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Nos Lecteurs ont la Parole

Au loup, au loup !

Par Georges TYAN
Il m’avait échappé qu’appartenant à une communauté déterminée, j’avais une certaine importance sur le marché électoral libanais. Non seulement je suis d’ores et déjà courtisé, mais on dirait que sur l’échiquier interne, le bulletin qu’hypothétiquement je glisserais dans l’urne fera pencher la balance d’un côté ou de l’autre.
Fort bien! Mon ego va sur le chemin de la démesure. Mais encore faut-il savoir sur quel pied je vais danser, à sept mois des élections législatives, les têtes pensantes de la république en étant toujours à discutailler sur le mode de scrutin qui sera retenu.
En fait de propositions, l’éventail est large. N’étant pas versé en la matière, j’éviterais d’entrer dans les détails, sauf qu’en observateur, je dirais que cela va du cocasse au larmoyant, en passant par celles qui ne tiennent pas la route, du fait de la configuration rocailleuse du chemin qu’elles empruntent. Le résultat étant le même pour toutes et à défaut d’en pleurer, il vaudrait mieux en rire.
La morale de l’histoire est qu’une loi électorale se prépare des années à l’avance; elle est peaufinée, revue et corrigée, cent fois remise sur le métier, mais prête à être appliquée au minimum un an à dix-huit mois avant l’échéance électorale, de façon à donner le temps aux candidats de l’assimiler et aux électeurs de se préparer à cette échéance cruciale pour leur avenir.
Nous voici à sept mois du scrutin et c’est toujours le vide le plus total. Sauf sur les plateaux de télévision et dans les colonnes des quotidiens, où tout quidam ayant rasé les murs d’une université ou lu au hasard un article du code civil se prend pour le grand législateur Maurice Duverger, se répandant en doctes paroles, échafaudant des lois plus tarabiscotées l’une que l’autre.
À mon humble avis, une loi est en premier lieu faite de bon sens. Le législateur se l’approprie ensuite pour en rédiger le texte, l’expliquer, élever les garde-fous et les barrières à ne pas transgresser, afin que son application se fonde dans le sens de son esprit, avec l’implication de tous afin de servir la communauté dans le sens le plus large du terme.
Toujours est-il que les projets présentés, sont cousus de fil blanc, tant et si bien que même un malvoyant se rend compte qu’ils sont élaborés en toute mauvaise foi, taillés à la mesure de certaines personnes, parties, ou partis, qui cherchent à mettre ou remettre la main sur le pays, de telle sorte que nous pouvons d’ores et déjà annoncer les noms des heureux élus.
C’est de bonne guerre, mais c’est également jouer avec le feu, quitte à se brûler, et les autres avec, sachant que le feu se propage à une vitesse insensée. Faute de moyens, il sera difficile d’éteindre ce brasier, car le dada qu’ont enfourché certains ne voient pas plus loin que le bout de leur nez, se précipitant sur un gâteau qui n’est encore qu’à l’état de pâte, s’y engluant allégrement.
N’ayons pas peur des mots. Procéder à un découpage électoral pour soi-disant assurer l’élection d’une représentativité chrétienne indépendamment de son périmètre géographique, abstraction faite des autres composantes du tissu national, ne rime à rien, sauf à exacerber les dissensions religieuses, radicaliser encore plus les mouvements extrémistes, de quelque bord qu’ils soient, et amener de l’eau au moulin de ceux qui de tout temps ont voué le Liban aux gémonies, justement du fait de cette convivialité entre les composantes de la mosaïque des communautés qui le forment.
Je m’étonne que ceux-là mêmes qui sont déjà montés, certains à plusieurs reprises, dans ces autobus pluricommunautaires – faute de quoi ils n’auraient foulé le parvis de l’Assemblée nationale qu’en rêve – veuillent s’établir à leur propre compte et mener leurs communautés à l’aventure, compte tenu du fait qu’il est notoire que les conducteurs de ces autobus ne sont pas maîtres de leur itinéraire, recevant leurs instructions par liaison
satellitaire.
Il aurait mieux valu que ces doctes personnages se penchent avec le même acharnement sur les problèmes quotidiens des électeurs, à commencer par la qualité de la vie qui s’étiole. Sécurité, justice, électricité... Il serait long d’énumérer les griefs d’une population à bout de souffle. Faute de présenter le bilan de leurs réalisations – il n’y en a pas –, ou une vision d’avenir –, personne n’y croira –, ils crient au loup.
Non, le loup ne sera pas au rendez-vous cette fois; même les couches populaires, principale cible de cet appel, ne seront plus dupes de ces manigances. Il existe toujours une population qui s’accroche à ce Liban, refusant d’aller grossir les rangs des candidats à l’émigration. Si tel était le cas, il n’en restera beaucoup pour élire la prochaine fois nos députés, à moins de s’inscrire sur les listes de la diaspora.
Le problème à mon sens ne réside nullement dans la représentativité chrétienne des élus au Parlement, mais dans la Loi fondamentale qui régit notre pays, d’un accord censé apporter la paix, devant donc être obligatoirement revu et amélioré par la suite... Au lieu de quoi, on en a fait une Constitution, que personne n’a voulu modifier, son application en l’état faisant alors l’affaire de beaucoup.
Il est vrai qu’on ne fait pas une omelette sans casser les œufs. Tout de même, il existe des limites à ne pas dépasser. Ne tentez pas le diable, messieurs: même si votre découpage électoral vous fera gagner une dizaine de sièges, ils n’auront aucune incidence sur notre vie politique interne. Ils risquent toutefois de mener le pays au bord du gouffre de la partition en radicalisant les groupuscules qui ne demandent qu’à semer la tempête.
J’enfoncerais ce clou en ajoutant que si Bachir Gemayel avait accepté moins que ses 10452 kilomètres carrés, il aurait été aujourd’hui parmi nous.
À bon entendeur salut!
Il m’avait échappé qu’appartenant à une communauté déterminée, j’avais une certaine importance sur le marché électoral libanais. Non seulement je suis d’ores et déjà courtisé, mais on dirait que sur l’échiquier interne, le bulletin qu’hypothétiquement je glisserais dans l’urne fera pencher la balance d’un côté ou de l’autre.Fort bien! Mon ego va sur le...

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