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À La Une - Reportage

Une première au Qatar : une marche climatique, pacifique et sans débordements

En marge du sommet sur le changement climatique qui se tient à Doha, des centaines de jeunes de toutes nationalités ont défilé sur la corniche maritime de la ville.

Des activistes manifestant en plein Doha. Karim Jaafar/

Samedi matin, à huit heures précises, s’est déroulé un spectacle auquel la capitale de ce petit pays pétrolier n’est à l'évidence pas habituée : la première marche autorisée dans le pays, placée sous le signe de revendications liées à la lutte contre le changement climatique. « Nous voulons la justice climatique », scandaient des centaines de participants de tous pays et de multiples organisations. « Assez de paroles, nous exigeons de l’action », criaient-ils.

La marche, la première initiative du genre autorisée dans le pays, a été organisée par une ONG locale, Doha Oasis, en collaboration avec le Mouvement de la jeunesse arabe pour le climat. « C’est la première grande marche de ce type dans les pays du Golfe, s’enthousiasme Reem, une jeune militante du Bahreïn. Bien sûr, ces marches sont traditionnellement organisées dans les sommets de changement climatique, mais la jeunesse arabe en était notoirement absente. »

 

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De fait, si certains slogans étaient plus généraux (« De l’eau pour tous », par exemple), beaucoup étaient spécifiquement adressés aux pays arabes. « Pays arabes, unissez-vous, il est temps de prendre les devants », lisait-on sur une grande bannière. « Nos revendications à l'adresse des pays arabes, c’est de s’engager à réduire leurs émissions, poursuit Reem. Nous nous adressons particulièrement au Qatar parce que c’est le pays hôte de ce sommet, parce qu’il en assume la présidence et parce que c’est le pays qui détient le record mondial d’émissions de gaz à effet de serre par habitant. »

Ali Fakhry, membre du Mouvement de la jeunesse arabe pour le climat et de l’association libanaise IndyAct, renchérit : « Le Qatar a une influence certaine parmi les pays arabes, dit-il. S’il décide de s’engager pour une réduction des émissions dans le cadre de ce sommet, cela aura sans nul doute un effet domino sur le reste des pays. »

 

"De l'énergie renouvelable pour tous", "De l'eau pour tous"... Karim Jaafar/AFP

 

Organisée par les ONG ?

Un certain flou a entouré, quelques heures avant le début de la marche, l’organisation de l’événement, en ce sens que certains ont cru y voir une récupération de la part du gouvernement qatari lui-même, pour améliorer son image. Cela était plus qu’évident lors des conférences de presse quotidiennes organisées par la délégation de ce pays, au cours desquelles les officiels ont eux-mêmes introduit les organisateurs de la marche aux journalistes. « Ce n’est pas du tout une initiative gouvernementale, elle vient bien des ONG, assure quand même Ali Fakhry. Si le gouvernement a donné son accord et soutient cette marche, c’est positif, mais il n’en est pas l’initiateur. »

C’est ce que déclare également Nour al-Thani, membre de Doha Oasis, l’ONG qatarie organisatrice. « Cette marche est celle des ONG, dit la jeune femme. Evidemment, le gouvernement n’est pas habitué à de telles activités. Il nous a demandé de confirmer que la marche n’échappera pas à tout contrôle, ce que nous avons fait lors d’une présentation d’une quinzaine de minutes. » Contrairement à ses confrères d’autres organisations arabes, elle assure ne pas exiger de son gouvernement des promesses ambitieuses de réduction des émissions. « Nous commençons tout juste à nous intéresser aux négociations climatiques, nous sommes en contact avec notre délégation et déciderons plus tard quelles seront nos revendications », affirme-t-elle.

 

Les « droits des travailleurs »

Comme en écho aux paroles de Nour, la marche est en effet restée très pacifique, sans débordements. Si elle était bien encadrée par la police, cela n’était pas directement visible. Les autorités avaient fermé une voie de la route côtière pour faciliter la marche, mais avaient imposé un horaire bien précis, tôt dans la matinée. L’ambiance était bon enfant dès le début, avec des militants se faisant photographier munis de leurs banderoles. Elle est progressivement devenue plus bohème, avec des chants de différentes parties du monde, des organisations diverses qui faisaient entendre leur voix, comme les végétaliens qui déclarent détenir la clé de la paix dans le monde par exemple…

Les problématiques pures et dures des négociations climatiques n’étaient pas absentes, notamment la « justice climatique » revendiquée haut et fort dans les hauts parleurs. A ce propos, Habtemarian Abate, de la « Africa Climate Justice Alliance », nous déclare qu’il a tenu à participer à cette marche pour dénoncer le point mort auquel sont parvenues les négociations. « Les décisions sont toutes retardées, notamment à propos du financement climatique, s’exclame-t-il. Les pays développés auraient dû débourser 30 milliards de dollars. Or jusque-là, c’est 0 dollar. »

Le seul slogan qui divergeait de la problématique environnementale était nettement plus controversé, dénonçant le mauvais traitement infligé aux travailleurs étrangers au Qatar. « Pas de coupe du monde sans droits des travailleurs », scandaient des dizaines de militants, en référence à la Coupe du monde de football que le Qatar devrait accueillir en 2022. Un militant brésilien appelé Francisco, rencontré sur place, a dénoncé « les mauvaises conditions dans lesquelles les travailleurs étrangers évoluent dans ce pays, qui enregistre l’un des records les plus mauvais en matière de droits de l’homme, d'où la nécessité de modifier ces conditions ».

 

 

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