« La saison estivale a été excellente », souligne fièrement Joanne Zarifé, directrice marketing du groupe Eddé Sands à Byblos. Un bilan qui peut paraître des plus étonnants dans un contexte de marasme économique et un été marqué par les événements sécuritaires à répétition. Pourtant, les chiffres du complexe en témoignent bien : le taux d’occupation du complexe a oscillé entre 80 et 100 % entre le mois de juin et le mois d’août. Pour Joanne Zarifé, ces résultats sont le fait d’une clientèle à 70 % libanaise. « Nous ne dépendons pas des touristes, explique-t-elle, et ne comptons pas uniquement sur les visiteurs arabes. »
Par ailleurs, selon la directrice marketing, l’emplacement d’Eddé Sands a également joué en sa faveur. « En période d’insécurité, les habitants du Metn qui sortent habituellement vers Beyrouth, ont préféré Byblos », poursuit-elle. Côté événements également, l’année 2012 a été pour Eddé Sands celle de tous les records. « Nous organisons pour la première année des beach parties du mardi au dimanche, alors que l’année dernière nous réservions ces soirées au week-end uniquement. » Mme Zarifé a, en outre, noté une augmentation de 50 % de visiteurs syriens par rapport à l’an dernier. « Beaucoup d’entreprises basées en Syrie ont organisé leur séminaire chez nous en raison des événements. C’est un nouveau marché dont nous avons incontestablement bénéficié cette année », explique-t-elle.
Mais au-delà de ces résultats positifs, les effets de la crise n’ont pas épargné les dépenses des visiteurs. « Le pouvoir d’achat des Libanais a drastiquement diminué, indique la professionnelle. Si l’an dernier un visiteur pouvait dépenser jusqu’à 200 dollars pour une journée à Eddé Sands, aujourd’hui il se contentera de 100 dollars. »
Du côté de Dbayé, Joyce Mouawad, directrice marketing de l’hôtel Le Royal, a elle aussi constaté les conséquences des événements sécuritaires sur l’activité de son hôtel. « On a eu beaucoup d’annulations en mai, juin et juillet, indique-t-elle. Sur les deux premiers mois nous avons ainsi accusé une perte de 700 000 dollars, avec des taux d’occupation oscillant entre 52 et 55 % contre des objectifs à 77 % en juin et 65 % en août. » Mais malgré ces résultats, Joyce Mouawad estime avoir été épargnée par les ravages de l’été. « En début de saison, nous nous attendions vraiment au pire, confie-t-elle, puis un nouveau marché a fait son apparition. Nous avons eu des touristes venus d’Europe et d’Amérique et une dizaine de mariages à gros budgets. » La directrice marketing du Royal a constaté une augmentation de 20 % de touristes occidentaux cette année. Selon elle, il s’agit d’un filon à exploiter même si aucun visiteur ne peut remplacer les touristes arabes. « Nous avions commencé à cibler les Occidentaux il y a trois ans alors que le ramadan tombait en plein été, explique-t-elle. C’est cette stratégie qui, aujourd’hui, nous a permis de sortir la tête de l’eau. »
C’est également l’avis partagé par Christophe Hazebrouck, directeur général de l’hôtel Le Gray. « Aujourd’hui, la donne a changé, malgré une prédominance habituelle de touristes arabes, nous avons enregistré 40 % de visiteurs occidentaux cet été. Les appels des monarchies du Golfe à éviter le Liban montrent qu’il faut se diversifier. Nous avons réalisé un taux d’occupation de 60 % au mois d’août contre un objectif de 80 % », poursuit-il. Pour l’année à venir, Le Gray entend poursuivre sa stratégie de diversification des cibles par le biais de promotions et de marketing à destination de nouvelles cibles, notamment la Russie, l’Inde et l’Ukraine. « On ne peut pas compter uniquement sur les pays arabes », conclut-il.
Mais de son côté, Pierre Achkar, président du syndicat des hôteliers, est beaucoup plus pessimiste. « Le pays est une destination instable et la diversification des cibles ne changera rien », indique-t-il. Les revenus issus du tourisme devraient chuter de 38 % cette année en comparaison à 2010, provoquant une perte de 2,7 milliards de dollars au secteur, selon les chiffres du syndicat des hôteliers. Pierre Achkar indique que des taux d’occupation des hôtels moyens à Beyrouth sont de 45 % contre 65 et 70 % à la même période un an plus tôt. « Seule la sécurité pourra ramener les touristes », conclut-il.
Pour mémoire
Liban : Le pire été touristique depuis 1945, estiment les professionnels
Liban : le dramatique cri d'alarme des organismes économiques