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Liban - Feuille de route

La haine en direct

« La liberté religieuse a une dimension sociale et politique indispensable à la paix ! Elle promeut une coexistence et une vie harmonieuses par l’engagement commun au service de nobles causes et par la recherche de la vérité qui ne s’impose pas par la violence, mais par “la force de la vérité elle-même”, cette vérité qui est en Dieu. Car la croyance vécue conduit invariablement à l’amour. La croyance authentique ne peut pas conduire à la mort. »
Benoît XVI, discours prononcé au palais de Baabda, le 15/09/2012
Nicolas Bassil Nicolas, auteur du pamphlet/navet obscène sur le prophète Mohammad, peut s’enorgueillir d’avoir au moins un admirateur secret dans le monde, et pas des moindres : nul autre que le secrétaire général du Hezbollah, sayyed Hassan Nasrallah lui-même. Car l’on peut en effet entretenir avec une œuvre une relation paradoxale, mêlée d’amour et de haine. Mark David Chapman, l’assassin de John Lennon, maniaque de Catcher in the Rye, ou encore John Hinckley Jr, qui avait tiré sur le président Reagan pour les beaux yeux de la Jodie Foster de Taxi Driver, peuvent d’ailleurs en témoigner.
Le vulgaire « réalisateur » copte – qui a déjà sur la conscience l’assassinat inqualifiable de l’ambassadeur américain en Libye, Stephen Collins, la mort de plusieurs autres personnes, et un réveil des vieux démons islamiques à l’égard de « l’Occident » – a en effet réussi hier un coup de maître : sortir le troglodyte patron du Hezbollah de son souterrain, insigne honneur que ni la visite, pourtant en tous points historique, du pape Benoît XVI, ni l’intérêt supérieur du dialogue national sous l’égide du président de la République à Baabda, ni d’ailleurs aucun autre événement local, régional ou international n’avaient mérité.
Que Hassan Nasrallah se soit senti offensé par ce pastiche insultant est tout à fait à son honneur. C’est d’ailleurs le cas de toute personne sensée, quelle que soit son appartenance religieuse ou communautaire, possédant un minimum de valeurs humaines et de respect pour les autres. Moins honorable en revanche est le venin qu’il s’est acharné à distiller dès dimanche soir sur les écrans de télévision à peine la visite du pape clôturée, dans une volonté manifeste de rappeler à toutes et à tous que c’est lui l’unique maître d’armes sur le terrain, et que la culture de la paix, prêchée par l’homme en blanc, ce n’est pas pour demain, et en tout cas certainement pas pour « la terre de la Résistance », à en croire les gentils calicots d’accueil disséminés par le Hezbollah pour accueillir le pape sur la route de l’aéroport de Beyrouth. Les « trois minutes de haine » de George Orwell (trois quarts d’heure en fait sur les écrans locaux), les Libanais y ont eu droit comme un uppercut en plein dans le visage, visant à les sortir de la blanche et douce torpeur faite de paix et d’harmonie dans laquelle le pape les avait plongés trois jours durant.
Il n’y a rien à dire : une aubaine est une aubaine. Si Nasrallah est sorti de son antre, c’est en raison de l’occasion inespérée de restaurer son image de marque, sérieusement écornée, depuis un an, par ses positions immorales et négationnistes sur le printemps arabe. C’est même à croire qu’il existe une connivence objective entre les mains occultes qui ont commandité ce film et les patrons iraniens de Hassan Nasrallah. En attendant, très prochainement, la surenchère des salafistes d’Ahmad el-Assir, le chef du Hezbollah a ainsi pu haranguer les foules au nom de la défense du prophète Mohammad contre ce fameux éternel « Occident » mythique arrogant et blasphématoire, s’intronisant, pour le compte du waliy el-faqih, et aux dépens de toute autre référence islamique, grand gardien des lieux saints. À l’échelle régionale, d’ailleurs, autant Israël que l’Iran ont bénéficié de cette manipulation sordide des masses arabes qui font encore l’âpre apprentissage de la démocratie après des décennies d’obscurantisme et de tyrannie dans les contrées fraîchement libérées du monde arabe. Les uns comme les autres ont pu ainsi mobiliser leur esprit de corps face à l’« ennemi » utile et intime.
