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À La Une - Liban

Face aux demandes insistantes des FSI, Sehnaoui crée le buzz sur Internet

Le ministre libanais des Télécommunications accuse les services de sécurité de vouloir porter atteinte à la vie privée des citoyens.

Le ministre Nicolas Sehnaoui branché sur Twitter. Une photo tirée de sa page Facebook

Le dossier des données téléphoniques a refait surface hier après une nouvelle requête des Forces de sécurité intérieure. Pour mémoire, le sujet avait été clos après l’assassinat du chef du service des renseignements des FSI, Wissam el-Hassan, le Conseil des ministres ayant enfin consenti à livrer la « all data », une requête refusée jusque-là par le ministre des Télécoms, Nicolas Sehnaoui.

 

Aujourd’hui, la polémique reprend puisque les services de sécurité ont demandé à avoir accès aux messages courts (SMS) échangés sur tout le territoire libanais sur une période remontant à deux mois avant l’assassinat, le 19 octobre 2012, de Wissam el-Hassan, et l’accès aux mots de passe de plusieurs comptes Facebook et Internet. Il semblerait que la « all data » qui permet de retracer le mouvement des échanges téléphoniques n’ait pas suffi aux FSI, qui ont formulé une nouvelle requête considérée « osée », vu la polémique intense suscitée par leur ancienne demande.


Le ministre des Télécoms a lancé lundi soir un appel sur sa page Facebook invitant les internautes à se mobiliser contre la requête des FSI, qu’il a affirmé avoir refusée. « Notre vie privée sur Internet est en danger », a déclaré M. Sehnaoui. « La demande des services de sécurité est inacceptable, illogique et injustifiée, a-t-il ajouté. Nous ne pouvons pas résoudre un crime en commettant un autre crime. J’ai donc besoin de vous, internautes et activistes libanais, pour faire pression sur les membres du gouvernement afin d’empêcher cette atteinte à notre vie privée. » Quelques heures après sa publication, le message du ministre a été partagé plus de 1 500 fois sur Facebook. Même succès sur Twitter, où de nombreux internautes libanais et parmi eux des partisans du 14 Mars ont dénoncé la demande des services de sécurité, utilisant le hashtag (mot-clé) : #ProtectPrivacy (ou « Protégez ma vie privée » ).

 



Nicolas Sehnaoui
Contacté par L’Orient-Le Jour, Nicolas Sehnaoui a affirmé que « les FSI ont demandé qu’on leur fournisse le contenu des SMS de tous les Libanais sur une période de deux mois, ainsi que les mots de passe des comptes Facebook et Twitter et des adresses mail de toutes les personnes présentes sur le territoire libanais, ainsi que le contenu de leurs e-mails, la “data call” ou “data session” qui comprend les conversations des applications comme Whatsapp, le contenu des conversations BBM et des conversations sur Skype ». Concernant l’autorité du ministre et sa capacité à fournir des mots de passe du site Facebook régi par des lois internationales, M. Sehnaoui a répondu : « Je ne sais pas. Je m’en fiche. Que je puisse le faire ou pas, je ne donnerai pas ces informations par principe. Une telle manœuvre constituerait une suspension de la démocratie et des libertés au Liban. Il n’y a qu’un pays qui prend de telles mesures aujourd’hui après la chute du régime Kadhafi en Libye, c’est la Syrie. »


Le général Michel Aoun, chef du bloc du Changement et de la Réforme, avait précisé hier qu’une étude avait été menée auprès d’experts français qui avaient précisé que « la livraison des données téléphoniques est contraire à la loi et qu’un tel acte est susceptible d’être sanctionné par une peine de prison ». Une affirmation reprise par le ministre Sehnaoui, qui a qualifié la nouvelle requête des FSI de « pure folie ». « Je suis confiant que le Conseil des ministres partagera mon point de vue, et les Libanais aussi. Face aux crimes, les citoyens étaient en état de coma et ne comprenaient pas ce qui se passait. Aujourd’hui, les FSI les touchent au plus profond de leur intimité, elles sont allées trop loin, et les gens ne le leur permettront pas, ni la loi », a-t-il ajouté. En effet, la commission judiciaire ad hoc a refusé de donner son feu vert aux dernières demandes des services de sécurité, une source proche de cette commission soulignant que ces demandes violaient clairement la Constitution. Le service de sécurité a décidé en réponse de présenter une nouvelle demande concernant uniquement deux mohafazats, dont le Mont-Liban.


« Je n’ai jamais refusé une requête aux FSI quand il s’agissait de cas individuels, comme l’énonce la loi 140, a conclu M. Sehnaoui, mais de là à livrer les informations de 4 millions de Libanais et de permettre à un appareil sécuritaire de contrôler le pays, cela n’est pas possible. Même s’ils affirment qu’ils n’utiliseront ces données que pour des fins sécuritaires, je ne leur fais pas confiance. » Le ministre des Télécoms avait soumis un mémorandum au Conseil des ministres il y a quelques mois pour protester contre le projet qui avait été proposé d’amender la loi 140 stipulant la confidentialité des échanges téléphoniques. Il a donné sa parole sur Twitter, hier dans la soirée, qu’ « il portera tous les messages des internautes qui l’ont soutenu au Conseil des ministres mercredi prochain ».

Le bloc du Futur
N’ayant pas pu joindre le directeur des FSI, le général Achraf Rifi, nous avons contacté le député Ghazi Youssef (bloc du Futur), qui n’a pas démenti la requête des FSI. « Les FSI ont des informations et savent que les criminels qui ont participé à l’attentat contre Wissam el-Hassan ont utilisé les messages téléphoniques plutôt que les appels, et qu’ils ont utilisé tous genres de technologies dans leur complot, notamment Facebook. D’où la demande d’accès aux mots de passe des Libanais », a-t-il dit. Le député Youssef a estimé que ces derniers « doivent sacrifier un peu de leur vie privée au profit de leur sécurité », considérant que « les FSI n’utiliseront pas les données livrées à des fins personnelles, et qu’elles n’auraient pas formulé une telle requête si elle n’était pas nécessaire ». En réponse à la décision de la commission judiciaire, favorable aux positions du ministre Sehnaoui, le député Youssef a affirmé que « le Conseil des ministres aura le dernier mot dans cette affaire et qu’il faut qu’il accepte la demande des FSI avant qu’il ne soit trop tard ». « Devrons-nous attendre un autre attentat pour livrer les données téléphoniques demandées ? » s’est interrogé M. Youssef, ajoutant sur un ton ironique : « Le Conseil des ministres livrera sûrement ces données, quand ils auront fini de commettre un autre attentat. »


Au terme de sa réunion hebdomadaire, le bloc parlementaire du Futur a dénoncé hier dans son communiqué « les positions de certains responsables et ministres vis-à-vis de la requête des FSI », considérant que « la liberté individuelle des citoyens dans le cadre de la loi est sacrée, mais qu’il faut coopérer avec les services de sécurité pour arrêter les criminels et protéger les citoyens ». « La requête des FSI est relative à deux mohafazats précis, et le ministre des Télécoms accomplit jusqu’au bout sa mission de protéger les criminels », a affirmé le communiqué, rappelant que « le ministre de l’Intérieur Marwan Charbel a lui aussi soutenu que “ les criminels utilisent les SMS pour communiquer entre eux ” ».

 

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