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Diplophobies

Dans l’Allemagne nazie on avait, du moins, la très relative décence de désigner sous son vrai nom cette officine chargée de répandre la bonne parole du pouvoir en place, à savoir le ministère de la Propagande.

 

Dans les rares pays (dont le nôtre) où survivent encore ces obsolètes usines de littérature officielle, on les appelle, sans même l’ombre d’un sourire, ministères de l’Information. De fait, c’est avec le plus grand sérieux que le bonimenteur en chef du régime de Damas s’évertuait lundi à nier plus d’une évidence. La première de celles-ci est la volonté de son gouvernement d’instaurer le chaos au Liban en y planifiant des attentats terroristes, comme l’a révélé l’affaire de l’arrestation de l’ancien député et ministre Michel Samaha. Le ministre Omran al-Zohbi s’est d’ailleurs contredit en agitant lui-même la menace d’un embrasement du Liban si les royaumes pétroliers du Golfe ne cessaient pas leur soutien aux rebelles de Syrie.


Une deuxième évidence, écartée avec le même aplomb par al-Zohbi, est l’acharnement de l’armée syrienne à bombarder, depuis des mois, les localités frontalières libanaises. C’était évidemment trop attendre du ministre libanais de l’Information, dont la principale utilité consiste à réciter devant les caméras les décisions du Conseil des ministres, qu’il entreprît de répondre, documents à l’appui, à une aussi impudente assertion. Si indéfendable néanmoins est devenue, ces derniers temps, la frénésie des artilleurs syriens – et cela même pour les plus indulgents, les plus accommodants des dirigeants libanais - que le Premier ministre Nagib Mikati n’a pu faire autrement que de réagir à sa précautionneuse, sa frileuse manière.


Ainsi le chef du gouvernement a-t-il prié l’ambassadeur libanais à Damas d’interrompre ses vacances au pays pour s’en aller signaler à l’aimable attention des autorités syriennes que leurs obus ne cessent de pleuvoir malencontreusement sur nos villages. Mais n’eut-il pas été bien plus simple et normal, plus conforme aux us diplomatiques, plus significatif aussi, de convoquer le très remuant ambassadeur de Syrie ( qui n’a visiblement pas le temps, lui, de prendre des vacances) pour lui demander de convoyer le même message comme le souhaitait d’ailleurs le président Michel Sleiman ?


Pour remarquable – et remarquée – qu’elle ait été, l’initiative du chef du gouvernement n’aura fait finalement que souligner la fragilité, chaque jour croissante, de cette politique de branlante, claudicante neutralité face aux évènements de Syrie qu’il s’évertue à gérer. C’est cette infirmité congénitale que promettent d’exacerber, et peut-être même de porter à son point d’inflammation aiguë, ces deux développements survenus hier : le mémorandum en neuf points élevé au chef de l’État par l’opposition et réclamant notamment l’expulsion du diplomate syrien, le gel des accords sécuritaires avec Damas et le recours à une assistance de la force intérimaire de l’ONU pour le contrôle de la frontière libano-syrienne ; et les retrouvailles scellées à Paris, au terme d’une longue séparation, entre le leader du courant du Futur Saad Hariri et le leader druze Walid Joumblatt.


La barre est haussée. Reste à espérer que le débat national se décidera à prendre, lui aussi, de l’altitude.

 

Issa GORAIEB
igor@lorient-lejour.com.lb

Dans l’Allemagne nazie on avait, du moins, la très relative décence de désigner sous son vrai nom cette officine chargée de répandre la bonne parole du pouvoir en place, à savoir le ministère de la Propagande.
 
Dans les rares pays (dont le nôtre) où survivent encore ces obsolètes usines de littérature officielle, on les appelle, sans même l’ombre d’un sourire, ministères de l’Information. De fait, c’est avec le plus grand sérieux que le bonimenteur en chef du régime de Damas s’évertuait lundi à nier plus d’une évidence. La première de celles-ci est la volonté de son gouvernement d’instaurer le chaos au Liban en y planifiant des attentats terroristes, comme l’a révélé l’affaire de l’arrestation de l’ancien député et ministre Michel Samaha. Le ministre Omran al-Zohbi s’est d’ailleurs...