Combien il aurait été utile pour les masses arabes enragées – notamment celles qui ont triomphé de « l’impérialisme américain » en s’attaquant au KFC à Tripoli – d’imiter cette ONG islamique qui, à Londres, a eu l’excellente idée de distribuer des centaines de Corans pour contrecarrer le film imbécile, au lieu de prendre les rues et de se chercher des bouc émissaires. Combien il serait judicieux aujourd’hui, au lieu de chercher à obtenir des résultats aléatoires qui limiteraient la liberté d’expression et ne déboucheraient finalement sur rien, d’utiliser les procédés démocratiques pour, d’une part, assaillir des centaines de milliers d’attaques en justice l’auteur dudit film et, de l’autre, promouvoir, par l’image également, le véritable message de l’islam...
Mais revenons à nos moutons et à nos renards. Le problème chez Hassan Nasrallah, c’est qu’il oublie qu’il participe, d’une manière directe ou indirecte, depuis deux ans, à un génocide perpétré contre l’islam en terre syrienne, avec destruction systématique, et sous les yeux du monde entier, de mosquées, et massacres à la pelle de fidèles. Mais l’image hier de la petite Fatima décapitée ne l’a probablement pas ému au point de se découvrir une moralité quelconque en Syrie, où ceux qui se font massacrer par Bachar el-Assad sont probablement des rebus du Prophète... Hassan Nasrallah oublie aussi qu’il porte atteinte à l’un des fondements de l’islam – l’exigence de justice – en refusant de livrer à la justice quatre de ses partisans soupçonnés d’avoir participé à l’assassinat d’un pilier du monde arabo-islamique, l’ancien Premier ministre Rafic Hariri. Face à ces faits éloquents, les grands sermons d’hier retombent bien vite, avec la légèreté d’une baudruche crevée, et la manipulation, la récupération est si grosse qu’elle ne passera pas.
Mais il ne faut pas se tromper. Le problème de fond dépasse de loin les tentatives risibles du Hezbollah de redorer son blason arabe et islamique par le biais de manifestations de masse. La seule sortie hier de Hassan Nasrallah « en personne » est une preuve que le Hezbollah est dans l’impasse aujourd’hui, maintenant que ses armes ont perdu toute leur symbolique dans les rues de Beyrouth en 2008 et même, apparemment, de Syrie depuis 2011 ; et qu’il est fondamental pour lui de se doter d’une rhétorique nouvelle pour compenser tout ce qu’il a perdu au cours des derniers mois, avec l’effondrement graduel d’un régime syrien désormais squelettique.
Le véritable problème est malheureusement de nature culturelle. Comment concilier, en effet, la leçon historique de philosophie de la liberté humaine et d’humanisme théocentrique, avec comme pivot la dignité inaliénable de la personne humaine, faite par Benoît XVI samedi à Baabda pour promouvoir la culture de la paix, avec cet insupportable discours de la haine, doublé d’une vision holiste et eschatologique de la société, dans laquelle l’individu pèse si peu en définitive... Un discours qui condamne inéluctablement le Liban et les Libanais à un cycle perpétuel de violence pour les siècles des siècles...
Un pape, c’est comme une éclipse : il faut attendre quinze ans pour qu’en vienne un prôner la paix et la fraternité en terre libanaise et inciter les Libanais à rêver de lendemains meilleurs. Car, le reste du temps, il leur est demandé de vivre dans l’éphémère et le provisoire, au rythme des boutefeux qui prêchent le martyre. Et c’est là le plus grand crime que l’on puisse commettre, contre toutes les religions, toutes les nations et tous les hommes.
Nicolas Bassil Nicolas, auteur du pamphlet/navet obscène sur le prophète Mohammad, peut s’enorgueillir d’avoir au moins un admirateur secret dans le monde, et pas des moindres : nul autre que le secrétaire général du Hezbollah, sayyed Hassan Nasrallah lui-même. Car l’on peut en effet entretenir avec une œuvre une relation paradoxale, mêlée d’amour et de haine. Mark David...
commentaires (12)

