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À quand une loi libanaise sur le statut personnel ? - Liban

Le mariage civil à l’étranger, une solution de plus en plus prisée... en attendant

Au moins 10 % des couples libanais décideraient de se marier civilement à l’étranger, soit au moins 800 couples par an, selon des estimations.
Fuyant le carcan des lois communautaires, davantage de couples optent chaque année pour le mariage civil, à l’étranger bien entendu, à Chypre principalement. Car l’État libanais ne reconnaît le mariage civil que s’il est contracté à l’extérieur du territoire libanais. En l’absence d’études sur la question, il est impossible de connaître le nombre de couples qui convolent civilement chaque année. Seules quelques estimations circulent, à prendre avec précaution.
Sur les 7 000 à 8 000 couples libanais qui se marient chaque année, au moins 10 % décident désormais de se marier civilement à l’extérieur du pays. Cette estimation est celle d’un voyagiste, Guenady Ragi, propriétaire de Nadia Travel, qui a fait de l’organisation de mariages civils à Chypre son cheval de bataille. Premier à se lancer sur le marché, il y a déjà quelques années, il estime occuper la première place. « En 2011, j’ai organisé le mariage civil à Chypre de 400 couples. Cette année, je devrais en organiser 20 % de plus », affirme-t-il.

De plus en plus convaincus
Car le mariage civil devient de plus en plus attrayant pour la jeunesse libanaise. Moins tabou, il semble accompagner une évolution des mœurs. « Désormais, davantage de jeunes se marient civilement par pure conviction, constate M. Ragi. Précédemment, la grande majorité des mariages civils étaient contractés par des couples de religions différentes, divorcés ou ayant une double nationalité. »
Il faut dire aussi que le mariage interreligieux se démocratise. « Nous sommes de confessions différentes, mon époux et moi, souligne Christel, qui s’est récemment mariée à Chypre. Nous ne voulions pas changer de religion. Nous avons naturellement opté pour le mariage civil. »
Les femmes sont aussi plus conscientes de leurs droits. « Le mariage civil respecte davantage mes droits, en tant que femme », note Jessica, qui rentre tout juste de Chypre où elle s’est mariée civilement avec un homme de confession chrétienne, comme elle.
Quant à la société, elle semble partagée sur la question. « Des proches nous ont demandé pourquoi nous ne nous sommes pas mariés à l’église, raconte-t-elle. D’autres nous ont félicités, et ont dit que nous avons très bien fait. L’essentiel est que nous en soyons tous les deux convaincus. »

Les lois, un véritable tracas
Certains pensent aussi se marier civilement, par mesure d’économie. D’autant qu’à l’étranger, ils ne sont pas tenus de faire les choses en grand. « C’est une illusion, note Guenady Ragi, car il faut compter 1 900 dollars par couple, pour tout le package. » Le voyagiste constate aussi une augmentation des grands mariages à Chypre, qui s’élèvent désormais à une cinquantaine chaque année. Même son de cloche de la part des jeunes mariés. « On ne peut parler d’économie lorsqu’on fait payer les invités 500 dollars par personne pour le voyage et l’hôtel », souligne Christel. Pour éviter la dépense à ses amis, la jeune mariée a opté pour une soirée postnuptiale au Liban. Une soirée qu’elle qualifie « d’abordable, simple et sympa », comme elle et son époux en rêvaient.
L’organisation de mariages civils à l’étranger n’est pas toujours dénuée de tracasseries. Soucieuses de se faire une place au soleil, de plus en plus d’agences se lancent aujourd’hui sur le marché, parmi lesquelles de grandes pointures locales. Jessica et son époux se sont adressés à une petite agence pour les formalités et l’organisation de la cérémonie. Mais à son retour à Beyrouth, le couple a réalisé qu’un papier manquait pour l’enregistrement du mariage. « C’est de l’amateurisme, lance la jeune femme, à l’adresse de l’agence de voyage. Nous devons nous débrouiller pour ramener ce papier de Chypre. »
Autre tracasserie, la nécessité pour les avocats de prendre connaissance des lois étrangères. « C’est extrêmement complexe, d’autant que le nombre de mariages civils est en augmentation constante. Car ce sont les lois des pays où les couples se marient civilement qui s’appliquent, observe l’avocat Carlos Daoud. Sauf lorsque les deux conjoints sont de confession musulmane, précise-t-il. C’est alors la charia qui s’applique. » « Au Liban, c’est pourtant la loi libanaise qu’il faudrait exclusivement appliquer », fait-il remarquer.
De quoi dérouter même les avocats les plus avertis, en cas de conflits. « Carrément une atteinte à la souveraineté libanaise », comme le constate l’avocat, mais aussi tous ceux qui militent pour une loi nationale sur le statut personnel.
Fuyant le carcan des lois communautaires, davantage de couples optent chaque année pour le mariage civil, à l’étranger bien entendu, à Chypre principalement. Car l’État libanais ne reconnaît le mariage civil que s’il est contracté à l’extérieur du territoire libanais. En l’absence d’études sur la question, il est impossible de connaître le nombre de couples qui convolent...