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Participation des femmes à la vie politique : le Liban à la traîne

Principal défi : faire ses preuves et se faire respecter

Raya el-Hassan, ancienne ministre des Finances.

Elles ont déployé tous les efforts nécessaires pour servir la chose publique. Elles ont joué des coudes pour se faire accepter par leurs collègues de sexe masculin, pour se faire respecter par eux. C’est avec sagesse que trois femmes politiques, la députée Gilberte Zouein, l’ancienne ministre des Affaires sociales et députée Nayla Moawad et l’ancienne ministre des Finances Raya el-Hassan évoquent leur parcours dans la politique. Une expérience positive, marquée par le travail acharné et la satisfaction de voir aboutir certains de leurs projets, parmi lesquels la défense des droits de la femme et de l’enfant, mais qui n’a pas manqué d’être ternie épisodiquement par des propos discriminatoires, voire des critiques déplacées de la part de leurs collègues hommes. Au final, malgré les difficultés et les écueils, elles sont fières d’avoir contribué à paver la voie aux femmes en politique, à l’instar de toutes leurs consœurs députées, ministres ou même présidentes de municipalité.

Plus de femmes, moins de corruption
 « Lorsque j’ai voulu me lancer dans la politique, les hommes ont tenté de me décourager. J’ai tenu bon, par défi », se souvient Gilberte Zouein, qui a grandi dans une grande famille politique du Ftouh Kesrouan. « Le travail parlementaire est une lutte continue pour faire passer les lois, plus particulièrement celles qui concernent la femme et l’enfant », constate-t-elle. Mme Zouein estime que le nombre restreint de femmes au Parlement et les lois religieuses constituent, sans aucun doute, un frein à l’évolution des mentalités. « Les avancées sont donc lentes », déplore-t-elle, évoquant notamment la loi contre la violence domestique. « Il est difficile d’être une femme seule parmi tant d’hommes », ne peut-elle s’empêcher de dire. « J’ai réussi à me faire respecter. Mais comme je ne m’exprime que lorsque j’ai quelque chose à dire, les députés réagissent quand je prends la parole », souligne-t-elle. La députée invite cependant les femmes à « foncer », « à se mettre en avant » et à « être persévérantes ». « Plus il y a de femmes en politique ou dans l’administration, moins il y a de corruption, car les femmes sont exigeantes », lance-t-elle.
Veuve d’un président assassiné, Nayla Moawad n’a pas eu trop de mal à se faire respecter de ses collègues hommes. « Ce sont les femmes libanaises qui m’ont fait ce reproche, et plus particulièrement les militantes de la société civile », constate la première femme libanaise à s’être portée candidate à la présidence. « Mon défi était de réussir », poursuit-elle, racontant les heures de travail acharné pour « étudier la Constitution ou les dossiers » et « devenir une députée active ». « En tant que femme, je devais travailler deux fois plus qu’un homme pour m’imposer et éviter la critique. Je ne pouvais pas me permettre la moindre bêtise, alors que les hommes, eux, sont excusés, raconte-t-elle. J’ai bien essuyé quelques réflexions machistes, de temps à autre, mais je me suis aguerrie. » Mme Moawad préfère parler de ses combats pour l’enfance qui travaille, pour l’enseignement obligatoire, pour la lutte contre la pauvreté, pour l’alphabétisation des femmes, pour la lutte contre les épidémies, pour les droits des prisonnières ou des handicapés, pour une politique de l’habitat aussi. Elle évoque enfin son engagement auprès des femmes pour les encourager à se présenter aux municipales. « Mais elles rechignaient à mener campagne », regrette-t-elle.

Les blagues déplacées
Seule femme à ne pas être issue d’une famille politique, Raya el-Hassan, première femme ministre des Finances du monde arabe, n’avait jamais envisagé entrer en politique avant d’être sollicitée par Saad Hariri. Cette mère de famille, marquée par la mort de Bassel Fleyhane, son patron, craignait d’imposer aux siens une expérience similaire. « J’ai finalement décidé de me lancer grâce aux encouragements du Premier ministre désigné. » « Les ministres hommes nous traitaient avec beaucoup de délicatesse, ma collègue Mona Afeiche et moi-même. Ils surveillaient leur langage et s’adressaient à nous avec respect. Mais je sentais qu’ils se demandaient si je connaissais bien mon dossier et si j’avais les compétences nécessaires », se rappelle-t-elle. Mme Hassan a progressivement réussi à instaurer une relation de confiance avec ses confrères ministres. « Nous traitions désormais d’égal à égal », explique-t-elle. « En tant que femme, j’évoquais des sujets que les hommes n’abordaient pas, comme les prisons ou les droits des femmes, notamment au niveau des impôts ou des comptes bancaires », poursuit-elle. L’ancienne ministre ne peut s’empêcher de se remémorer de mauvaises expériences, notamment avec certains députés. « Ils me traitaient avec condescendance, lançaient des blagues déplacées », raconte-t-elle. Renouvellerait-elle l’expérience ? « Certainement, mais dans d’autres circonstances », répond Raya el-Hassan qui demeure convaincue que les choses évoluent et que le combat des femmes du Liban est désormais enclenché.

A.-M. H.
Elles ont déployé tous les efforts nécessaires pour servir la chose publique. Elles ont joué des coudes pour se faire accepter par leurs collègues de sexe masculin, pour se faire respecter par eux. C’est avec sagesse que trois femmes politiques, la députée Gilberte Zouein, l’ancienne ministre des Affaires sociales et députée Nayla Moawad et l’ancienne ministre des Finances Raya...