Si la haine répond à la haine, comment la haine finira-t-elle dans ce pays ou on sent parfois que politiciens et peuple ont oublié le mot pardon . Antoine Sabbagha

Sabbagha Antoine

09 h 41, le 18 septembre 2012

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Commentaires (12)

  • Si la haine répond à la haine, comment la haine finira-t-elle dans ce pays ou on sent parfois que politiciens et peuple ont oublié le mot pardon . Antoine Sabbagha

    Sabbagha Antoine

    09 h 41, le 18 septembre 2012

  • Yesslam hal temm. Génial. Que dire de plus face à de telles évidences !!! Seuls ceux qui ne veulent pas se rendre à l'évidence, ne comprendront jamais ce que nous pensons. Nous pensons exactement ce qui a été écrit dans l'article de M Hajji Georgiou.

    jean-Pierre EL KHOURY

    07 h 15, le 18 septembre 2012

  • Tout est dit dans l'article de M. MHG Bravo pour votre honnêteté et courage. L'homme en blanc est parti, après 3 jours de rêves Mais l'homme en noir est apparu soudain sur nos écrans pour nous rappeller que LUI: Il est là et il va continuer à gérer nos vies ainsi que notre ministre des AE et toute la république. L'homme en noir: Homme de haine et homme d'iran. Merci pour cet article remettant les pendules à l'heure et parlant au nom de la plupart des libanais.

    ALI CHAHINE

    07 h 09, le 18 septembre 2012

  • Yeslam hal tem!!! Rien a dire de plus!!! Comme d'habitude le verbe clair, directe et a propos! Qu'elle difference entre le message du pape et celui d'un renegat! Bientoit il sortira de son terrier pour affronter la verite du TSL. Il peut stocker autant d'armes qu'il veut cela ne changera rien a la donne, les dictatures tombes toujours et la sienne c'est pour bientot. Les armes ne lui auront servi qu'a trahir et detruire le Liban sans parler des dommages infliges a sa communaute. Si c'est pour repartir sur des base saine, bi Hassan Nasrallah nefdika ya Lebnan yemken hek mnerte7!

    Pierre Hadjigeorgiou

    05 h 06, le 18 septembre 2012

  • À l’évocation d'un malin, le Sain lui donne le trait fakîhàRien ! Quand "l’anthracite" fit du walîî presque un dieu, le Sain devint presque impie mais se jeta dans les bras de cette diablesse de Sainte Cédraie. Le fakîh s'était moqué de lui et le bigaradier aussi. Mai 08 avait ainsi compromis la "divine" 06 ! "Le Beauf!" ne sera pas le premier de sa lignée à être mené par ce "fakîhàRienisme" qui, selon "l’Amèèr" annonce la tourmente révolutionnaire ! Bachir II Châb déclarait que le "Jazzâr" d'à côté avait contribué à sa chute en lui aliénant la Campagne maronito-chïtique. Déjà sous Fakhréddine, 2 aussi, cet Orientalisme syrianique fut objet de la haine ; et refoulé par la Moutassarifïat plus tard, allait presque être rétabli par le Hedjaziste ! Quand le Mandat s’installa, non seulement les Sénégalais trottaient devant lui, mais aussi les promesses de la suppression de ce "syrianisme"-là : la gentilhommerie franque tint parole à la "gent" indigène-là ! Le millésimé 43 promit la séparation donc d’avec "sœur syrie". Chhhéééb la promit comme il promit tout ! Taëf qui ne promit rien, fit un testament selon lequel ce "waliïyo-baassyrianisme" centre asiatique devait disparaître à terme de cette Campagne. Et c'est aussitôt qu'il fut rétabli. Ainsi donc le Sain lui donne continuellement la chasse, et quand il le fait sortir par la porte, le "Malsain" le fait resurgir par la fenêtre.

