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À La Une - Conférence

Les questions du Cénacle

C’était un cours de méthodologie qui devait être donné. Ce sera finalement bien plus. À l’endroit même où se sont tenues les premières conférences du Cénacle il y a de cela plus d’un demi-siècle, se sont rencontrés le public et les contributeurs à l’événement.

Jean-Louis Mainguy, scénographe de l’exposition. Photo Hassan Assal

Dans l’ambiance douce des lumières chaudes installées pour l’occasion et l’intimité de cet espace ouvert mais cerclé d’imposants bâtiments, on retrouve donc une poignée de chaises de jardin blanches, face à une estrade tendant ses micros à qui veut.
C’est bien sûr Renée Asmar Herbouze, fille de l’instigateur du Cénacle, Michel Asmar, qui ouvre la séance pour remercier les participants à cette rencontre laissant par la suite la parole à Carla Eddé, professeur d’histoire de l’Université Saint-Joseph et l’une des coauteurs du livre édité pour l’occasion, puis à Jean-Louis Mainguy, scénographe de l’exposition.
La rencontre a lieu dans le cadre de l’exposition «Les années Cénacle, 1946-1975, entre histoire, mémoire et actualité» qui se tient dans l’espace intérieur de l’immeuble Lazarieh jusqu’au 19 octobre.
La raison d’être du Cénacle était de «porter et consolider le pacte national», selon les mots de Carla Eddé. Souhaitant «affirmer la souveraineté du Liban», cet «État arabe qui n’est pas qu’arabe, mais plus encore», le Cénacle lui a donné une vie intellectuelle et culturelle, dans plusieurs langues en affichant ses différences. Son œuvre est assez impressionnante, outre la renommée des orateurs, le dynamisme de cette institution, tout comme sa longévité et sa régularité sont remarquables: une à deux conférence par semaine, pendant trente ans.
Avec une grande constance, le Cénacle a été un lieu de rencontre, de parole libre, de «partage par essence», selon Jean-Louis Mainguy.
Toutefois, comment ne pas souligner, à l’instar de Carla Eddé, que les dates d’existence de ce Cénacle ne sont pas qu’une simple coïncidence. Créée dès l’indépendance du Liban, clôturée au début de la guerre, cette brillante initiative couvre donc une partie de l’histoire contemporaine du Liban pendant laquelle celui-ci glisse d’un heureux événement à son déchirement fratricide. Non pas qu’il faille l’en accuser, bien sûr, mais comprendre qu’elle n’a pas eu l’impact souhaité et qu’elle n’a pas su fédérer les forces et les débats autour d’un pôle commun comme voulu.
La conférence a été un rappel «du besoin d’un espace commun pour écouter nos divisions», selon Renée Asmar Herbouze. Néanmoins, doit-on céder à la nostalgie du Cénacle? Fantastique initiative, en effet, que cette «association particulière», qui avait réuni quelque quatre cent treize conférenciers, faisant vivre «le culte de la pensée, la culture de l’échange et du lien et la pratique de la citoyenneté». Cependant il ne faut pas oublier «l’artificialité» du pacte qu’il défendait, ce «compromis branlant» qui ne satisfait pas les divisions. Le Cénacle ne symbolise-t-il pas aussi la problématique essentielle du défaut d’action de ce «culte de la pensée»?
Chacun doit nécessairement se faire un avis sur cette page d’histoire et sur les interrogations qui l’accompagnent. C’est tout l’intérêt d’un tel travail collectif de recherche, ce «rapport d’étape», qui ne présente qu’une partie de l’œuvre bien sûr et tente de synthétiser une base exceptionnelle de données et d’archives. Pour autant, on ne peut ni on ne doit sacraliser dans des hommages infinis cette activité intellectuelle, au risque de cristalliser l’amertume d’un présent complexe et nuancé qui doit trouver ses propres réponses, pas nécessairement dans un modèle passé.
On flirte donc sur la corde raide de la nostalgie, celle qui montre le passé dans le prisme du présent et en modifie l’image, occulte les zones d’ombre, les écueils dont chacun doit se souvenir. «La nostalgie, c’est comme les coups de soleil, ça ne fait pas mal pendant, ça fait mal le soir.» Une leçon desprogienne à méditer.
L’inévitable devoir de mémoire se confronte donc aux nécessaires réserves de l’historien: le danger réside dans ce fragile équilibre et l’on se doit de le garder à l’esprit en permanence, de le questionner. Le mot doit passer, il faut s’informer, profiter de cette fantastique rétrospective sur une page d’histoire méconnue par les jeunes générations surtout, mais en continuant de questionner, notamment l’avenir. C’est d’ailleurs cela la véritable leçon du Cénacle: questionner. Questionner un espace public fort de ses disparités, pour aller de l’avant dans la vie intellectuelle, politique et sociale libanaise.
Dans l’ambiance douce des lumières chaudes installées pour l’occasion et l’intimité de cet espace ouvert mais cerclé d’imposants bâtiments, on retrouve donc une poignée de chaises de jardin blanches, face à une estrade tendant ses micros à qui veut.C’est bien sûr Renée Asmar Herbouze, fille de l’instigateur du Cénacle, Michel Asmar, qui ouvre la séance pour remercier les...
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