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À La Une - Discrimination

Participation des femmes à la vie politique : le Liban à la traîne

Sans réforme de la loi électorale, il est à parier que les prochaines législatives, prévues au printemps 2013, ne verront pas d’augmentation sensible du nombre de femmes au Parlement. Le droit de vote et de participation à la vie politique, les femmes libanaises l’ont pourtant obtenu en... 1953.

Aucune femme ministre dans l’actuel gouvernement présidé par Nagib Mikati. Juste 4 femmes députées au sein d’un Parlement formé de 128 parlementaires, soit 3,12 % de la Chambre. Toutes quatre filles, épouses, ou sœurs d’hommes politiques influents, morts ou encore en vie. C’est à ce chiffre dérisoire que se limite en juin 2012 la participation de la femme libanaise à la vie politique, au pays du Cèdre. Un tableau pire qu’en 2005. Le Parlement comptait alors 6 femmes, comme le décrit la chercheuse Mona Chemaly Khalaf dans une étude sur le statut des femmes, publiée en 2010. « Mais deux d’entre elles se sont éclipsées de la scène politique en 2009 pour laisser la place à leurs fils », précise-t-elle à ce propos. On est encore loin de la parité entre hommes et femmes, récemment consacrée par le président français, François Hollande, dans le gouvernement qu’il a formé. « Le Liban se vante. Mais il recule à ce niveau alors que tous les pays arabes évoluent », constate la députée Gilberte Zouein.

Système patriarcal, féodal et confessionnel
Telle est la réalité libanaise à un an des prochaines élections législatives, prévues au printemps 2013. Une réalité qui ne devrait pas trop changer dans l’immédiat, en l’absence de la moindre volonté du gouvernement actuel de réformer la loi électorale et de mettre en place un système de quotas qui permettrait aux femmes de prendre part, de manière active, à la vie politique du pays. « Le système politique actuel est hermétique aux nouveaux entrants, non seulement les femmes, mais aussi les jeunes, les indépendants ou les partis politiques non traditionnels », observe Ayman Mhanna, consultant politique et membre du comité exécutif du Renouveau démocratique. « Le vote à caractère confessionnel ou géographique impose déjà des quotas aux électeurs. À tel point qu’il est quasiment impossible d’introduire encore un quota pour les femmes », explique-t-il. Sans compter que les partis politiques peinent encore à donner aux femmes des places de leader ou à se faire représenter par elles, malgré la présence de femmes de grandes capacités au sein des partis.


Dans cet état des lieux, même la plus militante, voire la plus compétente des femmes ne peut espérer se tailler une place. « Pour se faire élire, il faut beaucoup d’argent, note Iqbal Doughan, présidente de la Ligue de la femme active au Liban. Or les femmes n’en ont pas ou n’en ont pas assez, vu qu’elles ne représentent pas une force économique. » En 2012, le taux d’emploi des femmes stagne à 27 % contre 71,5 % pour les hommes. « Sans oublier que les femmes elles-mêmes ne votent pas pour leurs pairs du même sexe, précise-t-elle. C’est pourquoi nous réclamons un quota féminin, non seulement sur les listes, mais aussi au niveau des sièges. »


Il est, de plus, évident que chaque femme de plus au Parlement ou au gouvernement est un siège de moins pour l’homme. La prédominance d’un système patriarcal, féodal et confessionnel, empreint d’une mentalité machiste et sexiste, n’étant pas pour faciliter la tâche aux femmes attirées par la vie politique. Difficile pour elles, dans ce contexte, d’envisager une quelconque amélioration de leur situation et d’espérer devenir prochainement les égales de leurs compatriotes de sexe masculin. Les législateurs, des hommes en grande majorité, ne semblent toujours pas convaincus de la nécessité de se pencher sur les droits et les revendications des femmes de leur pays, concernant notamment la violence conjugale, la transmission de la nationalité, le statut personnel ou le code du travail.

