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À La Une - La femme de la semaine

Avec sa version des "Monologues du vagin", Maha Sano brise les tabous au Maroc

Pour la première fois dans la société conservatrice marocaine, un spectacle aborde l’intimité de la femme à travers le vagin.

Intitulée "Dyali" (à moi) et rédigée en dialecte marocain (darija), la pièce de Maha Sano est librement inspirée des "Monologues du Vagin" (1996). AFP /FADEL SENNA

"Mon vagin, je l'emmène partout (...), et même à la mosquée" : Avec ce genre de tirade, la Marocaine Maha Sano, auteur de "Dyali"(à moi), une pièce inspirée des célèbres "Monologues du vagin" (1996), met les pieds dans le plat.

 

Dans sa pièce rédigée en dialecte marocain (darija), Maha Sano aborde le sujet sensible voire tabou de la liberté sexuelle au Maroc, et lance un défi à la société marocaine très conservatrice.

Audacieuse et déterminée, la jeune femme assure que son œuvre, inspirée de la pièce féministe de l'Américaine Eve Ensler qui a connu un immense succès partout dans le monde, met en exergue les différents points de vue de la société marocaine à l'égard de la femme.

 

"C'est un texte 100% marocain qui évoque les contradictions de la société marocaine, ses fantasmes et ses violences vis-à-vis de tout ce qui renvoie à l'intimité de la femme, à travers son vagin", explique l'auteure de la pièce jouée à Rabat par la troupe "Aquarium".

 
Selon Maha Sano  le manque d'éducation sexuelle et la prédominance des tabous renforcent les préjugés et stéréotypes autour du vagin, "tantôt désiré, tantôt repoussé".

Sa pièce y fait largement allusion : "+Ne l'approche pas, ne le regarde pas, ne le touche pas+, me disait ma mère". "A les écouter, on a l'impression que notre vagin est notre malheur. Qu'il faut l'enfermer. Je dois l'enfermer et ne l'ouvrir que le jour du mariage".

"Même le jour du mariage, je n'ai pas osé enlever ma culotte. Mon mari m'a dit +Hé, on est mariés là, c'est bon. Qu'est-ce que tu as? Il faut qu'on fasse les enfants+", s'exclame une des comédiennes, devant un public ébahi.

Le spectacle n'a été joué jusqu'à présent que de manière discrète à Rabat : deux représentations, en juin et fin novembre. Mais le courage de l'auteure attire un grand public curieux.

 

Tout au long de la seconde interprétation, dans la petite salle archi-comble du centre culturel français de la capitale marocaine, flotte un parfum de transgression.

"Mon vagin, je l'emmène partout avec moi : dans ma chambre, au hammam, au marché, partout partout, et même à la mosquée", lancent en chœur les trois jeunes comédiennes marocaines. "Je serre mes jambes, je les serre parce que personne ne doit le voir. Personne ne doit se dire qu'il est niché là, entre mes jambes. Serre tes jambes!", ordonne aussi une des actrices, sous les applaudissements nourris.

 

C'est la première fois au Maroc, où les relations hors mariage restent passibles de prison, qu'une femme présente un spectacle qui aborde de manière crue l'intimité de la femme à travers le vagin. Et l'œuvre ne fait pas l’unanimité.

 

"Il y a un terrorisme intellectuel exercé contre les islamistes pour les empêcher de communiquer leurs points de vue quant à l'art et la création", écrivait ainsi Attajdid, l'organe de presse du Parti justice et développement (PJD, islamiste), dont le leader est le chef du gouvernement Abdelilah Benkirane. Les courants laïcs "utilisent la provocation et la permissivité (...) afin de porter atteinte aux mouvements islamistes", pouvait-on aussi lire dans ce journal.


Réalisée par Naïma Zitan, le spectacle de Maha Sano aborde aussi le thème de la violence à l'égard des femmes, dans un pays où six millions de Marocaines en sont victimes, dont plus de la moitié dans le cadre conjugal, selon le gouvernement. En mars dernier, le suicide d'une adolescente contrainte d'épouser l'homme qui l'avait violée, avait suscité l'émoi dans le royaume.

La liberté sexuelle est l'objet de débats récurrents entre partisans d'une dépénalisation des relations intimes entre deux adultes en dehors du mariage, et défenseurs des règles religieuses qui dénoncent de tels actes.

Les défenseurs de la liberté sexuelle appellent ouvertement à l'abrogation de l'article 490 du code pénal marocain, qui prévoit une peine d'un mois à un an de prison ferme pour toute relation hors mariage.

Dans les faits, cet article est quotidiennement transgressé, les relations sexuelles en dehors du mariage étant discrètes mais largement tolérées.

 

"Mon vagin, je l'emmène partout (...), et même à la mosquée" : Avec ce genre de tirade, la Marocaine Maha Sano, auteur de "Dyali"(à moi), une pièce inspirée des célèbres "Monologues du vagin" (1996), met les pieds dans le plat.
 
Dans sa pièce rédigée en dialecte marocain (darija), Maha Sano aborde le sujet sensible voire tabou de la liberté sexuelle au Maroc, et lance un défi...
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