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À La Une - Otages

Révolte et colère tous azimuts chez les parents des 11 pèlerins libanais retenus en Syrie

Ballottées entre espoir et craintes, les familles des onze pèlerins chiites vivent les affres de l’incertitude et mettent dans le même panier l’État libanais, l’ALS, le régime syrien, le Qatar et la Turquie.

« Les onze otages libanais retenus à Azaz sont tous sains et saufs. » « Sept des pèlerins seraient toujours vivants, les quatre autres pourraient avoir péri. » « Les onze otages libanais étaient présents sur leur lieu de détention lorsque celui-ci a été bombardé par les MIG de l’armée syrienne. » Les Libanais étaient scotchés mercredi à leurs écrans de télévision, vivant au rythme de ces informations contradictoires sur le sort des onze otages retenus par des opposants syriens près d’Alep depuis mai, des informations divulguées par les médias, et dont aucune n’a été confirmée par quelque partie que ce soit. Que dire alors des familles de ces onze otages ?
À Madinet el-Abbas, dans le quartier de Hay el-Sellom, en pleine banlieue sud, des membres de ces familles continuent de se réunir quotidiennement dans le centre appelé Grande Campagne de Sadr. Les visages sont las, les yeux hagards et rivés sur un téléviseur d’où leur parviennent les informations – ou rumeurs – sur leurs proches. En effet, durant les trois mois qu’a duré leur calvaire – les pèlerins ont été enlevés dans le bus qui les ramenait au Liban après la fin de leur pèlerinage –, aucun officiel n’a fait le déplacement pour s’enquérir de l’état des familles ou pour leur faire parvenir des informations de première main.
Hussein Ibrahim, frère de hajj Awad Ibrahim, l’un des pèlerins détenus, exprime toute la colère des familles à l’encontre de l’État. « C’est l’État libanais qui est responsable du retard dans la libération des otages, ainsi que la Turquie et le Qatar », affirme-t-il. Interrogé sur le régime syrien, qui a bombardé le site, Hussein Ibrahim ne le disculpe en aucune façon. « Pourquoi ont-ils bombardé la ville sachant que les otages s’y trouvent ? dit-il. Nous sommes des gens pacifiques, nous sommes contre le bombardement de ces innocents en Syrie. Il est certain que le régime assume une part de responsabilité, ainsi que l’opposition qui retient nos proches. »
Hussein Ibrahim affirme clairement que les familles des otages libanais en Syrie ne soutiennent pas les enlèvements des deux côtés, syrien et libanais. « Bien au contraire, nous sommes intervenus pour la libération de Syriens que certains avaient retenus contre leur gré en notre nom », précise-t-il. Que leur a apporté la fermeture de la route de l’aéroport dans la nuit de mercredi à jeudi ? « Nous exprimions notre colère, mais nous ne voulions en aucun cas que des pneus soient brûlés, répond-il. Une cinquième colonne est intervenue pour brûler des pneus. » Une autre parente de détenus nous précisera plus tard que les familles ont préféré se retirer du rassemblement quand elles ont constaté « la présence de voyous sur les lieux, qui veulent profiter de notre cause pour faire ce que bon leur semble ». Hussein Ibrahim ajoute cependant, sans donner plus de détail : « Si l’un des nôtres a été atteint, nous ne nous tairons pas. Nous tiendrons toutes les parties concernées, notamment l’ambassadeur de Syrie, responsables de leur sort. »
Auprès des épouses d’otage, la colère est encore plus palpable. « Cela fait trois mois que nous sommes sur nos nerfs, lance Siham Ibrahim, épouse de Awad Ibrahim. Le ministre (des Affaires étrangères) Adnane Mansour nous répète depuis des mois qu’ils vont bien, mais d’où détient-il ses informations? Entre-temps, on nous montre nos maris à la télévision, ils sont interviewés par des journalistes, mais personne ne réussit à les libérer. »
La hajjé rend la Turquie responsable du retard dans leur libération. « Nous avons même reçu des informations sur leur présence en Turquie, pourquoi ne font-ils pas tout leur possible pour nous les rendre ? » dit-elle. À la question de savoir pourquoi la Turquie est à blâmer, une réponse est donnée par Mansour Hammoud, un autre parent d’otage. « L’Armée syrienne libre (ASL) est totalement placée sous la coupe de la Turquie », selon lui.

Une crise humanitaire
Le volet politique et sécuritaire prévaut souvent lorsque le dossier des Libanais enlevés en Syrie est évoqué. On en oublie l’aspect humanitaire de l’affaire. En effet, ces hommes enlevés manquent depuis trois mois à leurs familles, autant au niveau émotionnel que financier. Fatmé Tahhan Zgheib, épouse de Ali Zgheib, a les larmes aux yeux quand elle évoque son calvaire. « Les hommes politiques posent à la télévision, et nous souffrons, dit-elle. Aucun d’eux ne pense nous demander comment nous survivons. Comment vont-ils passer la fête si nos hommes ne nous sont pas revenus ? »
Nous la suivons à son modeste domicile tout proche. « Ils nous accusent d’appartenir à des partis, aurions-nous vécu dans des conditions aussi précaires si nous l’étions ? » se demande-t-elle. À l’entrée de l’appartement, qui se trouve au rez-de-chaussée d’un vieil immeuble dans un des dédales de Hay el-Sellom, des décorations en papier ornent les murs. « Ce sont les enfants qui les ont installées quand nous avons cru que la libération des pèlerins était imminente, explique hajjé Fatmé. Ils refusent de les ôter tant que leur père n’est pas revenu. »
Le mari de Fatmé Zgheib est un moukhtar, c’est un homme malade qui a déjà subi de nombreuses interventions chirurgicales. Ses deux enfants et elle vivent, depuis trois mois, du maigre salaire qu’elle perçoit de son travail dans une organisation pour handicapés. Mais l’impact le plus grave de cette crise, selon elle, serait l’état de révolte permanent que ressentent ses deux fils de 11 et de 12 ans. « Ils ont arrêté d’aller à l’école depuis l’enlèvement de leur père, ils ne peuvent plus se concentrer sur leurs études », dit-elle.
Ahmad, l’aîné, nous raconte qu’il a heureusement été exempté des examens de fin d’année. Mais il lui prend des envies de violence, notamment contre les Syriens qu’il tient pour responsables du malheur de sa famille, et sa mère ne sait plus comment le retenir. Une lueur de tendresse apparaît cependant dans son regard quand on lui parle de son père. « Je le supplie de revenir à la maison, d’être avec nous pour la fête, afin qu’on ressente de la joie après tant de malheurs », soupire-t-il.

 

S. B.

« Les onze otages libanais retenus à Azaz sont tous sains et saufs. » « Sept des pèlerins seraient toujours vivants, les quatre autres pourraient avoir péri. » « Les onze otages libanais étaient présents sur leur lieu de détention lorsque celui-ci a été bombardé par les MIG de l’armée syrienne. » Les Libanais étaient scotchés mercredi à leurs écrans de...

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