    Antoine-Serge KARAMAOUN

    04 h 57, le 18 septembre 2012

  • Quelle farce ... cet homme est incapable d'avoir des idees de solidarite humaine ..de civilisation collective qui tendrait a se substituer a celles de communaute religieuse...cette manifestation n'est que l'etalage d'une armee maquillee en civile...dont le but est de terroriser les autres libanais et les chretiens en particulier apres cette belle messe celebree par le Pape pour la paix et l'unite du Liban...mais le pire c'est qu'il y a toujours des chretiens qui le suivent docilement dans ses doctrines guerrieres!!... Allons mon general rompez votre alliance contre nature et laissez le au fond de son trou dans la gadoue et la betise

    Houri Ziad

    04 h 38, le 18 septembre 2012

  • La haine d'accord avec vous, mais en direct sur notre écran PC à la lecture de votre article. Je vous plains.

    Tina Chamoun

    04 h 07, le 18 septembre 2012

  • M. Hajji Georgiou, quand on est furieux et blesse, on ne peut pas tout gentiment "distribuer des Corans" comme cette ONG dont vous parlez l'a fait a Londres. Vous parlez de haine? Ne trouvez-vous pas que vos propos envers les arabes et Sayyed Hassan Nasrallah sont haineux? Puisque vous faites l'eloge du Pape, pourquoi ne seriez-vous pas indulgent, empathique et bon comme lui envers "cette espece humaine" que sont les Arabes?

    Michele Aoun

    03 h 21, le 18 septembre 2012

  • Typique de la Sournoiserie Hitlérienne à ses débuts.... si mielleuse !

    Antoine-Serge KARAMAOUN

    03 h 06, le 18 septembre 2012

  • Il a saisi l'occasion, en réveillant les instincts, de redorer son blason, de se montrer plus Musulman que les autres et, contrôlant bien ses Rues, il a incité chez les Sunnites, les minorités d'incontrôlables extrémistes, à continuer leurs déchainements, partant à faire du tort à leur communauté, aux yeux de l'opinion chrétienne pour le profit du Hezb et de sa "couverture" le Caporalissime Général, ET... à mettre, par Ministre "Libanais ??? " interposé, et pour revanche, la balle, ou "le piège et la charge, car de tels il s'agit" dans le camp de la Ligue Arabe ou " DES SUNNITES ARABES ". A ces derniers de savoir savamment désamorcer la charge...

    SAKR LEBNAN

    00 h 33, le 18 septembre 2012

  • C'est une analyse...la plus pessimiste,en tous cas.Oui,les slogans étaient outrés.Oui,les propos étaient agressifs.Oui,les menaces étaient bien là.C'est exact.Oui,monsieur Nasrallah a fait une de ses rares apparitions publiques à cette occasion et a utilisé des termes guerriers et menaçants.Tout celà est vrai.Personne ne le conteste.Et oui,dans le principe,toute manifestation tendant à appeler à la violence est condamnable,bien sûr.Mais en même temps,cette manifestation s'est déroulée dans un ordre parfait.Sans agression physique.Sans commerces brûlés.Sans morts et sans blessés.(ce que le journaliste appelle "le dur apprentissage de la démocratie",je suppose).Il y a eu le discours officiel,rude et sans nuances...et il y a eu les faits,organisés et disciplinés.(sans dur apprentissage de la démocratie,je suppose).Alors,je préfère une lecture plus optimiste de cette manifestation.A défauts de grives,on mange des merles...et à défaut d'un discours lénifiant,on apprécie à sa juste valeur l'absence de violence et d'effusion de sang!

    GEDEON Christian

    23 h 58, le 17 septembre 2012

  • Monsieur Hajji Georgiou, recevez toutes les félicitations. Par votre fidélité absolue à la vérité, vous êtes en ce moment le journaliste le plus clair et le plus courageux du Liban. Mal le grand apôtre de l'amour et de la paix dans le monde quitte ce pays après avoir transmis son message, l'apôtre de la haine sort de son trou pour signifier "à toutes et à tous que c'est lui l'unique maître des armes sur la terrain", c'est lui le guide suprême de ce pays et c'est lui qui décide de la paix comme de la guerre.

    Halim Abou Chacra

    22 h 30, le 17 septembre 2012

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