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Nos Lecteurs ont la Parole

Agir et non plus se soumettre

Par Zeina ZERBÉ
Qui n’a pas de passé n’a pas d’avenir.
Le passé, c’est les traditions. Le passé c’est les coutumes, le passé c’est les valeurs. Tous les jours, nous vivons notre passé. Nous le parlons à coups de langue, à coups de bouffe, à coups de sauces, à coups de verres.
Le passé, on nous le raconte aussi. On nous le raconte à coups de mots, des mots de conteur, mots des grands-parents puis des parents. On nous le raconte aussi à coups de photos, à coups de poèmes, à coups de romans, à coups d’auteurs, de peintres, à coups d’histoires, mais aussi d’un livre d’histoire.
Le passé d’habitude on le visite, physiquement, en visitant des monuments. Là nous opérons, l’espace d’un temps, un passage dans un autre temps, celui des histoires, l’histoire des grands-parents. On touche les vieilles pierres comme si on caressait leurs visages, on s’y adosse alors en hommage à la mémoire, mais aussi confiants en la solidité d’un patronyme...
Eh oui ! La conjonction de ces éléments permet à l’homme cohérence et congruence, lui confère une identité culturelle. Généralement, ses parents la lui transmettent et il la transmet à son tour à ses enfants.
Nous parlons ici de racines et d’un devoir naturel de transmission identitaire et culturelle, comme une transmission de la vie.
Cependant, depuis au moins trente-cinq ans, le Liban se meurt un peu plus chaque jour à coups de non-transmission. Avec acharnement et insistance, un marteau piqueur s’obstine à démolir les consciences, la mémoire, l’héritage, la langue, l’histoire, la culture. Il bouffe son oxygène au peuple, l’intoxiquant à petit feu, pire qu’un holocauste, qu’un massacre, qu’un génocide. Il s’agit là d’un génocide de la raison qui embrume l’esprit et le porte vers une folie certaine et l’apprentissage de la soumission. Il le pousse à la résignation et le transforme, lui qui ne comprend plus rien, qui a peur, qui a mal, en un être gavé d’antidépresseurs, de neuroleptiques, de tranquillisants et de calmants qui lui ôtent à la fin jusqu’à sa capacité de penser, de vivre, de critiquer, de vouloir.
Ce marteau piqueur s’acharne sur les pierres, chaque pierre, enlevant aux quartiers leur cachet, leur histoire, leur passé, enlevant au peuple ses aïeux. L’époque phénicienne, l’Empire romain, l’Empire ottoman... Où sont leurs vestiges ? Il ne reste que la guerre, avec ses tortures, les cris lancinants d’un passé qui agonise, hurlant de douleur parce qu’on l’arrache, qu’on le vole, qu’on le lapide. Face à ses cris, rien n’affole plus que la surdité et l’irresponsabilité des responsables qui actionnent sans consulter ni experts ni historiens des actes de vente d’un patrimoine collectif, indifférents, voraces et gloutons face aux sommes d’argent qui coulent dans leurs poches éternellement trouées...
Et pendant que le passé est démantelé, un immeuble sans aucune structure architecturale, bâti sur un plan de ville, est conçu. Il est là, mais ce n’est pas sa place ; il se dresse sur les cendres d’un fantôme dont les hurlements percent les oreilles de citoyens affolés.
Affolés aussi parce que ces mêmes responsables empêchent l’écriture de l’histoire, celle-là même qui se dessine sur la photo jaunie d’un martyr, d’un disparu, d’un kidnappé, dans les cauchemars persistants et les réveils nocturnes tout en sueurs de ces hommes qui ont fait la guerre, dont les enfants et les petits-enfants ne comprennent rien aux regards fous.
Comment les vivants peuvent-ils reposer en paix ? Quand la culture est chèrement monnayé, quand l’éducation est indexée sur les classes sociales, quand rien ne calme plus l’angoisse que l’excitation proposée par les émissions grivoises sur les chaînes de télévision.
En dépit de tout, les droits civiques ne sont pas respectés. Les gouvernements sont corrompus, les tribunaux sont corrompus, les droits sont bafoués au nom de l’appartenance aux castes, les guerres sont faites sans qu’ils en comprennent la cause. Quand les routes ne sont pas entretenues et que les lois sont ignorées, quand le citoyen est agressé quotidiennement, tenu d’honorer des factures pour des services étatiques qui ne sont pas assurés. Le pire c’est qu’à la fin, peut-être un peu pour ne pas mourir, ils les applaudissent, de moins en moins, mais ils applaudissent toujours les leaders politiques.
Peut-être qu’il est temps, à la lueur d’un 14 mars 2005, du printemps arabe, de descendre dans les rues pour l’amour d’un projet qui s’appellera Liban, toutes communautés confondues. Ce projet aura pour racines le précieux passé historique et culturel ; pour traitement médical des ravages de la guerre l’écriture d’une histoire, le respect et l’acceptation des différences identitaires, la reconnaissance des torts causés entre autres par la mégalomanie des minorités. Les ramifications et projets d’avenir se nommeront alors : santé, éducation, environnement, culture, architecture urbaine, droits de l’homme et du citoyen, justice civile, etc.
Peut-être est-il temps d’écouter et d’agir au lieu de continuer à se soumettre passivement. Peut-être, oui, est-il temps...
Qui n’a pas de passé n’a pas d’avenir. Le passé, c’est les traditions. Le passé c’est les coutumes, le passé c’est les valeurs. Tous les jours, nous vivons notre passé. Nous le parlons à coups de langue, à coups de bouffe, à coups de sauces, à coups de verres.Le passé, on nous le raconte aussi. On nous le raconte à coups de mots, des mots de conteur, mots des...

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