Non loin de là, entre Lassa, Mayrouba et Hrajel, maronites et chiites s’épient en chiens de faïence, un cheikh menace de suivre l’exemple de l’imam de Saïda et d’investir carrément la région de Faraya, et les islamistes de la prison de Roumieh, pour ne pas être en reste, se mutinent et tiennent la dragée haute à toute la maréchaussée.
Voilà, en quelques mots, l’état des lieux dans un pays qui se proclame la Suisse du Moyen-Orient, voilà comment se mettent en place les jalons menant à un avenir radieux, celui qui ambitionne d’installer le Liban dans une modernité qui rendrait envieux tous les réformistes de la planète...
Moderne République où des stratèges de pacotille veulent convaincre les citoyens que le salut ne se trouve que dans les ghettos communautaires, que les maronites ne peuvent récupérer le paradis perdu qu’entre les quatre murs du cloisonnement. Idem pour les orthodoxes et les druzes, pour les grecs-catholiques et les syriaques, itou pour les sunnites et les chiites, les alaouites et les latins, et la liste est loin d’être exhaustive.
Le monde se gausse de nos turpitudes, se délecte des bizarreries ferzliennes, mais qui s’en soucie ! Les critiques fusent, la caravane passe, et les voilà tous entraînés dans la spirale des surenchères : le plus immaculé des chrétiens est forcément celui qui lave plus chrétien, le plus pur des musulmans est, bien sûr, celui qui réussira à rallier Allah à sa mission divine, bien avant les autres.
Et c’est au milieu de cette véritable salade confessionnelle que le chef de l’État a trouvé moyen de lancer un pavé dans la mare : le débat sur le mariage civil. Une « incongruité » balayée d’un revers de la main par le « très moderne » Nagib Mikati, offusqué qu’on ne l’ait pas consulté au préalable sur cette question « hautement explosive ». Pas étonnant, dès lors, que Dar el-Fatwa et les autres instances religieuses musulmanes se soient précipités pour le soutenir dans son refus catégorique.
Pathétique société civile écrasée par le tsunami confessionnel, désespérante collectivité électorale embrigadée dans les batailles communautaristes ! Mais où sont donc passées les revendications citoyennes, les batailles pour la chute du gouvernement, une équipe hétéroclite qui a failli à toutes ses obligations, qui n’a pas été fichue de fournir la moindre explication convaincante sur les échecs de ses divers départements ?
Qu’est-il advenu du problème des médicaments frelatés, des poursuites supposées avoir été engagées contre les commerçants de la mort ? Où en est-on de l’échelle des salaires, du scandale des douanes, des promesses et mensonges répétés sur une meilleure distribution du courant électrique ? Où ont donc disparu les navires-fantômes censés éclairer nos mémoires défaillantes ?
Oubliées les armes du Hezbollah, les atteintes à l’État de droit, « amnésiée » l’incapacité de la légalité à décider souverainement d’une politique défensive prise en otage par le parti de Dieu.
Aujourd’hui, on ne parle plus que d’appartenances confessionnelles, de fidélité à des chefs chrétiens ou musulmans, maronites ou orthodoxes, sunnites ou chiites... et progressivement on pave la voie à des guerres civiles, à la résurgence de haines qu’on croyait enfouies dans les tréfonds de nos consciences.
Attention danger : Allah, aujourd’hui, a le vent en poupe. Non pas le miséricordieux, l’aimant, mais le vengeur, celui qui est assujetti aux ambitions des uns, entraîné dans les conspirations des autres.
Pauvres de nous...
Allah crée chacun de nous avec sa chance, ses yeux, sa taille et ses peines mais malheureusement chaque confession chaque individu veut briser ce pari dans un pays ou même la religion est devenu objet de chantage Antoine Sabbagha
06 h 24, le 28 janvier 2013