montent en hauteur, au mépris peut-être de la sécurité, mais qui s’en inquiète ?
Le Pr Antoine Boustany, psychiatre, s’est dit « choqué » du spectacle qui s’est offert à ses yeux. De fait, une angoisse diffuse se fait sentir, à mesure que l’on s’engage dans les dédales du camp. Les responsables sanitaires confirment que le taux de dépressions est supérieur à la moyenne. Les troubles psychiques ne sont pas rares non plus chez les enfants privés de leurs familles ou ayant assisté à des massacres.
À l’issue de sa visite, le Dr Aboucharaf a promis aux responsables de l’Unrwa de discuter, avec le conseil de l’ordre, de la possibilité d’autoriser le personnel médical palestinien à assister, au moindre coût, aux sessions d’éducation médicale continue organisées par l’ordre, et de mettre les diverses sociétés médicales (cardiologues, pédiatres, gynécologues), en rapport avec leurs collègues palestiniens, dans la perspective de permanences bénévoles. Et le Dr Aboucharaf de préciser que l’ordre est déjà intervenu pour aider le personnel médical palestinien, en soumettant à une commission d’experts des cas de fautes médicales qui ont semé le doute sur la compétence de certains médecins.

« Hôtel 5 étoiles... »
« Comparés au camp de réfugiés du Darfour, le camp de Bourj Brajneh est un hôtel cinq étoiles, a commenté pour sa part le Dr Hassan el-Bouchra, responsable de l’OMS au Liban, mais alors que dans les premiers, la gaîté et la joie sont visibles, à Bourj Brajneh, c’est le sentiment d’abattement qui saute aux yeux ».
Le responsable de l’OMS ne semble pas avoir d’idée claire sur ce qui est faisable, pour dissiper ce nuage de tristesse qui flotte sur le camp, malgré la timide présence de la société de consommation dans la rue principale, sous forme d’épiceries, de boutiques et de petits restaurants. « En fait, rien ne manque, mais tout manque, quand manque la liberté », fait-il.

 

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