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Moyen Orient et Monde - Le billet

L’Étranger, la demande en mariage, Paris, Beyrouth et Alger

« Le soir, Marie est venue me chercher et m’a demandé si je voulais me marier avec elle ».

A – Meursault : J’ai dit que cela m’était égal et que nous pourrions le faire si elle le voulait.

B – Mohammad, libanais : J’ai dit “oh oui ma chérie, tu es mon œil, mon cœur, mon âme, ma vie !”Et puis j’ai ajouté, un peu plus bas, que ce mariage allait être quand même un peu délicat.

C – Lucie, parisienne : J’ai dit que oui, et j’ai dit attendons un peu aussi.

« Elle a voulu savoir alors si je l’aimais. »

A – Meursault : J’ai répondu comme je l’avais déjà fait une fois, que cela ne signifiait rien mais que sans doute je ne l’aimais pas.

B – Mohammad : J’ai répondu comme je l’avais déjà fait tant de fois, que oui je l’aimais, mais que cela ne signifiait pas pour autant que l’affaire était dans le sac. Rapport à sa religion, chrétienne, et à la mienne, musulmane, et au fait que nous ensemble, c’est un des deux qui se convertit. Elle a brandi le mariage civil. J’ai un peu blêmi. Pas que ça me pose un problème, c’est plutôt mes parents. Ils avaient entendu le mufti faire le lien entre mariage civil et apostasie.

C – Lucie, parisienne : J’ai répondu comme je l’avais déjà fait tant de fois, que oui je l’aimais, mais que cela ne changeait rien au fait qu’il faudrait attendre que nos chers députés aient fini de s’écharper, d’amendement grotesque en amendement grossier, sur la loi qui nous permettra à elle Marie, et moi Lucie, de nous marier.

« Pourquoi m’épouser alors? » a-t-elle dit.

A – Meursault : Je lui ai expliqué que cela n’avait aucune importance et que si elle le désirait, nous pouvions nous marier. D’ailleurs, c’était elle qui le demandait et moi je me contentais de dire oui.

B – Mohammad : Je lui ai expliqué que les obstacles n’avaient aucune importance et que si elle le désirait, nous allions nous marier. Mais qu’il allait falloir convaincre mes parents que les menaces du mufti n’étaient pas une question de dieu mais d’argent. Qu’elle devait s’imaginer, elle, expliquer à sa mère qu’elle allait se marier civilement et dans la foulée, être excommuniée.

C – Lucie : Je lui ai expliqué qu’attendre un peu n’avait aucune importance et que si elle voulait bien patienter, nous allions finir par nous marier.

« Elle a observé alors que le mariage était une chose grave. »

A – Meursault : J’ai répondu : « Non. »

B – Mohammad : J’ai répondu : « Oui et non. » Non, parce que pas grave comme dans « maladie grave ». Oui, parce qu’un peu quand même dans ce fichu pays.

C – Lucie : J’ai répondu : « Non, faut pas exagérer. » Que la chose grave, plus que notre mariage, c’était les fous de dieu se traînant à genou sur les pavés de Paris pour dire leur opposition à notre union.

« Elle s’est tue un moment et elle m’a regardé en silence. Puis elle a parlé. Elle voulait simplement savoir si j’aurais accepté la même proposition venant d’une autre femme, à qui je serais attaché de la même façon. »

A – Meursault : J’ai dit : « Naturellement. »

B – Mohammad : J’ai dit : « Jamais de la vie », tout en me demandant si j’avais bien compris.

C – Lucie : J’ai dit « Ben oui », mais je crois qu’elle l’a mal pris.

« Elle s’est demandée alors si elle m’aimait et moi, je ne pouvais rien savoir sur ce point. Après un autre moment de silence, elle a murmuré que j’étais bizarre, qu’elle m’aimait sans doute à cause de cela mais que peut-être un jour je la dégoûterais pour les mêmes raisons. Comme je me taisais, n’ayant rien à ajouter, elle m’a pris le bras en souriant et elle a déclaré qu’elle voulait se marier avec moi. »

A – Meursault : J’ai répondu que nous le ferions dès qu’elle le voudrait. Je lui ai parlé alors de la proposition du patron et Marie m’a dit qu’elle aimerait connaître Paris. Je lui ai appris que j’y avais vécu dans un temps et elle m’a demandé comment c’était. Je lui ai dit : « C’est sale. Il y a des pigeons et des cours noires. Les gens ont la peau blanche. »

B – Mohammad : J’ai répondu que nous le ferions dès qu’on le pourrait.

C- Lucie : J’ai répondu que nous le ferions dès qu’on le pourrait.

 


*Avec des extraits de l’Étranger, d’Albert Camus

 

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commentaires (2)

Bien Vu. E X C E L L E N T !

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

09 h 48, le 01 février 2013

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Commentaires (2)

  • Bien Vu. E X C E L L E N T !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    09 h 48, le 01 février 2013

  • Du makhlouta tout comme l'apostasie et l'anathème lancé !

    SAKR LEBNAN

    00 h 18, le 01 février 2013

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