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Nos Lecteurs ont la Parole

I - La neutralité, seule garantie de la souveraineté et de la stabilité du Liban

Par Salim F. DAHDAH
Les malentendus conscients ou inconscients dans les rapports humains sont souvent source de dérives graves et même irréparables. Le canular de deux journalistes sur une chaîne australienne a entraîné récemment la mort d’une infirmière en Grande-Bretagne, détruit des vies professionnelles et occasionné une série de drames individuels.
Qu’en serait-il si pareils avatars venaient à se développer au sein d’une nation et amener un peuple tout entier à vivre des années durant dans des espaces minés par des mensonges déguisés, des vérités occultées, une instabilité chronique et un avenir incertain ?
Le Liban, qui est l’illustration la plus éclatante de ce phénomène sociopolitique, est un pays à la fois très attractif par son libéralisme et sa modernité, mais aussi très conventionnel par sa consensualité et son traditionalisme. Ces deux facettes d’un même visage en ont fait, depuis son indépendance, sa richesse et sa vulnérabilité, sa souplesse et sa rigidité, sa porosité et son étanchéité. Conscients de cette situation, les différents décideurs régionaux et internationaux en ont régulièrement profité et l’ont souvent utilisé comme plateforme pour composer leurs menus, préparer leurs ingrédients et lancer leurs actions pour réaliser leurs objectifs stratégiques.
Depuis 1943 et plus spécialement après 1948, le pays du Cèdre a toujours vécu tiraillé entre deux alternatives politiques : celle portée et défendue par une sigha constitutionnelle, spécifique, idéaliste et difficile à gérer, et celle imposée par des forces extérieures cherchant en priorité à asseoir leurs propres intérêts, avec le soutien d’alliés sur la scène interne. Les responsables politiques ont donc, depuis l’indépendance, été confrontés en permanence à des contradictions structurelles et des blocages stratégiques dans la gestion des affaires de la nation. Cet état de fait qui se perpétue à ce jour, avec tous les complications et dysfonctionnements y afférents, est devenu malheureusement la règle du jeu naturelle, alors qu’il devrait représenter l’exception comme c’est le cas dans toutes les démocraties dignes de ce nom. Nous n’en voulons pour preuves que le déroulement des différentes étapes qui ont jalonné et accompagné la démarche historique et politique contemporaine de notre entité nationale. Déjà présente à l’époque de l’Empire ottoman, cette dualité apparaît en effet plus clairement et de façon plus systématique depuis que le Liban a décidé d’assumer tout seul ses destinées, il y a presque soixante-dix ans. Son parcours depuis est semé, sur ses deux fronts externes et internes, d’embûches, de chantages divers et de divisions. En effet :
– Entre 1943 et 1947, il y eut les disputes entre les pro-Français et les pro-Anglais, et les premiers tiraillements entre nationalistes libanais et nationalistes arabes.
– Après la création en 1948 d’Israël, les attaques contre l’impérialisme occidental et le nouvel État se sont multipliées. Le fossé idéologique entre le nationalisme libanais et les différents nationalismes arabes se creuse et se transforme progressivement en frictions sur le front interne. Alimenté et encouragé par le raz de marée nassérien dans le monde arabe, il aura pour conséquence la guerre civile de 1958. Une période d’accalmie imposée par un consensus international et régional suivra et assurera une transition de sept ans, durant laquelle le peuple libanais reprendra espoir et se mobilisera, toutes confessions confondues, autour du chantier entrepris par le régime du général Fouad Chéhab pour la reconstruction d’un État de droit et des institutions, spécialement conçu pour soutenir une vision nationale et des objectifs économiques et structurels audacieux et très modernes.
– La guerre de juin 1967 est venue à nouveau bouleverser toutes les donnes. Elle fut suivie quelques années après par l’apparition dans les camps des réfugiés palestiniens au Liban de la Résistance palestinienne. Les premières frictions entre Libanais et Palestiniens sur le territoire national n’ont pas tardé à faire leur apparition. Ces opérations se sont développées et se sont transformées assez rapidement en accrochages armés entre nationalistes libanais et résistants palestiniens au Liban (ces derniers furent soutenus à l’époque par des nationalistes arabes venant d’autres États de la région et par des factions libanaises engagées auprès de la cause palestinienne).
– Entre 1975 et 2005, plusieurs événements se succèdent :
La guerre libanaise a lieu, elle réalise une partie des objectifs stratégiques régionaux, entraîne parallèlement son lot de distorsions et de bouleversements divers au sein du tissu sociopolitique libanais, et confirme des divisions de plus en plus profondes entre les partenaires politiques.
La Syrie intervient militairement au Liban, pour y écraser l’infrastructure militaire palestinienne et l’obliger à se retirer dans les territoires occupés, à la portée du fusil israélien. Toutes les missions qu’elle accomplira par la suite confirmeront son alliance objective, constante et indéfectible avec Israël qui le lui rendra d’ailleurs très bien, en volant à son secours chaque fois que son régime traversera des épreuves difficiles et des crises graves, comme c’est d’ailleurs le cas aujourd’hui encore, au moment où le régime livre sa bataille de survie.
Le parti de Dieu, aile politique et militaire de la wilayet al-faqih, voit le jour officiellement en 1982 et se dote, grâce à cette appartenance, d’une infrastructure complète. Allié objectif lui aussi d’Israël du fait de ses options au Liban, historiquement antipalestiniennes, il devient en conséquence aussi celui de la Syrie. Ce positionnement fera de lui l’interlocuteur le plus fort militairement et politiquement à l’intérieur, et une antenne agissante régionale pour le compte de sa hiérarchie en Iran (ses interventions en Égypte, à Bahreïn, en Israël et récemment en Syrie en sont une illustration indiscutable).
L’axe stratégique syro-iranien est constitué. Dans cette équation à quatre paramètres, l’Iran, autre allié objectif d’Israël, aura plusieurs rôles dans la région, dont celui de renforcer la présence chiite dans le monde arabe, d’y rééquilibrer les forces entre sunnites et chiites, et enfin d’armer et de soutenir le régime alaouite dans ses combats intérieurs et extérieurs contre tous ses opposants, et faciliter, le moment venu, l’établissement d’un nouveau panorama géopolitique régional en gestation depuis quelque temps.
– En 1990, l’accord de Taëf mettra fin à la guerre du Liban et un nouveau consensus international et régional y établira une tutelle syrienne. Celle-ci entreprendra, par l’intermédiaire de ses alliés libanais, le sabotage et l’érosion de l’autorité de l’État et de ses institutions, elle préparera et balisera le terrain en attendant la recomposition d’un panorama susmentionné. Elle entreprendra l’affaiblissement systématique des chrétiens libanais en leur ôtant de façon sournoise et insidieuse la place politique qu’ils occupaient naguère sur l’échiquier national, ce qui militera le moment venu en faveur de leur déplacement, comme tous les chrétiens d’Orient, vers des pays d’Europe (cf. les déclarations de Kissinger au début de la guerre du Liban et, plus récemment, celles de Valery Alexiev, le président de l’Institut international pour l’unité des peuples orthodoxes).
(À suivre)
Les malentendus conscients ou inconscients dans les rapports humains sont souvent source de dérives graves et même irréparables. Le canular de deux journalistes sur une chaîne australienne a entraîné récemment la mort d’une infirmière en Grande-Bretagne, détruit des vies professionnelles et occasionné une série de drames individuels.Qu’en serait-il si pareils avatars...

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