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Nos Lecteurs ont la Parole

Contre la loi orthodoxe ou pour la « dhimmitude » parlementaire ?

Par Ronald BARAKAT
Il est vrai que la loi électorale dite orthodoxe, dont le mécanisme repose sur une configuration strictement confessionnelle, chaque communauté élisant ses propres députés, n’est pas l’idéal auquel aspire un citoyen du monde civilisé, démocratique, libéral et laïque, délivré du communautarisme, voire du sectarisme, du cloisonnement idéologique et culturel. Mais il convient de se demander si cette loi n’est pas justement le reflet d’une triste réalité et d’une affligeante mentalité, qui préexistent à ladite loi, la sous-tendent et lui survivront pour un certain temps. Faut-il attendre une telle loi pour consacrer l’identité communautaire et les clivages confessionnels déjà bien ancrés dans notre habitus ? Cette loi pourrait au moins servir de pis-aller, en attendant un changement de mentalité, un « décalottage » de l’esprit collectif souffrant de phimosis, et nous aider à en finir d’abord avec les députés « dhimmis », venus les uns avec la vague électorale sunnite, les autres avec la vague chiite, noyés dans leurs océans communautaires respectifs, tenus à se soumettre à leurs consignes et défendre leurs intérêts par éthique de gratitude plus que de conviction.
Pour une fois qu’une loi emporte l’adhésion des principaux partis chrétiens rivaux, bon gré mal gré, et après moult tractations et rétractations, essayons d’y voir une prescription, un purgatif qui aidera à l’élimination des occupants non représentatifs des strapontins confessionnels du Parlement et leur remplacement par des occupants légitimes et représentatifs, plutôt que de condamner le caractère confessionnel et anticonstitutionnel de ce mode de scrutin et de le trouver contraire à l’esprit de Taëf, qui vise plutôt la déconfessionnalisation utopique de la vie politique, laquelle ne peut se réaliser sans la déconfessionnalisation de la vie sociale libanaise, encore plus utopique.
Il est d’une part compréhensible que le courant du Futur s’oppose à une telle loi qui remettra en question sa (fausse) représentativité parlementaire de la communauté chrétienne (avec ses différents rites), sous couvert de préservation de la convivialité pluricommunautaire, et il est d’autre part plus que suspect que le Hezbollah y adhère, d’autant plus que la popularité chrétienne de son allié « patriotique » n’est pas à son meilleur. Mais ce parti divin peut au moins compter sur la dévotion inconditionnelle de son allié chrétien qui mettra à ses pieds toute la corbeille de fruits électoraux recueillis (même s’il en manquera), et ce grâce à l’imbrication organique des deux partis, ce qui ne peut valoir pour le courant du Futur qui ne bénéficie pas de cette allégeance aveugle des partis chrétiens du 14 Mars, lesquels se distinguent par leurs différentes « personnalités » relativement indépendantes.
Si l’on comprend moins la position favorable du « Générâl » à l’égard d’une loi qui ne lui permettra pas de refaire le plein de voix chiites à l’origine d’une bonne partie de son bloc, on comprendra, par contre, l’attitude du leader druze à l’égard de cette loi, habitué, lui aussi, à des figurants chrétiens au sein de son bloc et qui voit dans cette loi une perte de voix traditionnellement inféodées.
La loi orthodoxe, indépendamment des antécédents politiques de son « parrain », en dépit de son appellation confessionnelle, de ses éventuels effets pervers et ses défauts de mécanisme, demeure celle qui nettoiera le paysage politique parlementaire de ces « députés de service », ces représentants illégitimes de leur communauté, usurpateurs de sièges initialement dévolus à des chrétiens plus ou moins indépendants, affiliés à leur seul parti ou seule conviction, et non à un superparti ou superbloc qui les a délivrés comme des bâtards à la suite de leur progéniture racée et honorable.
Mais que l’on se rassure : sous prétexte que le député en est un pour toute la nation, même s’il est communément désigné comme étant député du Batroun ou du Kesrouan, sous prétexte de préserver la parité chrétiens-musulmans et de combattre le caractère confessionnel de cette loi, même si les sièges électoraux sont confessionnellement étiquetés, tout sera mis en œuvre (et l’est déjà), y compris par les parties et partis apparemment favorables, pour maintenir la « dhimmitude » place de l’Étoile, c’est-à- dire des parlementaires chrétiens de seconde zone, destinés à parler et se taire par la voix patronale qui a daigné les faire élire.
Il est vrai que la loi électorale dite orthodoxe, dont le mécanisme repose sur une configuration strictement confessionnelle, chaque communauté élisant ses propres députés, n’est pas l’idéal auquel aspire un citoyen du monde civilisé, démocratique, libéral et laïque, délivré du communautarisme, voire du sectarisme, du cloisonnement idéologique et culturel. Mais il...

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