À entendre le mufti Kabbani tonner contre le projet de mariage civil facultatif, on se prendrait à croire qu’à la minute même où cette loi deviendrait effective, des milliers de jeunes prétendants chrétiens et musulmans vont se ruer chez Monsieur le Moukhtar avant de se jeter dessus et copuler comme des bêtes.
À le voir fulminer contre le fantasme impie, on croirait que les Libanais, qui se sont envoyés sur la figure des constellations d’obus pendant des dizaines d’années, n’attendent que cette occasion pour organiser en toute légalité des ébats d’alcôve et des coïtus ininterruptus interconfessionnels. Et fonder enfin cette famille pan-religieuse qui irait planer, chantant le Koullouna, au-dessus des églises et des mosquées... Rien que d’y penser, on en a la chair de moule !
En face, on n’est pas mal loti non plus. Et faux-cul avec ça ! Le clergé chrétien laisse faire les confrères musulmans qui vont au casse-pipe face aux médias, alors qu’il sait très bien qu’ils peuvent compter sur la touchante solidarité de l’ensemble du cartel religieux, dont les membres s’entendent comme larrons en foire.
Que les dignitaires des curies confessionnelles rejettent le principe du mariage civil, cela pourrait à la limite se concevoir. Chacun défend son bifteck et vend sa sauce comme il peut. En revanche, on ne voit pas pourquoi ils devraient empêcher un traîne-lattes d’épouser sa guenon, au seul prétexte qu’elle adore le demi-frère de son dieu ou son arrière petit- cousin. Ou encore lui donner des leçons sur la manière de faire des gamins, enterrer pépé, pomper son héritage. Et puis quoi encore, on en oublie peut-être...
Cette propension à vouloir codifier, décréter, encaquer est pour le moins hallucinante. Depuis son extrait de naissance jusqu’à son certificat de décès, le bouseux qui n’a pas les moyens de nocer sous d’autres cieux se retrouve empaqueté dans un système tordu qui n’a rien de mieux à faire que de contrôler s’il respire conformément à la foi ou à la ligne communautaire.
Un accompagnement qui rapporte gros aux bigots divins et leur permet en tout cas d’entretenir la confusion entre la quête des sens et le sens de la quête.
gabynasr@lorientlejour.com
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