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À La Une - Reportage

Sur le flanc du piton de la Fournaise...

L’île de La Réunion n’est pas seulement connue pour ses paysages paradisiaques, mais aussi pour ses volcans. Récit de l’escalade de l’un des flancs du piton de la Fournaise au sud-est de l’île.

Des randonneurs escaladant le piton de la Fournaise, tout en profitant du paysage époustouflant. Photo Émilie Martin

C’est un jeudi pluvieux et froid sur l’île de La Réunion. Un groupe de journalistes, venus de divers horizons, font les cent pas près de leur voiture, à proximité du site de la Vierge au Parasol, une statue assez atypique que visitent de nombreux touristes et locaux chaque année (elle est vénérée pour sa protection face aux éruptions). Les journalistes attendent le vulcanologue Thomas Staudacher, qui travaille à l’observatoire du piton de la Fournaise. Ils doivent l’accompagner sur l’un des flancs du volcan. Sera-t-il découragé par le mauvais temps qui handicape sérieusement le travail sur le terrain ? Il n’en est rien. Le scientifique arrive peu après, accompagné d’un étudiant.
Au pied du volcan, un paysage d’un autre monde accueille le petit groupe. Les marcheurs se frayent difficilement un chemin à travers une haie naturelle d’arbres et d’herbes à hauteur d’homme. Ils débouchent sur un paysage à couper le souffle. Des roches volcaniques noires et irrégulières s’étendent à perte de vue. Une végétation très particulière parsème le sol volcanique.
Escalader le flanc d’un volcan n’est pas de tout repos, surtout quand la pluie rend les roches, naturellement lisses, encore plus glissantes. Il vaut mieux, à ce stade, savoir où l’on met les pieds, pour ne pas tomber (littéralement) sur une roche instable. Le groupe de néophytes peine à suivre le vulcanologue qui se déplace aisément dans ce paysage qui lui est familier.
Au terme d’une escalade qui semble durer une éternité, Thomas Staudacher s’arrête au niveau de ce qu’il décrit lui-même comme étant une petite station GPS, alimentée par une plaque d’électricité photovoltaïque (énergie solaire).
« Je viens une fois par mois à cette station car elle n’a pas de liaison avec l’observatoire, explique-t-il. Il faut s’y rendre pour collecter les données. En cas d’éruption, on fait le déplacement beaucoup plus souvent. Dans d’autres stations, les données sont transmises par radio. »
Interrogé sur les informations collectées par le biais de cette installation, M. Staudacher indique qu’il s’agit de données GPS. « Une antenne GPS a été installée à cet endroit, poursuit-il. Elle est connectée à des satellites qui gravitent autour de la Terre à environ 20 000 mètres d’altitude. Nous pouvons capter ici dix à douze satellites : plus il y a de satellites, plus précis est le résultat. Les signaux transmis sont captés par l’antenne. Quand elle récolte les données d’au moins trois satellites, la station peut donner, par recoupement, des localisations précises pour les mouvements de terrains. En d’autres termes, elle peut nous indiquer si un point déterminé a changé de place. »
Si le point a bougé, cela veut-il dire que le volcan est en activité ? « C’est précisément cela que nous surveillons à l’aide de ces stations, dit-il. À ce niveau, la terre bouge relativement peu parce qu’on est loin du volcan, mais les mouvements de terrain ici restent un indicateur important. Plus près du cratère, la terre peut bouger de dix à vingt centimètres, et jusqu’à quarante centimètres, pendant une éruption. »

Un effondrement
qui a tout bouleversé
Selon le vulcanologue, une éruption du piton de la Fournaise peut être prévue deux à trois semaines à l’avance. « C’est à ce moment que le volcan commence à gonfler, explique-t-il. Les stations à l’ouest du volcan vont aller plus à l’ouest, et celles à l’est plus à l’est. Le volcan ressemblera alors à un ballon qu’on est en train de gonfler de toutes parts, avec ces points qui s’éloignent les uns des autres. De plus, deux à trois semaines avant, la sismicité augmente aussi, comme le montrent les enregistrements du sismomètre sur le site. »
De retour à l’observatoire, de plus amples détails sur cette activité sismique sont fournis par la sismologue de l’équipe, Valérie Ferrazzini. « Les activités sismiques sont des indicateurs de ce qui se passe à l’intérieur du volcan, explique-t-elle. Généralement, les secousses ont lieu sous forme de crise sismique (plusieurs à la suite) à l’intérieur du cratère. »
Est-il possible de faire des modèles à partir des observations liées à l’activité sismique ? « Depuis dix ans que je suis là, j’ai pu observer le comportement du volcan, avant et après le grand effondrement qui a eu lieu lors de l’éruption de 2007, souligne Mme Ferrazzini. Le comportement du volcan a changé depuis cette date. J’ai remarqué que les séismes n’ont plus lieu au niveau de la mer, mais à six kilomètres en dessous. Cela signifie que cet effondrement a affecté la structure interne du volcan, dont le point central a migré de six kilomètres sous terre. »
Andrea Di Muro, directeur de l’observatoire, insiste lui aussi sur l’impact de l’effondrement de 2007 sur la compréhension du volcan. « Dans ces cas-là, toutes les données sont bouleversées, c’est comme si on repartait à zéro, indique-t-il. Les chercheurs se posent des questions. Actuellement, ils ont observé qu’il n’y avait aucun signe de gaz dans le volcan. Or des volcans en activité comme celui-là produisent généralement des gaz, et c’est donc étrange. Il y a deux explications possibles à ce phénomène : d’une part, nous avons pu déterminer l’emplacement du magma, qui se trouve probablement dans une zone trop profonde pour dégager des gaz. D’autre part, il a plu abondamment dernièrement, or l’eau peut dissoudre une grande partie du gaz. »
Valérie Ferrazzini dément cependant que le piton de la Fournaise soit imprévisible, puisque toutes les éruptions qui ont eu lieu ces quinze dernières années ont pu être annoncées à temps. « Mais il est plus difficile de déterminer l’endroit exact où le magma va surgir, surtout depuis l’effondrement », ajoute-t-elle. Elle confirme par ailleurs que depuis 2010, le volcan passe par une période particulièrement calme. Pour combien de temps ? Comme le fait remarquer Thomas Staudacher, « il y aura encore certainement des éruptions en grand nombre à l’avenir ».
C’est un jeudi pluvieux et froid sur l’île de La Réunion. Un groupe de journalistes, venus de divers horizons, font les cent pas près de leur voiture, à proximité du site de la Vierge au Parasol, une statue assez atypique que visitent de nombreux touristes et locaux chaque année (elle est vénérée pour sa protection face aux éruptions). Les journalistes attendent le...

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