D’où l’avantage compétitif de la formation monolithique dont la coordination dans les prises de décision se réduit à une concertation entre les têtes de parti, deux têtes en l’occurrence... et UNE en dernière instance. Et d’où, à l’opposé, le désavantage du camp souverainiste dont la disparité libérale se traduit par un manque flagrant de coordination entre les pôles et les acteurs politiques influents, qui ne parviennent pas à se mettre sur la même longueur d’onde, parler un même langage, ce qui transforme la même maison en une tour de Babel où l’on ne s’entend et se comprend plus, et le même camp en un terrain de jeu où le « Je » personnel prime, à tous les niveaux, exerce sa dictature, chaque joueur voulant jouer selon son style et montrer qu’il est meilleur joueur, le mieux à même de marquer des buts, sans se soucier du passeur qu’il préfère doubler pour récolter à lui seul les mérites du gain de la partie... qui se solde par un échec cuisant.
Ce manque de coordination et cette précipitation à vouloir se doubler, ce manque de planification préalable à la partie, commandée par la nécessité d’unifier les styles et les tendances, de définir les stratégies et d’user des bonnes tactiques de manière consensuelle et coordonnée, de mettre en place les mécanismes unis et efficaces pour une action commune, ont largement contribué à faire rater le coche de la victoire aux forces du 14 Mars, à plusieurs étapes, dont la dernière en date fut l’attentat d’Achrafieh, qui les a fait crier « Assez », et dont les suites furent moins qu’assez.
Du manque de planification et de coordination pour la triste circonstance, on retiendra d’abord l’invitation spontanée à manifester sans avoir tâté le pouls de la base, l’appel intempestif à la chute du gouvernement sans avoir consulté les partenaires ainsi que les figures influentes, telles que le mufti qui s’y est opposé, et sans avoir analysé la conjoncture régionale et la position des chancelleries occidentales. Cela sans oublier également l’appel unilatéral à l’assaut d’un Sérail, émanant d’un Je et Jeu personnels, du haut d’une tribune enivrante, à la place des Martyrs.
Force est de constater que si la dictature et la culture du « Je suprapersonnel » confèrent au camp du 8 Mars un énorme avantage, le « Je personnel » y étant dissous, la dictature et la culture du « Je personnel » du 14 Mars, à tous les niveaux, du sommet à la base, n’a pu que lui jouer de mauvais tours, par un effet pervers d’émancipation du moi personnel et de l’esprit démocratique de libre-échange. Cette affirmation de l’individu a développé, dans un tel contexte émancipatoire, une dictature de l’ego personnel qui se manifeste non seulement aux échelons supérieurs, mais aux échelons inférieurs dans un esprit de rivalité afin de gravir les échelons. C’est ainsi que les bonnes idées émises par un militant ne seront pas valorisées, véhiculées et mises en pratique afin de ne pas faire valoir l’auteur de l’idée qui est perçu par un responsable comme une menace à sa position, ou par simple esprit de jalousie qui prévaut, hélas, dans toute entreprise humaine qui ne promeut pas l’esprit d’équipe, lequel est appelé, dans la terminologie militaire, esprit de corps.
Au vu des nombreux méfaits de ce Je/Jeu personnel dans le camp du 14 Mars, de son caractère foncièrement vicieux et préjudiciable à sa cause qui se trouve sacrifiée au « bûcher des vanités » et sur la tribune du « vouloir paraître », il devient urgent et primordial de développer une culture du « Nous » au sein de cette formation, qui ferait croître l’esprit de corps, encore chétif, l’esprit de solidarité et d’entraide, à commencer par la tenue d’un forum au cours duquel un « code d’éthique militante » serait élaboré dans le but d’être diffusé et implanté parmi les militants, sans oublier leurs chefs, et ce afin de faire primer l’intérêt de la cause sur l’intérêt personnel.
Il reviendra à l’organisation, par une gestion judicieuse des ressources humaines militantes, de savoir valoriser et récompenser les actions individuelles méritoires, non seulement sur la base de la performance, mais également du dévouement de l’un envers l’autre, envers le groupe ou la collectivité, partant envers le mouvement.
Ronald BARAKAT
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