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À La Une - Interview

Nazem el-Khoury : Promulguer des lois pour un ministère avec des outils d’exécution

Le ministre de l’Environnement affirme que « toutes les carrières illégales doivent être fermées » et indique que « la chasse devra être ouverte cette saison à moins que le Conseil des ministres n’en décide autrement ».

Le ministre Nazem el-Khoury

L’OLJ. Quelles sont les répercussions des derniers événements sécuritaires sur le travail dans le domaine de l’environnement ? Comment espérez-vous faire appliquer des décisions sur le terrain en de telles circonstances ?
Nazem el- Khoury. Il existe déjà un problème en situation normale, les Libanais préfèrent parfois contourner les lois plutôt que de les appliquer. Nous avons également des difficultés avec certains membres des forces de sécurité, qui ne sont pas toujours coopératifs. C’est cela qui explique que certaines carrières illégales continuent de fonctionner dans les régions, alors que les forces de sécurité ferment les yeux. Parfois, le côté matériel (appât du gain) prime. Ces temps-ci, vu que les forces de sécurité sont très occupées par les événements sécuritaires successifs, des abus sont commis un peu partout.

Beaucoup n’hésitent plus à déclarer dans les médias que l’État est pratiquement inexistant. Quel est votre commentaire et pensez-vous que l’environnement soit la première victime de cet état de fait ?
L’environnement était déjà la victime de nombreuses lacunes, et cela ne peut que s’accentuer dans la situation actuelle. Voilà pourquoi nous essayons de promulguer toutes les lois nécessaires. Nous en avons déjà adopté plusieurs : quatre projets de loi, adoptés en Conseil des ministres, sont au Parlement (NDLR : ils portent sur la création d’un parquet environnemental, sur l’organisation des réserves naturelles, sur la gestion globale des déchets et sur la qualité de l’air). Quatre décrets de grande importance ont également été approuvés en Conseil des ministres (NDLR : les études d’impact environnemental pour les projets privés de grande envergure, les études stratégiques environnementales pour les grands projets d’État, la création d’un Haut Conseil de l’environnement et les règles de l’engagement environnemental des entreprises). Nous nous efforcerons dorénavant de passer au stade de l’application. Pour le Haut Conseil de l’environnement, j’attends encore la réponse du ministère de l’Énergie et de l’Association des banques pour lancer cet organisme d’ici à une dizaine de jours probablement. Tout le reste des ministères et des organismes ont déjà nommé leur délégué.

Que va changer le Haut Conseil de l’environnement pratiquement sur le terrain ?
Beaucoup d’acteurs du secteur privé, des ministères, des syndicats et des ordres, de la société civile... y seront représentés. Le rôle de ce conseil sera crucial dans la détermination de la politique environnementale au Liban. Il constituera une force qui viendra s’ajouter au travail environnemental en favorisant le principe participatif. Ce sera l’endroit idéal pour exercer une coordination entre les différents acteurs et éviter les conflits d’intérêts.

Considérerez-vous la création de ce conseil comme une réalisation majeure ?
Elle n’est pas la seule, nous avons beaucoup de projets à notre actif, même si nous ne les communiquons pas toujours au public. En treize mois, nous avons été très actifs, faisant adopter tous ces projets de loi et de décret, grâce au travail d’une équipe engagée et compétente. En fait, malgré toutes les critiques que nous pouvons formuler contre ce gouvernement, je peux vous assurer que ses réalisations sur le plan de l’environnement sont supérieures à celles des cabinets précédents.

Ces réalisations semblent pourtant se limiter à la promulgation de lois, mais rien ne change effectivement sur le terrain...
Comment allez-vous sentir de différence sur le terrain quand le pouvoir exécutif du ministère reste si limité ? Tout commence par l’adoption des lois, et tout ce que nous faisons vise à accorder au ministère de l’Environnement un pouvoir exécutif, de lui donner « des dents ». La création d’un parquet environnemental est cruciale par exemple. Nous chercherons aussi à créer une police verte, composée d’agents formés à l’application des lois environnementales et aptes à participer à la sensibilisation du public. Or la population est de plus en plus consciente des problèmes environnementaux.

La décision de fermer les carrières de Hrajel (Kesrouan) vient d’être appliquée. Les carrières illégales seront-elles fermées sur tout le territoire ?
Elles doivent l’être. Ce n’est pas cette seule région qui était visée. Quand je reçois une plainte, j’envoie une lettre au ministre de l’Intérieur afin que les carrières en question soient fermées.

