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Quelque chose vient de changer

Sassine est le point culminant de la colline d’Achrafieh. Dans les années 60, cet ancien verger d’agrumes et de mûriers, gagné par l’urbanisation galopante, s’est rapidement couvert d’immeubles modestes mais coquets, de trois à six étages, destinés à accueillir de nouveaux citadins issus de la classe moyenne, attirés par le potentiel commercial et éducatif du quartier. Très vite, un esprit de famille s’est installé entre ces gens de même condition, partageant les mêmes joies et les mêmes soucis, faisant leur marché aux mêmes échoppes, se croisant au quotidien. La guerre n’a fait que renforcer ces liens. Les enfants partis, le bâtiment de la poste accueillait les familles qui venaient téléphoner à l’étranger. On partageait ensuite les nouvelles sur le trottoir qui borde les modestes boutiques de vêtements, tenues par des jeunes filles plus modestes encore. Non loin de là, les inoxydables librairies Farah et Freiha sont tout sauf des librairies. Bien qu’on y trouve des journaux et des magazines, leur cheval de bataille c’est la première communion, événement annuel qu’elles pourvoient en statuettes, images saintes et autres souvenirs. Elles font surtout leurs choux gras des petites annonces, ayant de longue date contracté des licences auprès des quotidiens locaux pour y placer naissances et nécrologies. La vie, la mort. Entre les deux, le cours poussif des jours pour une population qui vieillit, une classe laborieuse qui s’enfonce dans la pauvreté, un quartier que ses habitants n’ont plus les moyens de rafraîchir. Survint l’attentat.
Ce soir-là, place Sassine, les riverains balayaient, accablés, des débris et des débris de verre. Des jeunes des environs étaient venus aider. Ils vous tendaient une bougie, et sans réfléchir, les larmes aux yeux, vous alliez la poser avec les autres, en face du bâtiment de la poste. La nuit était d’une infinie tristesse. Des ombres se côtoyaient en silence. Nul n’avait d’oreille pour la voix opportuniste qui s’élevait déjà d’une tribune improvisée. Les gens qui étaient là pleuraient, se serraient les coudes, tentaient d’avoir des nouvelles des blessés, d’organiser l’assistance aux familles touchées par le drame. La politique, encore moins les élections de 2013, n’avait aucune place dans tout cela. Pire, le lendemain, aux funérailles de Wissam el-Hassan, dans une forêt de drapeaux hétéroclites, cette phrase répétée ad libitum par l’officiant : « Arrêtez de pleurer comme des femmes et brandissez vos sabres. » Les femmes vous disent bien des choses, cheikh, même si elles n’ont rien dit. D’abord qu’elles n’ont pas le monopole des larmes. Ensuite, qu’elles ne sont pas des sous-humains à donner en contre-exemple. Enfin, qu’il est bien plus sage de pleurer que de convertir la douleur en rage et de se lancer aveuglément à l’assaut du premier ennemi désigné. Depuis 2005, de tragédie en tragédie, ce pays semble avoir perdu ce qu’il lui restait de valeurs, et le peuple ses plus saines aspirations. Les événements des derniers jours l’ont douloureusement révélé. Le paysage est le même, mais où vivons-nous ?
Sassine est le point culminant de la colline d’Achrafieh. Dans les années 60, cet ancien verger d’agrumes et de mûriers, gagné par l’urbanisation galopante, s’est rapidement couvert d’immeubles modestes mais coquets, de trois à six étages, destinés à accueillir de nouveaux citadins issus de la classe moyenne, attirés par le potentiel commercial et éducatif du quartier. Très...
commentaires (4)

Bien vu Mme. Fifi, malgré votre colère. Mais, que faire ? C'est Lébnééén !

Antoine-Serge KARAMAOUN

09 h 46, le 25 octobre 2012

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Commentaires (4)

  • Bien vu Mme. Fifi, malgré votre colère. Mais, que faire ? C'est Lébnééén !

    Antoine-Serge KARAMAOUN

    09 h 46, le 25 octobre 2012

  • Du calme Madame Fifi Abou Dib. Je vous comprends très bien. Vous avez raison. Mais aussi : brandissez vos sabres, c'est une expression uniquement. Quand aux larmes des femmes, je l'avoue, j'ai vu des hommes verser plus de larmes que les femmes dans ma vie, et des femmes plus vigoureuses et fortes que bien d'hommes. La Logique et le Calme prévaudront pour le moment. Ce que nous réserve demain ? Un Dieu le sait si les Libanais continuent à n'être pas primordialement ( le mot n'existe pas, il sera compris ) Libanais, mais tous des suivistes...! Bonne journée.

    SAKR LEBNAN

    08 h 29, le 25 octobre 2012

  • Oublions le machisme idiot du cheikh. Il y a une cause première pour "la perte par le pays de ses valeurs". C'est la lâcheté des institutions concernées et responsables de ne pas désigner et punir les assassins. Il en résulte la perte de foi dans le "pays" et dans ses "valeurs". Si cette lâcheté prévaut cette fois encore, c'est l'explosion finale du "pays". Alors qu'on y prenne garde.

    Halim Abou Chacra

    05 h 20, le 25 octobre 2012

  • merci madame

    Helou Helou

    03 h 35, le 25 octobre 2012

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