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À La Une - L’éditorial de Issa GORAIEB

La faim des ambassades

Fêté, adulé, choyé par la bonne société qui le bombarde littéralement de cartons d’invitation à dîner, pourchassé par les reporters lors de chacune de ses apparitions, l’ambassadeur étranger est roi dans notre bon vieux Liban. Et pourquoi pas, si tant d’aimable et exubérante sollicitude ne fait que perpétuer une longue tradition d’hospitalité et d’ouverture sur l’extérieur.

Le problème cependant, c’est qu’il arrive à plus d’un ambassadeur de se prendre effectivement pour un roi. Ou un vice-roi ; à tout le moins pour un haut-commissaire évoluant en terrain conquis. Pourtant accrédités auprès d’un pays se tenant officiellement à l’écart de la crise syrienne, les représentants de Russie, de Chine, d’Iran et de Syrie tiennent ouvertement conseil pour proclamer, à partir de Beyrouth même, leur indéfectible soutien au régime de Bachar el-Assad. Non content de s’ingérer quotidiennement dans les affaires du pays, voici que l’ambassadeur de Syrie s’autorisait, il y a quelques jours, à contester, au moyen d’une note officielle, la manière dont sont organisés les secours libanais aux réfugiés syriens, accusant le ministère des Affaires sociales de favoriser les groupes islamistes. Dans une déclaration publique cette fois, le diplomate revenait à la charge hier pour brandir, sans avoir l’air d’y toucher, la menace d’un débordement au Liban des troubles de Syrie.

Que face à l’outrancière démarche, le Premier ministre n’ait pas pipé mot ne surprend plus guère. Tristement prévisible, lui aussi, était le comportement du ministre des AE qui s’est borné à jouer les boîtes aux lettres et à transmettre au ministre visé la plainte de Damas. Remarquable de dignité, en revanche, aura été la réaction de ce dernier. Et plus remarquable encore a été celle du président de la République qui a rappelé à ses responsabilités un pensionnaire du palais Bustros aussi effroyablement étranger aux affaires, de même qu’il a invité les ambassadeurs de tous pays à se conformer aux règles diplomatiques en vigueur.

Réconfortante est cette dignité étatique retrouvée (pas à tous les niveaux du pouvoir, hélas) au terme de 2012, annus horribilis marquée par un regain de terrorisme et autres violences faites au Liban, notamment à la frontière avec le remuant voisin syrien. Ce n’est pas là le seul signe de convalescence, au seuil d’une année nouvelle qui nous réserve une belle brochette d’échéances politiques, institutionnelles et économico-financières. Autre heureux augure en effet que cette véritable pantalonnade que fut, il y a quelques jours, l’évacuation en catastrophe de l’hôpital beyrouthin où il venait d’être opéré du ministre syrien de l’Intérieur. Patron des moukhabarate pour la région de Tripoli sous l’occupation, celui-ci est poursuivi pour divers sévices par des citoyens de cette ville. Apparemment confiant dans la frilosité de la justice locale, c’est quand même au Liban qu’il avait tenu à se faire soigner après avoir réchappé de peu à un attentat à la bombe à Damas.

Mais c’était trop forcer la chance, puisque le séjour de ce personnage n’est pas passé inaperçu pour Interpol qui le recherche pour crimes contre les rebelles de Syrie. Cela dit, le parquet libanais se serait-il réellement hasardé à répondre à la requête de la police internationale en ordonnant l’arrestation du tortionnaire ? On peut malheureusement en douter, mais la question n’est pas là : ce qui est important, ce qui était inimaginable hier encore, c’est que le ministre lui-même a jugé plus prudent de regagner Damas en vitesse, avec ses pansements et tubes de perfusion.

Des deux côtés de la frontière, il y a décidément du changement. Dans le bon sens, pour peu que 2013 y mette du sien.

Issa GORAIEB
igor@lorient-lejour.com.lb

Fêté, adulé, choyé par la bonne société qui le bombarde littéralement de cartons d’invitation à dîner, pourchassé par les reporters lors de chacune de ses apparitions, l’ambassadeur étranger est roi dans notre bon vieux Liban. Et pourquoi pas, si tant d’aimable et exubérante sollicitude ne fait que perpétuer une longue tradition d’hospitalité et d’ouverture sur...
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