Existe-t-il d’autres plaintes concernant des carrières dans d’autres régions ?
Je n’en ai pas reçu jusque-là.

Pourtant, il y a des centaines de carrières illégales en activité dans le pays...
Nous réagissons à toutes les plaintes que nous recevons. D’ailleurs, beaucoup d’exploitations ont été fermées depuis que je suis ministre. Je n’ai octroyé aucun permis pour de nouvelles carrières. Pour sa part, le Haut Conseil des carrières est en train de réviser le plan directeur de ces sites, le précédent étant totalement inapplicable (NDLR : il prévoyait de limiter l’exploitation de carrières à la chaîne de montagnes de l’Anti-Liban). Le ministère de l’Environnement a été chargé par une commission ministérielle, formée en Conseil des ministres, de présenter une proposition de plan directeur. Nous en sommes à la phase finale. Je dois consulter incessamment le Haut Conseil des carrières à ce propos. J’ai moi-même soumis un projet au Conseil des ministres pour interdire les délais administratifs (NDLR : octroyés aux exploitants de carrières pour poursuivre leur travail ou lever leurs stocks dans des sites illégaux).

Allez-vous également aborder le cas des carrières qui, bien que fonctionnant en vertu d’un permis, causent aujourd’hui des dégâts considérables, comme à Chekka et à Dahr el-Baïdar ?
L’erreur, dans le cas de Dahr el-Baïdar, a été d’octroyer aux propriétaires le droit d’exploiter un même site durant vingt-cinq ans, par décret du Conseil des ministres. Par rapport aux indemnités que la justice a accordées aux frères Fattouche (pour l’interruption de leur travail durant quelques années), une commission ministérielle a été formée, dont je fais partie, afin de régler cette affaire. C’est un héritage très lourd, et il faut examiner toutes les possibilités. Après tout, nous parlons de 250 millions de dollars d’indemnités, par les temps qui courent... D’un autre côté, nous sommes malheureusement contraints de respecter les jugements émis. Pour ce qui est des carrières des cimenteries à Chekka et d’autres, elles fonctionnaient avec des permis, mais sans contrôle. Dans le nouveau plan directeur en cours, nous allons imposer des règles à suivre. Nous avons déjà entamé des contacts avec les cimenteries pour leur faire comprendre qu’il n’est plus permis de procéder de la sorte.

La chasse va-t-elle être ouverte cette saison au Liban ?
Nous avons finalisé toutes nos décisions administratives. La saison de chasse devra s’ouvrir cette année (NDLR : elle est interdite par décision ministérielle depuis 17 ans, mais est pratiquée néanmoins à grande échelle dans le pays), à moins que le Conseil des ministres n’en décide autrement. Mais au ministère, nous avons néanmoins tenu nos promesses. Dans une vingtaine de jours, le Haut Conseil de la chasse aura terminé son travail et soumettra le résultat de ses travaux au Conseil des ministres. Chaque chasseur devra dorénavant être muni d’un certificat médical, après avoir présenté des examens dans l’un des clubs accrédités par le ministère. Ces clubs devront donner une orientation aux chasseurs. Une fois toutes les conditions remplies, le chasseur décrochera son permis. Nous déterminerons quelles espèces il sera autorisé de chasser, la quantité d’oiseaux par chasseur par sortie...

Qui contrôlera tout cela ?
Les membres des forces de sécurité.

Qui sont parfois des chasseurs eux-mêmes...
Il faut commencer quelque part. Nous avons établi toutes les conditions requises pour être dans les normes internationales de chasse.

Il y a eu des critiques contre les décisions prises au ministère sur l’organisation de la chasse, notamment le fait que les zones de chasse ne soient pas délimitées ou que les amendes sont trop basses pour être dissuasives...
Les zones de chasse seront délimitées, d’ailleurs elles sont bien connues au Liban. Il sera bien sûr interdit de chasser parmi les maisons, et strictement interdit d’utiliser les machines qui imitent le son des oiseaux par exemple. Quant aux amendes, elles sont bien calculées.

L’OLJ. Quelles sont les répercussions des derniers événements sécuritaires sur le travail dans le domaine de l’environnement ? Comment espérez-vous faire appliquer des décisions sur le terrain en de telles circonstances ? Nazem el- Khoury. Il existe déjà un problème en situation normale, les Libanais préfèrent parfois contourner les lois plutôt que de les appliquer. Nous avons...
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