Ce fut ainsi le cas en Tunisie, en Égypte, en Libye et le sera bientôt en Syrie, et peut-être dans d’autres pays. Le Qatar a de son côté pris en charge l’intégration du Hamas dans le plan, puisqu’en définitive il s’agit d’une autre face des Frères musulmans. Le dossier du conflit israélo-palestinien constitue d’ailleurs un casse-tête pour les Occidentaux et les administrations américaines successives s’y sont en vain attaquées avant de renoncer. C’est donc la première fois qu’une possibilité de solution apparaît avec le processus de dissociation du Hamas de l’axe dit du refus ou de la résistance, concrétisée par la fermeture des bureaux à Damas et l’installation de Khaled Mechaal, le chef du bureau politique du mouvement en exil, à Doha. Mais il fallait encore amener le Hamas de Gaza à accepter cette nouvelle tendance. L’émir du Qatar est venu personnellement sur les lieux dans une visite historique, promettant un milliard de dollars par an aux habitants de la bande. Ensuite, Ahmad Jaabari, qui était en quelque sorte le « Imad Moghnié » du mouvement et le chef de file de l’aile dure, a été assassiné, et le compromis trouvé via l’Égypte a permis au Hamas de prendre indirectement la voie des négociations tout en conservant sa légitimité populaire de mouvement de résistance, sans avoir l’air de reculer ou de faire des concessions. La visite autorisée par les Israéliens (qui ont par contre refusé de permettre au leader du Jihad islamique à se rendre à Gaza) de Khaled Mechaal à Gaza est la concrétisation de la nouvelle donne. Car, au-delà des phrases lyriques, le message délivré par Mechaal aux Palestiniens de Gaza est clair : Nous avons des relations avec l’Iran et l’axe de la résistance, mais il est temps d’en nouer avec la Turquie, le Qatar et l’Égypte. En même temps, la décision de l’ONU d’accepter la Palestine comme État observateur permet au Hamas d’entrer dans la négociation en position de force. Le plan de l’administration américaine qui s’inscrit dans une logique de compromis régional est clair : elle affaiblit le Premier ministre israélien à la veille des élections anticipées et le pousse à être plus conciliant, tout en préparant le terrain à de nouvelles négociations avec le Hamas cette fois, devenu soudain plus fréquentable. En même temps, les spécialistes reconnaissent que la reconnaissance de la Palestine comme État observateur aux Nations unies n’a pas de véritable portée concrète, et les inquiétudes exprimées par Israël à ce sujet sont sans fondement.
C’est dans cet esprit qu’une délégation du 14 Mars s’est rendue à Gaza pour exprimer sa solidarité avec les Palestiniens et s’est fait photographier aux côtés du Premier ministre Ismaïl Haniyé. L’administration américaine estimerait ainsi, selon des analystes du 14 Mars, que les vieux régimes sclérosés ne sont plus en mesure d’assurer ses intérêts dans la région et qu’il faut donc ouvrir la voie du pouvoir aux mouvements islamistes. D’autant que si les régimes arabes s’islamisent, cela permet à Israël de réaliser son objectif d’être un État juif. Le plan américain est donc en train d’être exécuté à la lettre et le 14 Mars considère qu’il en fait partie, ayant pris à temps le train des révoltes arabes en appuyant ouvertement l’opposition en Syrie. En même temps, la visite de sa délégation à Gaza est à la fois une preuve et un message sur sa participation active à ce plan qui annonce une nouvelle ère pour la région.
Lorsqu’on demande à ces analystes où est la place des chrétiens dans ce plan, ils répondent que la visite du député membre des Forces libanaises Antoine Zahra à Gaza et l’attention particulière dont il a fait l’objet de la part d’Ismaïl Haniyé sont la preuve que les chrétiens du 14 Mars sont des partenaires à part entière. Les analystes précités balaient avec un certain ennui les inquiétudes des chrétiens de la région sur les pressions dont ils font l’objet en Syrie, après avoir été contraints à l’exode en Irak et en Palestine, précisant que ces pressions sont exercées sur toutes les factions de la population qui appuient le régime syrien, et en Égypte, les coptes sont partie intégrante du nouveau pouvoir. Le 14 Mars ne prend pas non plus en considération le fait qu’en rompant les liens entre les Palestiniens et l’Iran, la tension confessionnelle entre sunnites et chiites va se renforcer, les Palestiniens étant le lien entre les deux communautés. Il ne voit dans ces développements que le renforcement du camp sunnite qui, selon lui, va forcément rejaillir sur le rapport de force au Liban. D’ailleurs, à Tripoli, les groupes islamistes ont désormais clairement pignon sur rue et semblent désormais plus influents que le courant du Futur. Ces groupes islamistes clament à qui veut les entendre que leur appui aux groupes de l’opposition syrienne va pousser ceux-ci à les aider à leur tour contre le Hezbollah une fois qu’ils auront pris le pouvoir en Syrie.
La logique paraît imparable. Mais il est rare que les événements évoluent comme le prédisent les analystes. Déjà, les couacs apparaissent en Égypte d’abord, mais en Syrie et à Gaza aussi...
commentaires (8)
Une analyse très minutieuse que nous fait Scarlett, sa conclusion est imparable, dans la logique que les 14 mars se jettent inéxorablement dans la gueule du loup en y incluant Geagix de la potion magix, elle nous rapelle que les "autres" ne dorment pas , et que ayant toujours eu 1 ou 2 coups d'avance, les espoirs seront loin de ce que les attentes vont être. Hier sur guysen tv, la Almanar des sionistes, un expert israélien était entrain d'expliquer que le parti al nosra était d'obédience irano/hezbo/hamas. Devant l'incrédulité du présentateur, il expliquait que si les us les ont placé en liste noire du terrorrisme, c'était bien à cause de ça. Comme salade russe on ne pourra pas mieux nous servir.
Jaber Kamel
07 h 25, le 13 décembre 2012