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Moyen Orient et Monde - Reportage

Après la bataille, le désespoir gagne Damas

Un bâtiment sévèrement endommagé par la bataille de Damas, dans le quartier de Midane, le 23 juillet 2012. REUTERS/Shaam News Network/Handout

Dans le quartier commerçant jadis animé de la rue Hamra, au cœur de Damas, trois hommes sont assis sur le trottoir devant des magasins déserts. Les combats entre l’armée et les rebelles dans les faubourgs de la capitale les ont chassés de chez eux. Ils sont des milliers à avoir afflué vers le centre-ville pour y rechercher une sécurité relative. Ils ont fui les quartiers sud et est de Damas, les plus durement touchés par la violente contre-attaque menée la semaine dernière par les forces gouvernementales contre les insurgés. « Nous avons tous les trois dû fuir de chez nous, est-ce que vous le croyez ? Nos maisons ont été détruites. Maintenant, nous habitons chez des proches dans le centre-ville », témoigne Ahmad, propriétaire d’une échoppe à Douma, une banlieue de l’est de Damas favorable à l’opposition. « Au départ, j’étais pour le régime, avoue-t-il. Mais maintenant, non, ils doivent passer la main. Ils peuvent prendre ce qu’ils veulent, mais ils doivent partir. »


Bachar el-Assad a juré de balayer ceux qui veulent mettre un terme aux 42 ans de règne sans partage de sa famille et qu’il décrit comme des terroristes appuyés par l’étranger. « Peut-on encore le soutenir ? Je ne pense pas. Nous sommes tous des réfugiés. Nous n’avons pas de maison, pas d’argent. Nos patrons ne nous paient plus. Il faut que ça s’arrête », dit-il.

Commerçants désœuvrés
Même le centre-ville de Damas a été bouleversé par les violences qui agitent les faubourgs. Les magasins n’ouvrent que de 9h à 15h, les prix se sont envolés et personne n’ose s’aventurer dehors une fois la nuit tombée, même en cette période de ramadan où, normalement, il y a foule dans les rues jusque tard dans la soirée. « Depuis le premier jour de ramadan, personne n’est entré ici », dit Mohammad, qui travaille dans un restaurant de la rue du 29-Mai, non loin de la vieille ville. « Cinq personnes sont venues aujourd’hui, mais comme je n’attendais personne, j’ai dû les éconduire », note-t-il. Seuls les petits snacks s’en sortent en vendant aux personnes déplacées, dans les écoles ou les jardins, des « fatayer », des pâtisseries fourrées à la viande ou aux légumes. Dans le quartier nord de Djisr el-Abyad, des commerçants désespérés en sont venus à vendre leurs produits à la sauvette sur le trottoir, une pratique qui aurait été immédiatement sanctionnée par les autorités avant le conflit.


En outre, les routes bloquées et les nombreux barrages de contrôle gênent les déplacements. « Je ne peux pas aller travailler ou livrer mes produits, et ce n’est pas comme s’il y avait beaucoup d’activité en ce moment (...). Je n’ai pas ramené un centime chez moi en trois mois », dit Bassam, un producteur de miel qui a fui sa maison de Douma avec sa famille pour rejoindre des proches dans le quartier central d’Abou Roumaneh. Et la crainte d’un blocus prolongé, associée à des pénuries de nourriture et d’essence, a provoqué la semaine dernière une augmentation de plus de 150 % des produits alimentaires et des files d’attente de trois heures devant les stations-service, avant qu’un convoi de camions-citernes n’approvisionne la ville hier.

Rejet des deux camps
À Midane, le premier quartier repris par les forces gouvernementales voilà huit jours, les carcasses de voitures brûlées, les immeubles détruits, les murs criblés de balles et les fenêtres brisées témoignent de l’ampleur des destructions. « Je suis revenu lundi et j’ai trouvé ma maison sens dessus dessous. Heureusement, j’avais emporté mon or et mon argent avec moi, mais l’armée a pris les vêtements de mon fils, mes bouteilles de parfum et d’autres choses encore », raconte Djouda. « S’il vous plaît, dites au monde de ne pas tenir compte de la Chine et de la Russie, et de mettre en place une zone d’exclusion aérienne », demande un autre habitant de Midane, reflétant la colère des opposants à Bachar el-Assad qui sont furieux de voir Pékin et Moscou bloquer les résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU sur la Syrie.


Pour autant, tout le monde ne soutient pas les insurgés. De plus en plus d’adversaires du président Assad se méfient aussi de l’Armée syrienne libre (ASL), la principale composante de l’opposition armée. « Aucun des deux camps n’est une option très intéressante pour la Syrie (...). Le régime est brutal, mais l’ASL, les salafistes et la communauté internationale vont détruire le pays », juge Houssam. « Vivre est devenu un gros problème. Des Syriens tuent d’autres Syriens. Tous les habitants de ma rue à Mezzé ont fui, dit une femme sur le marché aux légumes de Chaalane. On est en train de détruire le pays. » « La solution est entre les mains du régime, estime pour sa part le propriétaire d’un étal qui se garde bien de prononcer tout haut le nom de Bachar el-Assad. Ou bien il s’en va, ou bien il reste là à tuer des gens. Tant qu’il restera, il n’y aura pas de solution. »

Dans le quartier commerçant jadis animé de la rue Hamra, au cœur de Damas, trois hommes sont assis sur le trottoir devant des magasins déserts. Les combats entre l’armée et les rebelles dans les faubourgs de la capitale les ont chassés de chez eux. Ils sont des milliers à avoir afflué vers le centre-ville pour y rechercher une sécurité relative. Ils ont fui les quartiers sud et est de...
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Oui, mais ils disent aussi qu'ils méfient des rebelles

Talaat Dominique

04 h 56, le 30 juillet 2012

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Commentaires (2)

  • Oui, mais ils disent aussi qu'ils méfient des rebelles

    Talaat Dominique

    04 h 56, le 30 juillet 2012

  • Les paroles de ces habitants de Damas, victimes de la barbarie moderne de la dictature syrienne, convergent vers la même conclusion de ce propriétaire d'un étal : "Bachar el-Assad a assez tué des gens. Qu'il dégage".

    Halim Abou Chacra

    01 h 53, le 30 juillet 2012

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