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Culture - Liban

« Afak 3 », ou ces artistes de la génération Y

Lorsque les jeunes artistes libanais de moins de 35 ans veulent s’exprimer, que disent-ils? Et, plus important, par quels médias le font-ils ? Quelques réponses, à travers une collective de 18 enfants du millénaire réunis par Razan Chatti à The Venue dans le cadre de « Afak 3 ».

Les politiciens libanais autour d’un cadavre, par Mohammad Saad.

L’intérêt des expositions collectives, c’est qu’elles favorisent la découverte d’une multitude de styles, de techniques, de tendances. Elles proposent diverses manières d’expérimentation artistique et de recherche sur les formes, les couleurs et les préoccupations majeures, sociales, politiques, personnelles ou tout simplement esthétiques des participants.
De plus, elles sont souvent à thème, c’est-à-dire qu’elles proposent un large choix d’œuvres réalisées par des artistes de talent sélectionnés selon des critères donnés.
Dans « Afak 3 », pas de thème probant. Le point commun entre les exposants? Leur jeune âge, d’abord. Ils sont nés entre 1979 et 1989. Autre particularité : ils sont de nationalité libanaise. Tous. Sauf un, Samer Saim el-Daher. Peut-être le plus jeune aussi. Mais dont l’œuvre est, au premier abord, la plus torturée. À 20 ans, cet Aleppin dessine des êtres difformes, mutilés, sans vie. Et d’autres s’autodévorant, tous crocs dehors. Victimes déchiquetées et monstres autophages illustrent à l’évidence la situation actuelle de sa Syrie natale.

F16 et Apache
Également inspirée par la guerre, l’œuvre intitulée Location 0, ville de Beyrouth de Nicole Younès. Cette native du village de Beayno dans le Nord a l’énergie aussi débordante qu’intarissable et juvénile, silhouette frêle perdue dans un tchador (oui, elle s’est convertie à l’islam, mais ne souhaite pas s’épancher sur ce sujet), explique que son œuvre a été réalisée en réaction à la guerre de 2006. Elle est (re)constituée, comme un puzzle, de plusieurs panneaux en bois représentant une carte de Beyrouth. Ou plutôt une multitude de cartes, superposées les unes sur les autres, en transparence, en couches successives, comme les strates enfouies dans le ventre de notre ville, témoins des civilisations passées. « C’est ma déclaration d’amour et de foi pour cette ville maintes fois détruite et maintes fois reconstruite », affirme la jeune fille qui cumule les diplômes (journalisme, arts plastiques, sciences politiques), maîtrise cinq langues et joue de la harpe.

 

Vue d'ensemble de l'exposition. Photo Michel Sayegh.

 

Son œuvre a été exposée en juin dernier à Times Square, New York, à la suite d’une compétition internationale lancée sur Internet. « Elle a été retenue avec 200 œuvres parmi des milliers de candidats. » La carte, animée par une poulie, s’élève dans l’espace, les parties de Beyrouth se découpent, se divisent. Puis, par un mouvement descendant, elles se rejoignent et s’unissent. Sur ces cartes superposées, l’artiste a dessiné divers objets familiers, dont un Snoopy, mais aussi les ombres menaçantes d’un chasseur F 16 et d’un hélicoptère Apache. En rouge, sur la plus récente carte, les cibles de l’aviation israélienne...

 

Parmi les œuvres qui retiennent l’attention, celles d’Élissar Kanso. « J’ai grandi avec la guerre mais aussi avec cette envie de peindre qui ne me lâche pas », affirme la jeune fille qui dessine ses consœurs, entourée de fleurs. Mais le résultat, paradoxalement, est loin d’être... fleur bleue. « Je raconte dans mes œuvres l’écart entre une réalité souvent douloureuse et ma vie intime, rêvée devant les murs criblés de balles. »
L’œil est également attiré par : les formes quasi géométriques s’imbriquant dans une symphonie de couleurs de Darwiche Chamaa ; les femmes amazones de Nour Ballouk se présentent avec des chiffres et des animaux divers; Marilyn Monroe se drapant de poésie dans un noir et blanc surprenant de Rasha Kassir; les rouges vibrants et transparents de Roula Chamseddine; les compositions hellénistiques de Soumaya Itani... À signaler également l’œuvre intelligente de la décapante Rima Shahrour, les portraits collectifs, à la limite de la caricature, des politiciens de Mohammad Saad, prix du jury 2012 du Salon d’automne du musée Sursock. Sans oublier les silhouettes d’hommes se découpant sur fond brun du talentueux Youssef Nehmé.

 

 


Mi-poupée, mi-clown, de Rima Shahrour


Côté photographes, les superbes compositions de Baha Souki, les scènes de rue beyrouthines de Marwa Awji, de Marwan Tahtah et de Waël Ladki affirment l’émergence de cet art sur la scène locale.
En sculpture, l’unique œuvre de Nabil Rizk, qui a façonné dans The Shape of a Shadow des silhouettes longilignes et douloureuses à partir d’éclats d’obus.

 

Superbe composition de Baha Souki.

 


La curatrice Razan Chatti ne cache pas sa volonté de « partager l’art ». Et d’affirmer son engagement en faveur de la jeune scène artistique libanaise. « Faciliter la rencontre entre ces artistes et le grand public. Libérer un peu le cloisonnement des galeries d’art, mais aussi exprimer ses sentiments sur une œuvre, raconter le parcours ou l’intention d’un artiste, confronter les œuvres et les émotions sont autant de plaisirs à partager. »
Pour les artistes, cela leur donne la possibilité d’exposer et de rencontrer un large public. « S’il est possible de les aider à mieux vivre de leur talent et de leur art, alors tant mieux. »


Ces artistes enfants du millénaire ? Ils sont diplômés, très diplômés même, certains accumulant deux doctorats, d’autres plusieurs spécialisations (l’ère des artistes autodidactes semble révolue ? ).
Ultraconnectés, ils manipulent les nouvelles technologies avec aisance.
« Afak 3 » nous met ainsi face à une jeunesse qui s’efforce d’accéder à l’autonomie comme manière de penser, d’agir et de créer. L’on note également une certaine sensibilité subjective présente, à des degrés variés, chez certains qui s’efforcent de marquer leur œuvre d’une identité qui leur est propre.


* The Venue, Souk el-Arwam, dans les Souks de Beyrouth, centre-ville. Jusqu’au 15 août, de 18h à minuit.

L’intérêt des expositions collectives, c’est qu’elles favorisent la découverte d’une multitude de styles, de techniques, de tendances. Elles proposent diverses manières d’expérimentation artistique et de recherche sur les formes, les couleurs et les préoccupations majeures, sociales, politiques, personnelles ou tout simplement esthétiques des participants.De plus,...

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Applaudissons ces artistes de la nouvelle génération et encourgeons -les surtout Nazira.A.Sabbagha

Sabbagha A.Nazira

03 h 03, le 04 août 2012

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Commentaires (1)

  • Applaudissons ces artistes de la nouvelle génération et encourgeons -les surtout Nazira.A.Sabbagha

    Sabbagha A.Nazira

    03 h 03, le 04 août 2012

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