Ziad Abs, probable candidat du Courant patriotique libre aux prochaines législatives à Achrafieh, a clamé hier tout haut ce que pensent les cadres du CPL, depuis un certain temps, tout bas. Sans pour autant en arriver jusqu’à rompre les ponts avec les alliés chiites des aounistes, M. Abs a toutefois avancé les principales doléances de sa formation et les raisons du mécontentement ressenti en son sein : l’hésitation, voire même leur opposition au refus du Hezbollah notamment à s’engager dans le chantier des réformes parrainées par le CPL, dans un souci de contenter la rue et les intérêts chiites tout en ménageant également les relations sunnito-chiites.
Décidément, rien ne va plus entre le CPL et le Hezbollah, laissait entendre M. Abs lors de son intervention, encore moins entre le CPL et Amal, les deux formations chiites ayant été violemment attaquées par le jeune membre du comité fondateur du CPL.
Certes, l’attaque devait également englober le Premier ministre, Nagib Mikati, mais les critiques envers ce dernier comptent moins dans ce contexte, dans la mesure où elles ne remettent pas en cause une entente stratégique comme celle qui existe entre le Hezbollah et le CPL.
Pour le parti de Dieu, il ne faut pas trop tabler sur les propos de Ziad Abs, qui fait cavalier seul, puisqu’il ne représente nullement l’avis de la majorité du courant, commente une source proche du parti de Dieu, qui fait allusion aux divers courants qui existent actuellement au sein du CPL. Selon la source du Hezb, Ziad Abs fait partie du lot qui cherche à se distinguer des principales figures des aounistes. Par conséquent, dit-elle, son attaque contre Amal et le Hezbollah s’inscrit en porte-à-faux, puisqu’elle exprime le contraire du climat de détente en direction duquel œuvrent actuellement le CPL et le Hezbollah en coordination avec Amal. La source affirme qu’un compromis est en voie de se décanter très prochainement avec Nabih Berry sur le dossier des journaliers « de manière à ce que tout le monde gagne au change ».
À ce propos, l’objectif du CPL est clair : il est temps que soit mis fin « à l’occupation » d’EDL par les journaliers, un objectif que les manifestations hier à Sassine ont bien illustré.
En attendant, laisse entendre le député Alain Aoun, il faudra que les alliés du CPL se rendent à l’évidence que le malaise est réel entre les partenaires politiques. Pour les aounistes, il est temps de rectifier le tir dans le sens des priorités, la question des réformes en étant une. Selon le député, le dossier épineux des journaliers d’EDL était « la goutte qui a fait déborder le vase », en faisant remonter à la surface les conséquences de plusieurs années de non-dit.
En clair, l’expérience gouvernementale n’est pas suffisamment satisfaisante. Tel est le bilan que met en exergue le député, qui souligne la nécessité d’effectuer une réévaluation des fruits de l’entente qui lie le CPL au parti de Dieu. Le parlementaire tient d’ailleurs à faire la distinction entre le malaise qui existe entre les partenaires sur les dossiers internes et la relation stratégique dans son ensemble. Celle-ci n’est pas remise en cause, notamment les armes du Hezbollah sur lesquelles le CPL continue d’avoir un même point de vue, dit-il. Les armes sont également à dissocier de la crise syrienne, laquelle aussi « fait l’objet d’un réexamen de notre part comme de la part de tous les protagonistes d’ailleurs ».
Dans un langage aux relents diplomatiques, ponctué d’euphémismes, Alain Aoun ne faisait que refléter l’ambiance rapportée par les visiteurs sur l’état d’esprit qui anime en ce moment le chef du CPL. Ces derniers ont répercuté récemment l’idée que Michel Aoun entend bien marquer son mécontentement à l’égard de ses coéquipiers chiites, sans toutefois en arriver à laver tout son linge sale en public.
Au terme d’un bilan effectué avec les figures de proue du CPL, le général considère aujourd’hui qu’il a déjà beaucoup donné dans cette relation à trois, sans que ses partenaires lui rendent la pareille, selon la formule du donnant-donnant. Il est non seulement insatisfait du résultat de cette alliance, mais le CPL considère aussi qu’il a déjà trop sacrifié dans le cadre du tandem chrétien-chiite, notamment en termes de baisse de sa popularité auprès de l’électorat chrétien. Le général se sent également offusqué de la manière dont son gendre a été traité au Liban-Sud notamment, une autre goutte qui a contribué au débordement du vase.
Toujours selon la logique aouniste, la résistance ne peut se contenter de confiner son rôle face à Israël, mais elle doit également « résister » sur le plan du chantier de réformes internes en menant bataille aux côtés du CPL, en épurant ses régions des pratiques de corruption et de racket, une exigence que Ziad Abs a clairement exprimée, en accusant notamment le Hezb de « couver dans ses régions les mafias de tout genre ».
Conscients de l’approche des élections et se fondant sur des indications sur la baisse de la popularité du CPL, les aounistes sont désormais déterminés à entreprendre un urgent et nouveau toilettage en vue d’améliorer l’humeur de la rue chrétienne. C’est ce qui explique leur recours à un discours anticorruption et nationaliste par excellence.
Non, soutient une source informée, Ziad Abs ne fait pas cavalier seul et ne peut d’ailleurs pas le faire. Il a bel et bien exprimé l’ambiance qui prévaut au sein des cadres du CPL et le mot d’ordre qui circule dans ces milieux : il s’agit de hausser les enchères, mais sans toutefois en arriver à une rupture totale ou un point de non-retour avec le Hezbollah. Sans remettre en cause également les bases fondamentales de l’alliance stratégique sur les armes notamment.
commentaires (7)
De la RIGOLADE OU de la POLICHINNERIE ? Même chose !
SAKR LEBNAN
10 h 49, le 28 juillet 2012