Quatre femmes au Parlement
Ce ne sont pas les quatre femmes au Parlement qui réussiront à faire bouger les choses, d’autant qu’aucune d’entre elles n’a jusque-là osé taper du poing sur la table pour porter haut la cause féminine, mises à part quelques timides tentatives. Il suffit de constater leur désintérêt affiché lors du dernier débat de politique générale au Parlement. Non seulement aucune d’entre elles n’a jugé bon de s’exprimer pour défendre les revendications de la femme libanaise, mais de plus, trois d’entre elles ont brillé par leur absence. « Toutes quatre membres de puissants partis politiques, elles ont les mains liées et ne bénéficient d’aucune indépendance », estime Aman Chaarani, universitaire, chercheuse et présidente du Conseil libanais pour les femmes. Ex-candidate malheureuse aux législatives face aux puissantes machines électorales, Mme Chaarani n’envisage pas de se présenter en 2013. « Je veux garder mon indépendance. C’est le meilleur moyen de servir la cause féminine. » Elle réclame surtout un quota féminin de 30 % de sièges au Parlement. Pour cette militante des droits de la femme, les femmes parlementaires n’ont pas travaillé pour la Libanaise. « Elles ont plutôt œuvré au sein de leurs associations ou dans leurs régions, et n’ont pas réussi à convaincre leurs collègues hommes et leurs blocs de la nécessité de changer les lois discriminatoires », regrette-t-elle. De son côté, Ayman Mhanna souligne que « ce comportement découle de la culture du messianisme du leadership au sein des partis libanais. Une culture liée à la maladie qui gangrène la vie politique libanaise ».


Le tableau de la participation féminine à la vie politique est certes noir, souvent déprimant. Mais la situation est loin d’être désespérée. Car les choses évoluent, même si le changement est lent et pas toujours perceptible. C’est au sein des conseils municipaux que l’évolution est la plus marquante, après une longue période de stagnation. Les élections municipales de 2010 ont porté 530 femmes aux conseils municipaux, sur 11 326 élus, selon une étude conduite par le National Democratic Institute (NDI), qui se base sur les chiffres fournis par le Conseil libanais pour les femmes. L’organisation américaine, qui travaille avec les femmes pour les aider à développer leurs capacités, a formé plusieurs dizaines de femmes libanaises au travail municipal.

 

Découragement des femmes
Ces chiffres, quoique bien en deçà des aspirations féminines, portent à 4,68 % la participation féminine en 2010 aux conseils municipaux. Une participation qui a presque doublé, après avoir stagné en 1998 et 2004 autour de 2,5 %. Car les élections municipales ne sont pas basées sur des considérations confessionnelles, mais plutôt sur des choix familiaux. Les freins demeurent pourtant. « Les femmes elles-mêmes rechignent à se présenter car elles considèrent la politique comme sale, corrompue, ce qui les décourage », note Samantha Smoot, directrice du bureau libanais du NDI. « C’est aussi leur entourage qui les décourage souvent, non seulement leur famille, mais aussi leurs partenaires du conseil municipal, qui ont encore de la difficulté à les considérer comme étant leurs égales », ajoute-t-elle.


Autre évolution notable, le matraquage des organisations féministes qui ont réussi à faire de la cause féminine une cause publique. Et ce malgré l’absence de réactivité des autorités et l’inertie des femmes libanaises, peu intéressées par la politique et peu soucieuses de leurs droits de manière générale. « Nous multiplions les manifestations pour revendiquer une plus grande participation de la femme à la vie politique, notamment par l’application du système des quotas, affirme Joumana Merhy, présidente du Rassemblement démocratique des femmes libanaises. Nous réclamons que soit adoptée la loi contre la violence domestique, celle qui autorise la femme libanaise à transmettre sa nationalité. Nous réclamons aussi la chute du régime confessionnel et un code civil pour le statut personnel. » Et d’observer que jamais les mouvements féministes n’ont été aussi actifs. « Jamais les médias n’ont autant parlé des causes féminines. Même au niveau du gouvernement et du Parlement, les discussions suscitées par ces causes sont plus sérieuses », fait-elle encore remarquer, précisant qu’il n’y a pas si longtemps, tous ces sujets étaient encore tabous.


Dans ce paysage politique ambiant, il est légitime de se demander si la femme peut prétendre bientôt à une place au sein de la vie politique libanaise. Même si certains partis politiques commencent à encourager la participation féminine, et même à envisager d’appliquer le principe des quotas, il n’est pas sûr que cette question soit prioritaire lors des prochaines législatives.

Aucune femme ministre dans l’actuel gouvernement présidé par Nagib Mikati. Juste 4 femmes députées au sein d’un Parlement formé de 128 parlementaires, soit 3,12 % de la Chambre. Toutes quatre filles, épouses, ou sœurs d’hommes politiques influents, morts ou encore en vie. C’est à ce chiffre dérisoire que se limite en juin 2012 la participation de la femme libanaise à la vie...

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