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Pourquoi se marier quand on peut vivre ensemble ?

Les concubins partagent leur lit mais pas leurs biens

«À la différence des mariés, les concubins ne sont nullement tenus à une obligation réciproque de fidélité, d’assistance, de secours. La rupture est aussi libre que l’union», relève le juge Sami Aoun.

Les concubins peuvent-ils se prévaloir de leur cohabitation pour réclamer certains droits relatifs au mariage ? Que prévoit la loi libanaise ? Pour mieux comprendre la situation, nous avons effectué un tour d’horizon de la question avec le magistrat Sami Aoun, ancien président du département de la législation et des consultations au ministère de la Justice. « Vivre ensemble dans la continuité mais sans mariage : telle est la définition du concubinage. En droit civil libanais, le statut des concubins n’est ni défini ni réglementé. Le code pénal n’interdit pas expressément le concubinage, contrairement à l’adultère, considéré comme un acte préjudiciable à la société et par conséquent passible d’amendes ou d’emprisonnement », explique M. Aoun, avant d’ajouter : « L’union libre peut se présenter sous deux formes : un concubinage simple entre deux personnes célibataires ou un concubinage adultérin entre une personne célibataire et une autre mariée. »
« À la différence des mariés, poursuit le magistrat, les concubins ne sont nullement tenus à une obligation réciproque de fidélité, de secours, d’assistance ou d’aide financière. Chacun d’eux peut gérer son patrimoine à sa guise, se prévaloir à tout moment du principe de libre rupture et abandonner l’autre. La rupture est aussi libre que l’union.Tout concubin peut reprendre sa liberté sans en rendre compte à l’autre, ou presque. »
À la question de savoir si les concubins héritent l’un de l’autre, le juge Aoun précise : « Si le concubinage a l’apparence du mariage, il n’en produit pas pour autant les mêmes effets. Aucune vocation successorale n’est reconnue entre concubins, quel que soit le nombre des années passées ensemble. Il n’existe entre eux aucun lien juridique. Ainsi, en cas de décès du concubin et en l’absence de dispositions testamentaires de sa part au profit de l’autre (sous réserve de la quote réservataire), ce dernier ne peut pas hériter. Aussi est-il recommandé à un concubin d’organiser à l’avance les conséquences de son décès s’il tient à assurer l’avenir matériel de son partenaire. » Cependant, poursuit-il, « par un revirement de jurisprudence, les tribunaux estiment, en cas de mort accidentelle, qu’en raison de la rupture du lien immoral, le concubin survivant peut réclamer au tiers auteur responsable de l’accident mortel de son compagnon, une réparation du préjudice subit de sa perte ». « Reste à établir la preuve que la cohabitation présentait un caractère de stabilité et de continuité », relève M. Aoun. Et d’ajouter : « Dans le même sens, les libéralités en vue d’encourager et de perpétuer le concubinage sont considérées comme nulles. Seuls les legs destinés à dédommager ou à mettre fin à l’union libre sont validés, le but étant d’encourager la cessation des relations hors
mariage. »

Quid des enfants ?
Les enfants nés d’une relation libertine peuvent-ils prétendre à la succession de leurs parents ? Au Liban, contrairement au droit français, les enfants issus d’une relation hors mariage subissent les sanctions d’un « crime » qu’ils n’ont pas commis, avec les dispositions discriminatoires du droit commun ainsi que des lois
confessionnelles.
« Les enfants naturels sont dans une situation d’infériorité », rappelle le magistrat. « Pour les non-musulmans, l’enfant naturel, en l’absence de frères légitimes, hérite la moitié de la part qu’il aurait eue s’il était légitime. En présence de frères légitimes, il a droit au quart de la part qu’il aurait eue s’il était légitime. Il n’aura droit à la totalité de la succession qu’en l’absence de tout autre héritier. » « L’enfant adultérin, quant à lui, n’a aucun droit de succession vis-à-vis du parent lié au moment de sa conception par les liens du mariage. Dans les communautés musulmanes, les enfants naturels reconnus recueillent dans la succession de leur mère les mêmes droits que ceux d’un enfant légitime », note-t-il. Dans ce contexte, un changement significatif a été opéré à l’initiative du magistrat Aoun et par amendement des textes légaux relatifs au registre de l’état civil : « La mention illégitime, stigmate frappant les enfants naturels, a été radiée des cartes d’identité, inévitablement exhibées, mais pas du registre d’état civil . Ce dernier définit le statut personnel de l’enfant naturel vis-à-vis de l’enfant légitime. Quant à la nationalité, la loi libanaise sur la naturalisation réputée pour être sévère – puisque l’enfant né d’une mère libanaise n’acquiert pas automatiquement la nationalité – est particulièrement tolérante vis-à-vis de l’enfant illégitime. Le droit à la nationalité étant un droit étatique et non un droit relevant du statut personnel, il est accordé à l’enfant naturel du fait de sa naissance sur le territoire libanais. Par ailleurs, une mère célibataire peut reconnaître son enfant naturel et lui donner son nom, ainsi que la vocation successorale. » Et de conclure : « En France par contre, la loi est différente. En reconnaissant leurs enfants, les parents leur permettent de leur succéder normalement, en application du principe de l’égalité des biens. Les enfants légitimes et adultérins bénéficient dans la succession de leur père ou mère des mêmes droits. »
Force est de convenir qu’au Liban, le droit de la famille étant régi par les lois communautaires et relevant des tribunaux religieux, il est très difficile de procéder à des réformes dans ce domaine. Cependant, il est important d’instaurer un régime civil de statut personnel distinct des lois confessionnelles qui sera en mesure d’accorder une égalité de droits aux enfants qui n’ont pas choisi eux de naître naturels, encore moins adultérins ou incestueux.
Les concubins peuvent-ils se prévaloir de leur cohabitation pour réclamer certains droits relatifs au mariage ? Que prévoit la loi libanaise ? Pour mieux comprendre la situation, nous avons effectué un tour d’horizon de la question avec le magistrat Sami Aoun, ancien président du département de la législation et des consultations au ministère de la Justice. « Vivre ensemble dans la...