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Éditions spéciales

Quand l’État se fait porter absent au débat public, ce sont d’autres qui, forcément, donnent le la. Il ne s’agit plus seulement cette fois de l’électricité et de l’eau courante que vous dénie la république, mais que se font un plaisir de vous offrir – à prix d’or, il est vrai – votre générateur de quartier et le camion-citerne du coin. C’est dans des questions aussi vitales que la sécurité et l’intégrité physique des gens, que leur liberté de circuler et leur liberté tout court, que les responsables s’effacent devant plus éveillés, plus dégourdis, et finalement plus efficaces, qu’eux.

 

Dans l’affaire des onze pèlerins chiites enlevés par les rebelles syriens, ce sont des chaînes de télévision qui, en lieu et place des services adéquats, ont repéré leur lieu de détention, dialogué avec les otages et négocié carrément avec les ravisseurs. Mauvais perdant, l’État a eu beau jeu de reprocher à ces médias leur quête effrénée de sensationnalisme. En revanche, la soudaine, la miraculeuse libération d’un ancien milicien qui croupissait, depuis plus d’un quart de siècle, dans les geôles du régime baassiste est venue rappeler la scandaleuse indifférence avec laquelle ce même État a géré le dossier des centaines de citoyens libanais emmenés en captivité en Syrie et dont les autorités de ce pays ont obstinément nié jusqu’à l’existence.


Cela dit, c’est la presse écrite, cette fois, qui entreprend de combler les trous, sur fond de polémiques à propos des mérites ou indignités de l’un ou l’autre des divers services secrets libanais. Ainsi, un de nos confrères publiait lundi les minutes de l’interrogatoire mené par les Forces de sécurité intérieure auprès de l’ancien député et ministre Michel Samaha, soupçonné d’avoir convoyé des explosifs en provenance de Syrie, en vue d’une série d’attentats terroristes commandités par le régime de Damas. D’aucuns n’ont pas manqué, bien sûr, de crier aux fuites portant atteinte au secret de l’enquête. Il reste que les FSI, accusées par les prosyriens de manipulation, se proposaient initialement de présenter elles-mêmes à l’opinion publique les preuves retenues contre Samaha, de même que les explosifs saisis (et cela avec la bénédiction du parquet) mais qu’elles en avaient été empêchées sur intervention du ministre de la Justice.


C’est un scoop d’un tout autre genre, relevant, celui-là, de la crypto-diplomatie, que réalisait hier un autre confrère en publiant ce qui ressemble fort à une rageuse réponse de Bachar el-Assad aux récents propos de Michel Sleiman, gracieusement relayée à Beyrouth par un visiteur du raïs syrien. La haute source citée par le journal reproche sévèrement au président libanais d’avoir, par ses déclarations publiques, cautionné les accusations visant non seulement Samaha, mais aussi de hauts responsables sécuritaires ou politiques syriens.


On spéculera longtemps sans doute sur les motivations et séquelles d’un tel développement. C’est la première fois en effet depuis le début de l’occupation syrienne qu’un désaccord d’une telle gravité est signalé entre les présidents des deux pays ; compte tenu de la capacité de nuisance que conserve, malgré ses déboires internes, le régime de Damas – phénomène précisément illustré par l’affaire Samaha –, ce développement ne laisse évidemment pas d’inquiéter. Le côté réconfortant des choses, après toutes ces années, c’est qu’une certaine idée de l’État vit à nouveau, au palais de Baabda.

 

Issa GORAIEB
igor@lorient-lejour.com.lb

Quand l’État se fait porter absent au débat public, ce sont d’autres qui, forcément, donnent le la. Il ne s’agit plus seulement cette fois de l’électricité et de l’eau courante que vous dénie la république, mais que se font un plaisir de vous offrir – à prix d’or, il est vrai – votre générateur de quartier et le camion-citerne du coin. C’est dans des questions aussi vitales que la sécurité et l’intégrité physique des gens, que leur liberté de circuler et leur liberté tout court, que les responsables s’effacent devant plus éveillés, plus dégourdis, et finalement plus efficaces, qu’eux.
 
Dans l’affaire des onze pèlerins chiites enlevés par les rebelles syriens, ce sont des chaînes de télévision qui, en lieu et place des services adéquats, ont repéré leur lieu de détention, dialogué...